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Rapprochement entre universités et grandes écoles - Quelques compléments aux propositions du ministre

le 18 juillet 2006

Il aura suffi que le Parti socialiste introduise (tardivement) dans son programme un amendement, sur le rapprochement entre "universités et grandes écoles ainsi que des voies qui y mènent", pour que François Goulart, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, se fende une semaine après d’une tribune libre intitulée "Universités, grandes écoles, rapprochez vous" (Le Monde 14/07/06).

Très bonne analyse du ministre qui reprend largement celle des Etats généraux de la recherche, mais avec près de deux ans de retard, il est vrai. Mais au-delà, aucune des proposition concrète de ceux-ci n’a été retenue. On eut été satisfait si le "Pacte pour la recherche" récemment voté, ou les nombreux décrets d’application en préparation, avaient contenu quelques modestes propositions allant dans le sens souhaité aujourd’hui par le ministre. Mais il n’est jamais trop tard pour bien faire. Voici ce que je propose.

Tout d’abord, il y a quelque hypocrisie à affirmer que "en mettant en place ensemble des écoles doctorales elles [universités et grandes écoles] se doteront d’un cadre commun d’accueil de leurs étudiants". En effet, la critique majeure faite à l’actuel projet ministériel de décret sur les écoles doctorales, est qu’il permet désormais à n’importe quelle école, publique ou privée, de demander l’habilitation à délivrer seule des thèses. Cet article doit donc être revu.

A juste titre, le ministre souligne "qu’en coopérant en matière de recherche (dispositif des pôles de recherche et d’enseignement supérieur), universités et grandes écoles peuvent créer l’amorce d’autres projets communs". Et cela est bien, même si l’ambition reste trop limitée, dans la mesure où de tels pôles impliquent nécessairement une université (ou établissement assimilé). Mais ce qu’oublie de dire le ministre, c’est qu’il a créé parallèlement "les réseaux thématiques de recherche avancée" qui permettent à une grande école de percevoir des financements d’état pour la recherche en évitant toute coopération avec une université.

Sur le problème de la thèse, s’il est exact que "la situation actuelle coupe beaucoup d’élèves de grandes écoles de la recherche (...) ce qui prive la science de notre pays du concours de certains de nos plus brillants cerveaux", il est inexact "que ceux qui s’y engagent se sentent parfois pénalisés, pour la seule raison qu’ils n’appartiennent pas au milieu universitaire". Ils sont au contraire accueillis à bras ouverts, du moins dans la limite du maigre nombre de places ouvertes par les budgets de François Goulart.

Le vrai problème est que les ingénieurs-docteurs sont souvent très mal vus par les firmes privées. "On vous pardonne d’avoir fait une thèse" s’est entendu dire un Polytechnicien, lors se son recrutement dans une grande entreprise privée, bien financée par l’Etat. Le faible nombre de dirigeants et d’ingénieurs du secteur industriel ayant eu une formation par la recherche est un drame majeur expliquant en partie le faible investissement du secteur privé par la recherche en France. Il ne suffit pas de reconnaître la thèse dans les conventions collectives, il faut former beaucoup plus d’ingénieurs-docteurs, reconnaître aussi ce niveau et les payer en conséquence.

Enfin, on ne saurait se contenter d’observer que "l’université forme la majorité des étudiants de notre pays, [qu’] elle accueille de façon plus égalitaire les jeunes quel que soit leur milieu d’origine, [qu’] elle est confrontée à l’échec massif au cours de la première année d’étude". Il peut apparaître généreux, si ce n’est novateur, que d’affirmer " les classes préparatoires ne doivent pas être la seule voie d’accès aux grandes écoles".

Mais la générosité du ministre s’arrête au porte-feuille. Même si le financement n’est pas la seule raison des difficultés, comment assumer l’égalité des chances quand un étudiant de premier cycle a un coût, et un encadrement, deux à trois fois inférieur à celui d’un élève des classes préparatoires ? Comment juguler la "fracture sociale", donner une perspective aux enfants de la banlieue, quand un cadre peut envoyer ses enfants dans les innombrables écoles, souvent payantes et à "prépa intégrée", tout en étant certain qu’ils sortiront ingénieurs, alors que les autres devront se contenter du premier cycle universitaire.

"En augmentant progressivement les moyens" répond le ministre, qu’on ne savait pas humoriste. Il vient en effet de faire voter un "Pacte pour la recherche" qui programme pour cinq ans la stagnation (en euros constants) des moyens de la recherche et des universités. De plus, alors que le gouvernement avait repris l’engagement de Jean-Pierre Raffarin de créer 3000 emplois statutaires en 2006 et 2007, seuls 1200 emplois seraient créés en l’état actuel du budget 2007.

Il reste aujourd’hui au ministre de mettre en cohérence ses paroles et ses actes. Le budget 2007 et les décrets d’application du Pacte lui en donnent l’occasion. Faute de quoi, son texte n’apparaîtrait que comme une médiocre opération de publicité abusive.

Henri Audier, Directeur de recherche CNRS émérite, membre du CA de l’association Sauvons la recherche.