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Les dérives de la recherche pilotée « d’en haut » : un témoignage à l’INRA

Par PEXL, le 26 novembre 2006

Bonjour, Je me permets de vous faire part de mon expérience par rapport au pilotage de la recherche « d’en haut ». Je suis chercheur à l’INRA qui est un organisme très dirigiste où les programmes de recherche ainsi que les évaluations sont pris en charge par la direction. Plus précisément, je travaille dans le département de nutrition ou nos thèmes de recherche sont assez proches de certains labos de l’INSERM ( CSS9 Métabolisme, nutrition, toxicologie). Par conséquent, les équipes INRA pilotées par la direction scientifique peuvent être comparées avec les équipes INSERM qui sont évaluées par des commissions (membres élus et nommés). Une très simple analyse par « pub-med » montrera une différence importante entre les niveaux de publication des 2 organismes*. D’une manière générale, les laboratoires INSERM ont un niveau de publication bien supérieur. Un autre indicateur est la presque totale absence de l’INRA dans les demandes de subvention non pilotées directement par l’INRA (par exemple, les ANR non pilotées par l’INRA). Bien entendu la direction va dire que l’INRA à une mission de recherche finalisée qui n’aboutit pas toujours à des publications. Alors aboutit-elle à des brevets exploitables dans le domaine de la nutrition ? non, pas plus que dans les autres instituts. Cette différence entre les deux organismes n’est pas due à un problème de recherche fondamentale ou finalisée mais à un problème de gestion de la recherche.

Une recherche pilotée « d’en haut » aboutit rapidement à un système perverti et non fonctionnel en termes d’éfficacité et de rendement. La recherche en nutrition à l’INRA en est un exemple flagrant ou plusieurs problèmes se posent 1-les dérives de la gestion du système :. En effet, l’INRA étant très hiérarchisée, toutes les décisions importantes (recrutement, allocation de crédits…) sont prises par une seule personne qui est souvent très éloignée du labo. D’une manière générale, les critères utilisés sont assez différents de ceux généralement utilisés par la communauté scientifique. Par exemple, les postes statutaires sont attribués aux labos qui sont « dans la ligne ». Le jury est désigné au dernier moment par les mêmes personnes qui décident de l’attribution des postes. Ceci aboutit très souvent à des recrutements « à problèmes » (candidats avec un niveau faible alors que de très bons candidats sont au chômage et/ou problèmes d’insertion des candidats parachutés dans le labo d’accueil). Un autre exemple est le choix des « champs thématiques prioritaires » qui sont soutenus financièrement par l’INRA. Ils sont désignés sur des critères tous aussi mystérieux qui tiennent plus des luttes d’influence et du copinage que de la science ou des besoins de la société. Un troisième exemple (je m’arrêterai là pour ne pas être lassant, mais il y en a d’autres) est la gestion très dispendieuse de nos dirigeants. Il serait utile que la cour des comptes vérifie la gestion concrète de la nutrition à l’INRA, si possible en prenant des renseignements auprès des chercheurs « d’en bas ». 2- l’affiliation aux multinationales de l’agro-alimentaire :. En effet, les subventions publiques étant très insuffisantes, les labos font principalement de la prestation de service (parfois par l’intermédiaire des ANR pilotées par l’INRA) et, bien entendu, ils ne sont financés par les grandes compagnies que si les résultats vont dans « la bonne direction ».

Jusqu’à présent, les rares chercheurs qui sont allés à l’encontre de la ligne de la direction ont été broyés par le système. Vous comprendrez bien que je sois un peu gêné pour signer ce texte. Heureusement, l’INRA est vaste et d’autres secteurs sont mieux gérés (ou on ne peut pas établir de comparaison avec les autres instituts car la recherche y est trop appliquée). En conclusion, un système de gestion de la recherche hiérarchisé, autoritaire et agissant sans aucune concertation avec la base devient très vite déconnecté des critères académiques et va vite vers des dérives : népotisme, inefficacité et gaspillage. Battez vous pour garder un système d’évaluation par vos pairs (nommés et élus). Même si une commission peut parfois être critiquées, son absence sera encore plus pénible à supporter.

*dans cette analyse, il ne faut pas prendre en compte les chercheurs INRA détachés à l’INSERM ou les rares chercheurs INSERM ou CNRS détaché à l’INRA qui travaillent avec des valeurs et des principes différents de ceux de l’INRA. J’encourage les membres des commissions de nutrition de l’ INSERM ou du CNRS qui liront ce texte à vérifier mes dires.