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Communiqué SLR du 7 Juillet 2006

Par Georges Debrégeas, le 7 juillet 2006

La situation de la recherche et de l’enseignement supérieur illustre la grave crise qui secoue la France actuellement, crise liée à la contradiction flagrante entre les promesses électorales et les actes, ainsi qu’à un divorce croissant entre les décisions gouvernementales et l’opinion. Mais dans la recherche, le Gouvernement et le Président de la République ont illustré de manière particulièrement caricaturale à quel point l’équipe au pouvoir ignore toute forme de dialogue avec les institutions qualifiées.

Le budget de la recherche

En 2002, le candidat Chirac promettait « un effort sans précédent pour la recherche », effort qui devait placer « la France en tête de l’Europe dès 2007 ». Or, le Pacte pour la recherche récemment voté par la seule UMP organise la stagnation de la recherche publique, programmée au niveau de l’inflation prévisible, et celle du financement public de la recherche (incluant les aides au privé) par rapport au PIB. Contre l’avis de la commission du Sénat, de celle de l’Assemblée, du Conseil économique et social, du CSRT, du CNESER, des instances scientifiques et de l’ensemble des organisations représentatives, le gouvernement a maintenu cette programmation suicidaire pour le pays.

SLR avait souligné que pour atteindre 3 % du PIB en 2010, ce n’était pas de 4 milliards qu’il fallait accroître les financements publics, mais de 14 milliards. Au moins ce constat est-il confirmé par Hervé Novelli, vice-président du groupe UMP à l’Assemblée, qui déclare « pour atteindre l’objectif des 3 % fixé à Lisbonne, nous avons besoin de consacrer 14 à 15 milliards supplémentaires ». Et ce sans parler du fait que « la France ne consacre que 1,1 % de son PIB à l’enseignement supérieur, contre 2,3 % aux Etats-Unis » (Les Echos du 11 mai 2006). Signe des temps, Hervé Novelli n’en a pas moins voté la Loi.

En son état actuel, le budget 2007 de la recherche et de l’enseignement supérieur augmenterait de 535 millions d’euros (M€), soit 135 M€ hors inflation1 (+ 0,6 %). L’ANR s’accroîtrait de 280 M€ (267 hors inflation1, soit + 42 %), et les aides fiscales aux entreprises d’exactement d’autant. Cela signifie que l’ANR va piloter toujours plus la recherche. 1500 emplois nouveaux seraient créés (dont seulement 1200 emplois statutaires), alors que l’ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin s’était engagé à créer 3000 postes en 2006 et en 2007, engagement confirmé ensuite par l’actuel Premier ministre et le Président de la République. Le budget 2007 ne fera donc que renforcer les difficultés des organismes comme des universités et développera la précarité des jeunes scientifiques (et pas seulement au travers des CDD de l’ANR). Il conduira à détourner encore davantage les étudiants des carrières de l’enseignement supérieur et de la recherche. Il témoigne en outre d’un profond mépris pour les organisations représentatives et, au-delà, de tous les scientifiques.

Les réformes de la recherche publique et des universités

Le gouvernement a utilisé la grande marge de manœuvre qu’il s’était laissée dans le Pacte pour aggraver systématiquement le contenu de celui-ci au travers des décrets d’application. Ainsi, comme il était à craindre, le Haut Conseil de la Science et de la Technologie n’est composé que de personnalités nommées, lui enlevant par là même toute représentativité pour s’exprimer au nom de la communauté scientifique ou de la société

S’agissant de l’ANR, le gouvernement n’a tenu aucun compte, dans le projet de décret qu’il soumet à l’avis du CTP ministériel, du travail remarquable de proposition effectué unanimement par le Conseil supérieur à la recherche et à la technologie (CSRT). Par exemple, les propositions visant à faire de l’ANR un instrument facilitant la coopération entre établissements, ou celle la dotant d’un vrai Conseil d’Administration2 (et d’un conseil scientifique) qui ne soit pas une simple chambre d’enregistrement du ministère, ont été balayées. Plus que jamais, par son mode de fonctionnement et le surdimensionnement de son budget, l’ANR apparaît comme l’instrument de pilotage de toute la recherche par le seul pouvoir politique, comme un bureau du ministère, plaçant l’ensemble de la recherche publique à la remorque de l’innovation technologique. Le projet de décret sur l’ANR menace directement le maintien de la mission des établissements en étranglant leurs prérogatives scientifiques. SLR demande l’annulation de ce projet de décret et l’ouverture de la discussion la plus large possible (incluant des représentants de la communauté scientifique) visant à préciser comment une nouvelle agence de financement de la recherche aux objectifs, moyens et mode de fonctionnement notablement modifiés pourra s’insérer dans le paysage de la recherche française, en synergie et non en opposition avec les établissements actuels.

Au lieu de prendre à bras-le-corps la situation des enseignants-chercheurs et la réforme des universités, au lieu de porter les moyens de celles-ci à hauteur des standards internationaux, au lieu de rapprocher universités et écoles professionnelles, le Pacte et sa mise en œuvre conduisent à tout faire pour que les grandes écoles affaiblissent plus encore les universités.

Si des coordinations thématiques nationales sont souhaitables dès lors qu’elles se font à l’initiative des établissements, les Réseaux thématiques de recherche avancée3 (RTRA) sont directement créés par décision du gouvernement, voire du seul Premier ministre. En l’état actuel des choses, ils permettent aux écoles professionnelles de s’affranchir des coopérations souhaitables avec les universités dans des PRES, tout en fragilisant le démarrage de ceux-ci. Ils facilitent aussi, par la création de laboratoires d’écoles coupés des organismes et des universités, l’accès de ces écoles à la dispense des masters. La réforme des Ecoles doctorales enlève aux universités le monopole de la délivrance du doctorat (même si quelques entorses avaient été déjà faites à cette règle) permettant aux écoles professionnelles et établissements privés de s’installer sur ce « marché » de la délivrance des diplômes.

Dans le projet de décret précisant l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur, le gouvernement est revenu sur les progrès réalisés au cours des discussions au ministère en 2005. Contrairement à ce qui avait alors fait consensus, il y aura disjonction entre l’examen des laboratoires et celui de l’activité de recherche des personnes. l’AERES est conçue avant tout comme un organe de contrôle de la science par le politique : l’évaluation des laboratoires se fera d’une manière technocratique excluant leur examen collectif et contradictoire par les pairs. Les instances actuelles (Comité national de la recherche scientifique, sections de l’INSERM) en seront marginalisées.

L’innovation

Après trois années d’inertie, le gouvernement a mis en place des éléments pour une politique de recherche industrielle. Si la recherche publique est financièrement sacrifiée, la politique de l’innovation reste balbutiante, hésitante et insuffisante. Ainsi, les 50 pôles de compétitivité non « mondiaux » toucheront l’aumône annuelle, faite par l’Etat, de deux millions d’euros en moyenne chacun. Cela tient avant tout au choix fait par le gouvernement de favoriser le saupoudrage par des aides fiscales non ciblées (1,7 milliards prévus en 2010) par rapport aux aides ciblées. Par ailleurs, pour ces dernières, le gouvernement a réussi à allier une véritable usine à gaz (AII, ANR, OSEO et trois types de Pôles de compétitivité) avec une centralisation outrancière des décisions à Bercy. De ce fait, cette politique est marquée par une grande opacité et par des choix pour lesquels le marché est le seul critère. Comme cela a déjà été amplement souligné, la politique du gouvernement se situe aux antipodes des propositions des Etats Généraux de la Recherche, même si ici ou là elle en a repris le vocabulaire. Le gouvernement a été soutenu en cela par le Président de la république, qui n’en est plus à un reniement près, et par les votes inconditionnels de toute l’UMP au Parlement. C’est notamment à l’aune de ce qu’ils auront fait et voté, que devront être jugés les programmes des candidats aux diverses élections de 2007. SLR ne se privera ni de faire des propositions, ni de dénoncer l’imposture, la manipulation et le mensonge.

(1) L’inflation crée une erreur de parallaxe dans la lecture de ces progressions, erreur qu’utilise le gouvernement. Pour les crédits budgétisés (contenant l’ensemble des salaires et la vie étudiante), 2 % d’inflation sur 20 milliards représentent 400 millions. Par contre, pour l’ANR, 2 % de 640 millions ne font que 13 millions.

(2) Dans le cadre d’une croissance des crédits de base des établissements et d’une ANR redimensionnée en conséquence, le CA de celle-ci devrait être composé par tiers, de représentants du gouvernement, des établissements et de scientifiques élus par les Conseils scientifiques de ces derniers. Chaque programme devrait être négocié entre l’ANR et les établissements concernés. Chacun serait doté d’un Conseil scientifique désigné pour moitié par les établissements et par les instances scientifiques de ceux-ci. En l’absence d’un HCST représentatif, la réunion des responsables de programmes pourrait tenir lieu de Conseil scientifique de l’ANR.

(3) Si tous les RTRA proposés aujourd’hui sont certainement de nature différente, SLR réaffirme son opposition au projet d’Institut européen de technologie de Paris de Pouletty (voir http://recherche-en-danger.apinc.or...). Il déplore que le gouvernement, comme cela se discute à l’Ecole d’économie de Paris, prépare un texte pour légaliser le paiement aux chercheurs des primes "à la publication" effectuée dans des revues considérées comme étant du meilleur niveau international. Ce système a conduit, comme le soulignaient des articles de Nature et du Nouvel Observateur, à des fraudes scandaleuses qui ont eu lieu en Corée du Sud et ailleurs. SLR regrette enfin que le projet RTRA gestion, entre Polytechnique et HEC, conduise à autoriser HEC à créer des masters concurrents des universités.