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Du financement des labos publics

Par Marie-Odile Fauvarque, le 16 avril 2005

Article paru dans "Les Echos" le 12 avril 2005

Il y a un réel gâchis de la part de l’Etat quand de nombreux chercheurs dont l’activité est évaluée comme bonne, voire excellente, par leur organisme de tutelle ou leur université n’ont pas les moyens suffisants pour travailler. Les responsables de projets sont donc contraints à la recherche de subsides par le biais d’appels d’offres émanant d’associations civiles, d’industriels, de ministères ou de l’Union européenne, particulièrement en biologie où les coûts ont explosé. Ils y dépensent un temps considérable et se détournent de leur mission de recherche. Cette situation est absurde car la somme à trouver représente souvent moins du dixième des salaires. Elle est dangereuse car l’orientation de la recherche publique provient de plus en plus de financements incitatifs mais partiels apportés par divers bailleurs de fond. Ces derniers ont un rôle crucial dans certains domaines (cancer, environnement...) mais leur objectif n’est pas de soutenir l’ensemble de la recherche fondamentale.

Quant aux appels d’offres ministériels : on observe que de nombreux projets pourtant bien évalués sont rejetés, faute de moyens. Pire, les subventions promises sont parfois incomplètement versées ou avec des délais considérables. Il y là un gaspillage de temps pour les candidats et pour les experts chargés des évaluations (également chercheurs), gaspillage qui nuit au dynamisme de la recherche et décourage ses acteurs ! Au vu de l’effort budgétaire annoncé par le gouvernement (1 milliard d’euros en 2005, 6 milliards sur 3 ans), on aurait pu croire que cette situation allait changer. Mais dans le projet actuel, le gouvernement a concentré l’essentiel des moyens sur la nouvelle Agence Nationale pour la Recherche (ANR) qui distribuera la plupart des crédits par le biais d’appel d’offres sur des thématiques ciblées. Si l’utilité de l’ANR est reconnue par les chercheurs pour le développement de champs thématiques prioritaires, ou le financement de nouveaux projets, il aurait fallu prévoir conjointement l’indispensable augmentation des crédits de base des laboratoires au travers des organismes et des universités (estimée à 350 millions d’euros). À défaut, on peut craindre que l’ANR ne soit submergée de dossiers comme le fut auparavant le Ministère et que de nombreux laboratoires restent dans un état de sous financement injustifié ; tandis que d’autres, sur des thématiques prioritaires, seraient excessivement dotés.

Il serait paradoxal que les organismes de recherche n’aient plus les moyens d’assurer une politique nationale de recherche cohérente : ils sont les mieux placés pour le faire. En effet, à l’occasion de la mise en place des contrats quadriennaux, chaque équipe est jugée sur des critères de qualité internationale par un comité composé de scientifiques indépendants sur ses résultats et ses projets pour les quatre ans à venir. Soucieux de maintenir la compétitivité française, les chercheurs ont demandé que cette évaluation soit mieux prise en compte dans la répartition des moyens humains et financiers au sein des laboratoires et qu’elle soit étendue à tous les établissements de recherche, dont les universités. Il conviendrait aussi, pour une meilleure réactivité du système de recherche français, de donner une réelle autonomie de gestion aux centres de recherche qui le méritent au vu de la qualité de leurs travaux.

En soutenant le mouvement des chercheurs, les Français ont montré qu’ils avaient conscience du rôle de la recherche comme source de connaissances et de découvertes essentielles pour la nation. S’il est crucial de veiller au transfert des nouvelles découvertes vers le monde socio-économique à posteriori, seule la recherche fondamentale, se développant sans à priori, apporte des ruptures technologiques que l’on ne peut anticiper (électricité, rayons X, structure de l’ADN...). Dans la loi qui se prépare, il convient de tenir compte des propositions de réformes élaborées au cours des états généraux de la recherche. Il est indispensable également qu’à l’heure où un déficit important de scientifiques s’annonce en France et en Europe, une meilleure gestion des carrières et un financement accru de la recherche publique et privée incitent plus de jeunes à s’orienter vers les sciences.

Marie-Odile Fauvarque est chercheuse au CEA, Membre du comité de suivi des états généraux de la recherche et du collectif « Sauvons la recherche ».