Syndicat National des Travailleursde la Recherche Scientifique (SNTRS CGT)
Modification des CSS : Non à la marginalisation des personnels de l’Inserm
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, le 11 mai 2006La Direction Générale de l’Inserm vient de rendre public ses propositions de modifications des CSS et des jurys d’admission pour que soit disant l’Institut soit accrédité par l’Agence d’Evaluation de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur (AERES) pour l’évaluation de ses formations et le recrutement de ses chercheurs.
Fusion des collèges électoraux A2, B2, A1, B1, C en trois collèges A, B, C
Afin de mieux faire participer ses partenaires institutionnels, hôpitaux et universités, aux instances, la Direction propose que les personnels d’un grade assimilable à celui de Directeur de recherche et de Chargé de recherche soient regroupés quelle que soit leur appartenance administrative en deux collèges A et B.
Les effectifs du collège A2 et B2 représentent respectivement 90 % et 75 % des effectifs des collèges A1 et B1. La participation aux élections des CSS de 2002 a été de 50 % et 27 % pour les collèges A2 et B2 et de 54% et 43 % pour les collèges A1 et B1. Par CSS, la participation de l’ensemble des collèges 2 va de 34% (CSS 8) à 100% de celle de l’ensemble des collèges 1 (CSS4). Alors que dans les collèges A1 et B1, plusieurs listes le plus souvent syndicales s’affrontent, dans les collèges A2 et B2, il y en qu’une seule. Cette mesure couplée à la modification des modalités de scrutin fournit l’opportunité aux lobbies hospitalo-universitaires de contrôler complètement les CSS en marginalisant la représentation des chercheurs.
Cette fusion prive les 2000 chercheurs professionnels de l’Inserm de toute représentation spécifique au sein des CSS, ce qui revient à nier leur identité professionnelle. Elle s’inscrit dans la volonté plusieurs fois exprimée par le DG de voir disparaître le corps des chercheurs.
Modification du mode d’élection et du rapport élus/nommés.
"Afin de renforcer la complémentarité des compétences indispensables à l’accomplissement des missions des instances" la Direction générale propose de diminuer la proportion d’élus qui est actuellement de 3/5 (soit 25 membres) pour 1/5 de nommés (soit 10 membres) à la moitié soit 12 membres » soit 5 élus de rang A, de rang B, et 2 de rang C.
"Le scrutin de liste à la proportionnel au plus fort reste actuellement en vigueur à l’Inserm, n’apparaît plus aujourd’hui pleinement satisfaisant eu égard à l’évolution souhaitée du rôle des instances scientifiques de l’Institut." Afin de permettre à la fois une réelle diversité de candidature et l’émergence de candidatures d’excellence réellement dévolues à l’évaluation scientifique, la Direction propose de remplacer pour l’ensemble des collèges le scrutin de liste par un scrutin uninominal sur CV »
Notons que pour la Direction, le scrutin de liste ne semble pas constituer un mode d’élection idoine pour désigner des évaluateurs scientifiques. Le système actuel a l’inconvénient d’être démocratique puisqu’il repose sur des commissions dont les membres sont majoritairement des élus. Les nominations se justifient par la nécessité de couvrir les disciplines pas ou peu représentées par les membres élus. L’élection sur listes qui ne sont pas obligatoirement syndicales obligent les candidats à se déterminer à l’égard de la politique scientifique de la Direction et les engagent collectivement.
Pour notre syndicat c’est un engagement à agir pour défendre les laboratoires et les personnels. Le scrutin uninominal sur CV pour les trois collèges (réunion syndicats-Direction du 27 mars) repose sur une autre logique qui est celle de l’expert. Avec le CV, la liste de publications se substitue à la profession de foi. La notoriété devient le critère de l’éligibilité en lieu et place de la capacité à défendre une thématique, les équipes, les chercheurs. Ce système ne permet pas aux opinions minoritaires de se manifester, il instaure le phénomène de mode avec son corollaire, le conformisme scientifique comme critère dominant. Le DG veut que ses critères de notation, notamment la bibliométrie, (et non d’évaluation) des chercheurs et des formations de recherche soient ceux qui président aux choix des élus dans les CSS. Les ITA se voient réduits à la portion congrue, comment avec deux représentants pourront-ils assurer les visites des formations de recherche ?
La Direction se donne les moyens d’avoir des instances qu’elle contrôle complètement.
Jury d’admissibilité et experts
La Direction veut décider de la composition des jurys d’admissibilité auquel elle veut joindre des experts, dont le nombre serait de 25%. La CSS deviendrait un pool d’experts « internes » dans lequel la Direction puiserait à la demande pour chaque concours de recrutement auquel elle adjoindrait des experts extérieurs. La présence d’experts dans les jurys d’admissibilité remet en cause l’égalité de traitement des candidats au concours, à moins d’avoir un expert pour chaque candidat !! L’expert généralement s’exprimant en anglais et non en français (sinon, comment parler d’expertise !), l’audition en français ne pourra que desservir le candidat, dixit le DG lors de l’entrevue syndicat-Direction du 27 mars !! Il faudra donc parler anglais pour rentrer dans l’administration française !! A quoi serviront les experts lors du classement final ? Donneront-ils leur avis sur les candidats travaillant dans les domaines qui ne sont pas les leurs ? Combien d’experts devront être contactés pour en trouver qui acceptent d’être présents aux dates et heures fixées par l’Inserm, devront-ils être rémunérés pour leur prestation ?
Modification de la périodicité de l’évaluation individuelle.
La Direction propose d’espacer les évaluations des chercheurs tous les quatre ans au lieu de 2 actuellement afin de les phaser avec les demandes de créations d’unités.
Ainsi une CSS n’examinera qu’une fois un dossier et n’aura plus aucun élément pour en assurer le suivi, c’est la Direction qui aura tous les éléments.
Développement de la précarité
La Direction propose de rendre définitif le recrutement des CR1 à hauteur de 60% des recrutements de CR.
Rappelons qu’en 2002 le DG avait voulu faire passer la proportion de CR1 recrutés de 40% à 80%. Devant le tollé provoqué par cette mesure la Direction avait réussi à la faire accepter en CTPC en la rabaissant à 60% et en la faisant passer pour expérimentale pour une période de 5 ans (le SNTRS-CGT fut le seul syndicat à voter contre). La Direction jugeant l’expérience concluante veut la rendre définitive.
Les niveaux de recrutement CR2 et CR1 sont les mêmes, la différence réside dans l’expérience acquise d’où l’introduction d’une limite d’age avec des dérogations, notamment pour maternité, afin de faire du recrutement CR2 un recrutement jeune. L’accroissement du taux de recrutement en CR1 rallonge d’autant la période de précarité et contribue à éloigner les étudiants des carrières de recherche. C’est cette réduction de la proportion de CR2 au recrutement à l’INSERM qui fut à l’origine du mouvement de 2004, avec 0 poste de CR2 ouvert au concours dans plusieurs CSS. Et la Direction qui juge l’expérience positive !! Ce commentaire est d’autant plus provocateur que le document de la Direction a été envoyé aux organisations syndicales le jour où le gouvernement retirait le CPE ! Alors que le pays dans sa grande majorité vient d’exprimer son ras le bol de la précarité, le DG de l’Inserm considère que l’avenir des jeunes dans la recherche publique, passe par l’accumulation de post-docs !
Création d’une hors classe.
Afin d’améliorer les perspectives de carrières des CR1, la Direction envisage la création d’une hors classe dont l’échelle indiciaire est celle des DR2.
La Direction compte sur cette mesure pour faire accepter celles qui ont été précédemment décrites. Mais elle n’est pas spécifique à l’Inserm, car elle doit être présentée au CA du CNRS du 22 juin. Rien n’est dit sur les critères d’attribution de la hors classe.
L’argument de l’accréditation de l’AERES n’est qu’un prétexte, puisque le CNRS ne procède pas à de telles modifications. Le DG de l’Inserm qui ne s’est jamais caché de faire de l’Institut une simple agence de gestion de contrats profite de la mise en place du Pacte pour la recherche pour assujettir la recherche biomédicale de l’Institut à l’université médicale et à l’Hôpital. Les statuts de l’Inserm et de ses personnels constituent des obstacles à ces orientations. Avec le nouveau mode de désignation des jurys d’admissibilité, la désignation des experts, la fusion des collèges électoraux, la modification des modalités électorales, la Direction met en place un nouveau système de CSS qui lui permet de piloter tout le système (créations et renouvellements d’équipes, recrutements de chercheurs) « afin de procurer plus de flexibilité dans les thématiques » (réunion syndicats-Direction du 27 mars). Pour ce faire, elle s’appuiera sur les hospitalo-universitaires et les experts. Les personnels de l’Inserm et la communauté scientifique seront complètement marginalisés.
C’est un retour en arrière de 40 années, à l’époque où l’université médicale régnait en maître dans le biomédical que la Direction générale impulse au nom de la modernité ! .B Larrouturou a cru qu’il pouvait passer par-dessus la communauté scientifique pour imposer sa réforme du Cnrs, D de Villepin a cru qu’il pouvait imposer le CPE aux organisations syndicales et étudiantes. L’opposition de la communauté scientifique au Cnrs, des étudiants et salariés pour le CPE ont contraint le pouvoir à reculer.
Il n’y a pas de fatalité au recul de la démocratie. Les chercheurs et les ITA de l’Inserm ne se laisseront pas dessaisir de leurs instances. Ils peuvent compter sur le SNTRS-CGT pour affirmer haut et fort leur identité professionnelle.
Le SNTRS-CGT proposera des initiatives aux autres organisations syndicales.
La Direction compte pour faire passer ses orientations sur la désaffection des personnels vis à vis des CSS, comme le montre l’évolution de la participation aux élections. Ces dernières ne sont plus perçues comme les instances qui définissent la politique scientifique de l’organisme à l’écoute des laboratoires et des personnels, mais des lieux de consensus dans lesquelles la Direction fait passer ses orientations. Les Commissions Scientifiques ont au fil du temps accepté d’être dessaisies de leurs prérogatives au profit de comité ad-hoc. Malgré la résistance, en particulier au cours du mouvement de 2004, elles ont fini par accepter les critères d’évaluation et de notation sans cesse changeant de l’actuelle Direction. Le résultat : les laboratoires éclatent en équipes dans des centres de recherche, de plus en plus de chercheurs sont hors formation et ne trouvent aucune aide. Cette dérive des commissions s’est accélérée avec l’actuel Conseil Scientifique dont le président, par ses propositions, rompt avec la tradition d’indépendance vis-à-vis de la Direction.
Les propositions du SNTRS-CGT
La démocratie est la base de l’efficacité scientifique. La recherche souffre de son pilotage par des comités dont les personnalités nommées ne représentent pas l’ensemble de la communauté scientifique.
Les instances doivent rester composées par au moins 2/3 d’élus. Toutes les catégories de personnel doivent y être représentées.
Les instances d’évaluation (CS et CSS) doivent faire leur travail dans une totale indépendance.
L’Inserm doit répondre à l’ensemble des besoins de la recherche biomédicale. Pour ce faire les instances doivent représenter les intérêts de la communauté scientifique au lieu d’être des chambres d’enregistrement de la politique de la Direction. Le Conseil scientifique doit se réapproprier ses prérogatives à savoir l’élaboration avec les CSS du "Rapport de conjoncture et prospective". Pour une plus grande transparence, il doit être rédigé en début de mandat et fixer les orientations scientifiques et les critères d’évaluation pour 4 ans. Les instances doivent faire des propositions pour que le rôle de l’Inserm ne réduise pas à celui d’une agence de gestion de moyens gérant les contrats de l’ANR, de l’Europe, comme ceux des fondations. Elles ne doivent pas se contenter de faire le constat de ce qui se décide en dehors d’elles. Trop de disciplines sont en train de disparaître, ne rentrant pas dans les priorités définies par ceux qui gravitent dans les cercles du pouvoir.
L’INSERM ne doit pas devenir une agence de moyens dont la vocation serait de labelliser toutes les recherches du domaine biomédical. Elle doit assurer en priorité à son personnel statutaire, les moyens de travailler. Les appels d’offre pour la création des unités de recherche doivent comporter l’obligation de la présence d’un minimum de personnel statuaire.
Les procédures d’évaluations (et non de notation) doivent être clairement définies en début de mandature. L’évaluation est un ensemble qui doit prendre en compte des critères multiples, en particulier, la qualité des recherches ainsi que les enjeux médicaux et sociaux. Il incombe aux instances d’évaluation, CSS et CS (et non à l’administration) de justifier et d’expliquer leurs décisions auprès du personnel de la recherche.
Les débats et les visites de laboratoires doivent être en français, il n’est pas acceptable d’envoyer des experts qui ne peuvent communiquer avec l’ensemble des personnels de la formation de recherche. L’expérience montre que contrairement aux affirmations du DG, dès lors que l’on quitte le débat purement scientifique, la discussion se fait naturellement en français.
Les CSS doivent aussi donner leurs avis sur les moyens financiers dont dispose la formation de recherche ainsi que sur les conditions matérielles et en personnel pour mener à bien leur projet (affectation de postes ITA, locaux, d’hygiène et de sécurité,...).
Les membres des CCS, quelque soit leur statut, doivent pouvoir assister à la totalité des travaux (ex : présence des élus C aux concours chercheur).
Les programmes gérés par les comités ad-hoc doivent être repensés. Afin d’être réellement interdisciplinaires, ils doivent être gérés par une structure composée des membres des commissions concernées et être sous le contrôle du Conseil scientifique.
Les CSS comme le CS doivent pouvoir se saisir de tout problème les concernant.
Les structures des CSS et du CS doivent être clairement définies (Comité de liaison avec le CS, délégation permanente, comité de visite), toutes les catégories du personnel doivent être représentées.
Les chercheurs avec avis réservés doivent être suivis par la CSS et non voir leurs cas traités par un comité ad-hoc.
L’évaluation par les pairs doit s’appliquer à tout le personnel de l’Institut. Une procédure d’évaluation des ITA doit être mise en place.