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Alternative au projet gouvernemental

de "Loi d’orientation et de programmation de la recherche et de l’innovation"

Par Henri Audier, le 18 février 2005

proposée par Sauvons-la-recherche

Le projet de Loi du gouvernement est inacceptable et ne peut servir de base de discussion. En partant des conclusions des Etats généraux de la recherche (EGR), d’autres principes, ainsi que leur traduction en termes de programmation, sont proposés dans ce texte. Mais c’est dès 2005 qu’il faut répondre aux demandes faites en matière d’emploi. Il faut aussi arrêter le gouvernement, qui met en place son Agence Nationale de la Recherche (ANR) et sa politique pluriannuelle, sans attendre la nouvelle Loi et la création du Haut Conseil à la Science (HCS).

1- Recherche et Enseignement supérieur ne peuvent être pilotés par l’innovation

- La programmation du Projet de Loi met essentiellement l’accent sur l’innovation et le transfert. L’innovation étant un produit de la recherche, il faut rétablir et garantir la place fondamentale des recherches liées à l’élaboration et à la transmission des connaissances, qui sont marginalisées et orientées dans le projet. Il faut donc une tout autre programmation des moyens et ce dès 2005.
- Recherche et enseignement supérieur ne sauraient être séparés : il faut un ministère de la recherche, de l’enseignement supérieur et de la technologie, coopérant avec un ministère de l’industrie et de l’innovation.

2- Une recherche doit être ouverte sur la société

- Le HCS doit assurer la cohérence et les équilibres de la recherche publique, comme ses interactions avec la société. Placé auprès du Premier ministre, il comporte des scientifiques élus et nommés, ainsi que des représentants du monde socio-économique et associatif.
- Les grands choix doivent faire l’objet de débats dans le pays et au Parlement ; un effort considérable doit être fait pour la diffusion de la culture scientifique.

3- La recherche doit être moins pilotée, plus réactive et donner plus d’initiative à la base

- L’organisation des équipes en laboratoires, centres ou IFR, doit partir de problématiques scientifiques et être précédé de la consultation des intéressés. Une équipe ou un laboratoire bien évalué, présentant un projet intéressant, doit recevoir par un contrat quadriennal, les moyens financiers et humains pour le réaliser.
- C’est d’abord aux organismes et aux universités de répondre à ces demandes, de telle sorte que les laboratoires et équipes reçoivent au moins 70 % de leurs crédits de base de leurs tutelles. Il est donc proposé de doubler leurs crédits de base en cinq ans (les tripler là où les coûts ont explosé) et de transformer l’ANR en Comité de Financement des Projets Scientifiques (CoFiPS), avec un rôle, un mode de fonctionnement et un poids financier, conformes aux EGR (§5).
- En complément, pour favoriser réactivité et pluridisciplinarité, il doit exister des possibilités significatives pour faire financer des projets "blancs" par les établissements et le CoFiPS.

4- La recherche doit être basée sur une synergie entre organismes et universités

- Aller progressivement vers un réexamen des contours des organismes implique de mettre en œuvre des coordinations par grands secteurs. Dans le cadre de leurs missions, les organismes doivent aussi assumer collectivement, et avec les universités, l’élaboration des connaissances.
- Des partenariats rénovés et plus équilibrés entre organismes et universités sont indispensables. Cela suppose que soient adoptées les réformes des universités telles qu’elles ont été proposées avec précision par les EGR (budget de recherche, adaptation des instances, évaluation de tous leurs laboratoires par une instance nationale). Cette réforme doit être négociée avec tous. - Les Pôles de Recherche et d’Enseignement Supérieur (PRES) visent à associer localement, dans des structures légères (ex : GIP) et multidisciplinaires, les différents partenaires de l’enseignement supérieur et de la recherche publique et privée. Outils d’aménagement du territoire, ils devraient permettre, en mettant en place des réseaux, de coordonner et diversifier l’offre de formation, d’élargir les possibilités de recherche des E-C, de favoriser les coopérations et de servir d’interlocuteur aux acteurs économiques et sociaux.
- Les principes communs aux organismes et universités d’une évaluation (suivie d’effets) doivent être élaborés avec la participation des instances actuelles (critères, majorité d’élus, etc.). Tous les individus doivent être évalués et toutes leurs missions prises en compte.
- Les allègements administratifs demandés sont réalisables sans sortir du cadre public.

5- L’ANR doit être remplacée par le CoFiPS proposé par les Etats généraux

Il faut remplacer l’ANR par le CoFiPS, prenant la suite du FNS et du FRT actuellement gérés par le ministère. Le CoFiPS est une structure légère, émanant des opérateurs de recherche et du HCS. Son rôle est de répondre aux expressions de la société, de favoriser les approches pluridisciplinaires et inter-établissements, de contribuer à l’acquisition d’équipements structurants (y compris en SHS), de favoriser les interactions entre secteurs public et privé. Il doit aussi prendre en compte les initiatives de grande qualité et les thématiques émergentes, en ayant la possibilité de financer des projets blancs (spontanés) ou de jeunes équipes. Chaque programme est placé en gestion dans un organisme et doté d’un CS, les membres des CS étant désignés pour moitié par les opérateurs de recherche, pour moitié par les instances d’évaluation nationales. La croissance des crédits de base, comme celle de l’emploi statutaire, conduisent à proposer une progression du CoFiPS beaucoup plus modérée que celle prévue pour l’ANR.

La récente programmation autoritaire de l’ANR est irrecevable (ex : 1% pour le SHS, 3 % pour des projets blancs "orientés"). Il faut que l’argent soit dépensé en 2005 mais non gaspillé : (i) qu’il soit utilisé pour 50 % sur de nouveaux programmes lancés sur proposition d’un HCS transitoire (constitué par des représentants des établissements et de leurs CS) ; (ii) qu’il soit affecté, en 2005 et avant création du HCS, pour 50 % aux établissements, avec pour mandat la mise en œuvre immédiate des propositions des EGR : projets blancs, propositions structurantes et coopératives entre établissements, scientifiques étrangers.

6 - L’attractivité de nos métiers est incompatible avec une politique de précarisation

- Anticiper la pénurie de docteurs qui se profile suppose de prendre immédiatement des mesures pour attirer de bons doctorants et conserver nos jeunes docteurs. Pour cela, dès 2005, il est indispensable d’afficher et de commencer un plan pluriannuel de l’emploi scientifique généreux, correspondant aux demandes des EGR (quatre fois plus de créations que les propositions homéopathiques du gouvernement). C’est aussi la condition pour renforcer l’activité de recherche des E-C (demi-décharge pour les jeunes MC, postes d’accueil, service de 150 h/an) et pour stopper la précarisation des jeunes.
- Dès 2005 aussi, les doctorants doivent bénéficier d’un statut de salarié et le montant des allocations doit immédiatement être porté à 1500 €/mois brut (+ 15 %).
- Il faut revaloriser les débuts de carrières et au-delà d’offrir une progression dans la carrière qui soit attractive pour tous, en faisant un effort particulier pour les ITA/IATOS, que le projet actuel ignore. Les primes proposées doivent être utilisées pour fluidifier le passage de grades.

- Pour réaliser nos propositions, il faut 300 M€ de plus par an pour la recherche publique, par rapport au projet gouvernemental. Programmant la recherche à 2,49 % du PIB en 2010 et non 3 %, le gouvernement doit faire cet effort. Il pourrait aussi le compenser par une économie de 200 M€/an sur les aides fiscales aux entreprises (partie non "ciblée" du crédit d’impôt).
- Il convient enfin qu’un plan spécifique lié aux besoins de l’enseignement soit élaboré, mis en œuvre, et intégré à celui pour la recherche, notamment pour l’emploi : bâtiments, cités, taux d’encadrement des étudiants, IATOS nécessaires à l’administration, carrières des E-C et IATOS.

Annexe : Proposition de programmation des moyens 2005-2010

Crédits

- Il faut doubler en 5 ans les crédits de recherche (fonctionnement et appareillages mi-lourds) des universités, EPST et des recherches de base des EPIC, dont les CP s’élèvent à 1,5 milliards/an. L’effort doit être réparti plus fortement les deux premières années (rattrapage du trou 2002-2004). Les 2/3 de ces CP étant utilisés en crédits de base, doubler ceux-ci suppose 200 M€/an de plus. Tripler ces crédits dans les secteurs où les coûts ont explosé, représente 20 M€/an supplémentaires.
- Cette croissance peut être obtenu par une ventilation différente des crédits destinés à l’ANR pour rétablir un équilibre entre financements de base et financements orientés, dans les secteurs fondamentaux comme technologiques du secteur public. Pour ce, il faut limiter à + 50 M€/an (contre 224 M€/an dans le projet gouvernemental) la croissance de l’Agence (CoFiPS) dans son rôle dispensateur de contrats (FNS et FRT actuels). Cela portera son montant à 600 Md€ (350 en 2005 + 3 x 50 ) en 2010 soit 3 fois (et non 7,5 dans le projet) le montant des crédits du FNS et du FRT en 2004. Cela est largement assez pour financer notamment des programmes pluridisciplinaires, des projets spontanés, des inter-faces public-privé ou l’accueil de scientifiques étrangers.
- Le reversement aux organismes et universités de la différence entre le financement prévu pour l’ANR et celui proposé ici (soit 224-50 = 174 M€/an) permettrait de financer une grande partie de la croissance des crédits de base proposée dans ce texte. Il ne manquerait que (220-174 =) 46 M€/an pour atteindre le doublement des crédits de base.
- Si le gouvernement refusait de budgétiser les moyens de l’ANR (qui viennent des privatisations) et voulait maintenir l’ANR à son niveau actuel, il conviendrait alors que l’ANR (CoFiPS) finance une forte partie (pour 174 M€) des Très grandes infrastructures qui sont actuellement payées par les organismes et budgétisées, ce qui permettrait de budgétiser la croissance demandée des crédits de base.

Personnels

- Emplois. Il convient de rétablir les propositions des EGR et donc de multiplier environ par 5 les prévisions du projet gouvernemental. Il s’agit de créer (de plus que prévu dans le projet) : 1770 MC, 400 ITA, 900 IATOS, 270 chercheurs, 300 accueils pour EC dans les EPST, 3500 moniteurs, de plus par an. Le coût correspondant (sur la base de ceux, surestimés, du projet) est de 150 M€/an, dont moins du tiers concerne les organismes. Attractivité des carrières ( grilles, passages de grades). La revalorisation des débuts de carrière est insuffisante (+ 20 M€ à prévoir). Les ITA doivent bénéficier d’une amélioration réelle : 60 M€. Les salaires et carrières des universitaires et IATOS semblent être considérés hors du projet : il convient de prévoir le double que pour les organismes soit de l’ordre de 200 M€ dans la LOP ou dans une programmation spécifique à l’enseignement supérieur. Pour les EPIC (emplois non fonctionnaires), une croissance de crédit pour la revalorisation est à prévoir. Bilan carrières : >80 M€/an de plus.
- Jeunes chercheurs. (i) donner un statut de salarié et une couverture sociale à tous les doctorants et post-doctorants financés (5 M€/an) ; (ii) porter à 1500 euros brut (+ 15 %) le salaire des allocataires dès 2005 (25 M€ en 2005, soit + 5 /an en moyenne) ; créer 100 postes d’accueil/an pour jeunes chercheurs étrangers ou à l’étranger (coût 5 M€/an). Bilan net : + 15 M€/an.

Bilan général

- Il faut donc de l’ordre de 300 M€ de plus par an. Programmant 2,49 % du PIB en 2010 et non 3 %, le gouvernement doit faire cet effort.
- La politique en matière d’innovation et d’aide à la recherche industrielle a consisté a additionner des mesures d’inspirations différentes. Cette politique n’a aucune "lisibilité" et va conduire à des gaspillages considérables. Comme suggéré par les EGR, le gouvernement pourrait compenser l’effort demandé pour le secteur public, d’abord par une économie de 200 M€/an sur les aides fiscales (partie non "ciblée" du crédit d’impôt) ; malgré cela, la croissance des aides aux entreprises restera forte. Il pourrait, de plus, (proposition des EGR) taxer pour 100 M€/an les grandes entreprises qui bénéficient des retombées de la recherche, mais n’en font pas (banques, assurances, grande distribution, etc.). Par contre le renforcement des recherches technologiques est nécessaire.
- Il est de plus souhaitable que les ressources destinées au secteur public soient toutes budgétisées.