Recherche et enseignement dans le secondaire.
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, le 14 janvier 2005Un recteur empêche l’attribution d’une bourse de recherche européenne de l’Agence Spatiale Européenne, attribuée à un enseignant du secondaire.
Je suis enseignant agrégé en Mathématiques. J’ai passé l’agrégation de Mathématiques, sur les conseils de mon directeur de thèse, afin justement de pouvoir effectuer une thèse de doctorat. Ainsi, pendant 5 ans, je me suis consacré à ma thèse tout en enseignant dans le secondaire, parfois dans des conditions difficiles. Cependant, ceci m’a permis d’effectuer ma thèse sans l’angoisse de l’après thèse que ressentent tous les doctorants.
Etant très attaché à la recherche, j’ai postulé pour une bourse de post-doctorat de l’ Agence Spatiale Européenne (ESA) une fois ma thèse terminée. Fin septembre 2004, j’ai appris que j’avais obtenu cette bourse. C’était pour moi une nouvelle parfaitement inattendue et ceci représentait la concrétisation de tous mes efforts pour faire cette thèse. Malheureusement, je ne peux accepter cette bourse que si le recteur de l’ Académie de Versailles consent à me donner une disponibilité d’une, voire deux, années scolaires. Mais la politique actuelle étant d’avoir un minimum d’enseignants titulaires, l’académie de Versailles n’a personne pour me remplacer (sauf des vacataires, ou des contractuelles). D’où le refus du recteur de m’accorder cette disponibilité (après un premier refus, j’ai effectué un recours qui n’a pas abouti non plus).
Le recteur est dans son droit lorsqu’il refuse ainsi une disponibilité et sa décision peut se comprendre, cependant il est toujours possible de trouver un remplaçant, et sa décision a été prise au mépris de l’obtention de la bourse. J’ai pu m’apercevoir, en appelant le cabinet du recteur, que mon dossier n’avait pas été lu, en particulier ils n’étaient pas au courant, ni du montant de la bourse (plus important que mon salaire, ce qui les a surpris), ni des nombreuse lettres de soutient de chercheurs européens de renom. En outre, ils n’ont absolument pas évalué le fait que derrière une telle bourse il y a un programme de recherche européen dans lequel un groupe de chercheurs européens est impliqué. Ainsi, un recteur d’ Académie est venu à l’encontre d’une décision d’un organisme de recherche européen pour favoriser un programme de recherche européen.
Outre les conséquences personnelles, ce genre de décision met en lumière plusieurs choses. Tout d’abord, la politique qui consiste à recruter un nombre d’enseignants réduit au strict nécessaire (et même souvent en dessous du nécessaire) est la première responsable de ce manque de flexibilité du personnel enseignant des académies. Ensuite, et c’est aussi un corollaire du point précédent, le discours qui tend à inciter des doctorants à passer des concours de l’enseignement supérieur ne tient plus. En effet, dès que le doctorant, ou docteur, est affecté dans une académie (ce qui arrivera dès qu’il n’aura plus de financement), la réussite à ce concours deviendra un handicap considérable pour faire de la recherche. Ceci est d’autant plus difficile à vivre lorsque toute la thèse a été faite sans financement et en parallèle au métier d’enseignant. Enfin il est douloureux de s’apercevoir qu’un recteur d’ Académie puisse décider qu’un programme de recherche européen vaut moins que la bonne gestion de son contingent d’enseignants.
Je le répète, son argument est valable, mais dans des cas comme le mien, on est enseignant, mais on est aussi docteur, et les efforts fournis pour être docteur sont souvent considérables. Il est vraiment dommage que ce double statut ne soit absolument pas reconnu ni dans le milieu de l’enseignement ni dans le milieu de la recherche.
Actuellement, en parallèle avec mon ex-directrice de thèse et le directeur de l’observatoire où j’ai effectué ma thèse, j’ai envoyé un recours hiérarchique auprès du ministère de l’ Education Nationale, de l’ Enseignement Supérieur et de la Recherche. Malheureusement il a très peu de chance d’aboutir puisque la décision revient de toute manière au recteur de l’ Académie de Versailles. Je ne pense pas que le mouvement « Sauvons la Recherche » puisse changer quoique ce soit me concernant, mais le nombre d’enseignants du secondaire effectuant ou ayant effectué des thèses n’est pas négligeable, et je pense que « Sauvons le Recherche » devrait aussi parler de ce genre de situation, où trop souvent , la recherche effectuée par l’enseignant n’ai absolument pas reconnue par son organisme de tutelle.
Marc Fouchard.