Institut National du Cancer : réservé au initiés ?
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, le 26 mai 2005Le lancement de l’Institut National du Cancer (INCa) donne lieu a des manifestations d’autosatisfaction de la part d’un gouvernement qui s’apprête à vaincre le cancer, comme Richard Nixon l’avait déjà fait dans les années 70.
En tant que scientifiques, si certains effets d’annonce nous paraissent déplacés, nous ne voulons pas critiquer ici la décision du gouvernement d’affecter des fonds à des efforts réels concernant une meilleure prévention des cancers, une meilleure prise en charge des malades, de meilleurs essais cliniques, même si nous pensons que pour ce qui est des aspects scientifiques de la recherche sur le cancer, son pilotage à travers cette agence risque d’être peu productif (cf les succès plus que relatifs du plan américain évoqué ci-dessus). Mais il nous est impossible d’approuver la façon dont l’INCa gère ses actions incitatives de recherche clinique et fondamentale. Les choix faits vont aboutir à ce qu’au mieux l’INCa finance les équipes travaillant déjà sur le sujet, sans en attirer de nouvelles, susceptibles d’enrichir les approches existantes.
En effet, le mode de gestion du premier appel d’offres de l’INCa est proprement stupéfiant. Il a été lancé et diffusé à la mi-Mai, avec des délais incroyablement courts, les équipes de recherche apprenant qu’elles avaient 2 ou 3 semaines pour réagir, parfois moins. Ainsi, les plus jeunes disposaient d’une douzaine de jours pour répondre à l’offre de subventions pour les post-doctorants (clôture de l’appel le 27mai). Pour les appels aux projets "libres", ceux qui pourraient attirer le mieux les nouvelles idées et les approches multidisciplinaires, le dépôt des lettres d’intention était fixé au 5 Juin ou au 6 juin, suivant les documents de l’INCa, et celui des dossiers complets, le 10 Juin. En d’autres termes, le comité d’évaluation de l’INCa (dont la composition n’est pas publique) prévoit 4 ou 5 jours pour l’enregistrement des lettres, leur analyse et l’évaluation finale, sans oublier la communication de résultats aux intéressés. Qui dit mieux ?
Avec une telle célérité, qui n’a pas d’égale dans le monde scientifique international, l’INCa pourrait être inscrit au Guinness Book of Records. Manifestement, pour décrocher un contrat à l’INCa en 2005 il vaut mieux se trouver parmi ceux qui connaissaient les détails de son organisation avant le lancement de l’appel. Si l’intention des organisateurs était d’effectuer un tri "sélectif" avant l’heure parmi les candidats, ils n’auraient pas agi différemment ! Sur la scène scientifique internationale, la crédibilité de la gestion publique de la politique scientifique française ne ressortira pas grandie de ce type de pratique. Ceux qui dirigent, organisent ou cautionnent ce mode de fonctionnement portent une lourde responsabilité.
Fernando Arenzana et Alain Trautmann