Intervention de Jacques Audin au CA du CNRS
Intervention sur le budget 2004
Par
, le 14 janvier 2004Intervention de Jacques Audin au Conseil d’administration du CNRS du 19 décembre sur le budget 2004 proposé au conseil.
Conseil d’Administration du 19 décembre 2003 Déclaration Jacques Audin( élu des personnels) sur le Budget 2004 du CNRS
Je ne voterais pas, pour ce budget 2004 parce que c’est un budget de récession qui déséquilibre les missions du CNRS, qui diminue la liberté du chercheur, qui tarit la production des connaissances, qui paupérise l’emploi scientifique stable et rend plus incertaines la carrière des agents.
Les dépenses de personnels, augmentent de 1.36% par rapport au primitif 2003 mais seulement de 0.29 % après la DM2 (décision modificatrice) d’octobre voté ici, c’est donc une baisse de 2% réelle du Pouvoir d’achat qui est programmée pour les personnels.
Pour équilibrer vos dépenses salariales vous prévoyez déjà comme l’an passé de puiser 12 Millions Euro dans le fond de roulement. C’est peu au regard des 1.4 Milliards de la masse salariale mais beaucoup au regard des 340 Millions d’euro de crédit de fonctionnement et d’équipement du Centre.
Ces compressions budgétaires sont incompréhensibles dans une dynamique pourtant affichée de priorité à la recherche, elles contraignent l’organisme à mener une politique de l’emploi au rabais :
Recrutements repoussés encore au 1er décembre pour les ita.
Possibilités de promotions réduites, car liées aux postes de titulaires.
Blocage de carrière aussi pour les chercheurs.
Sans doute des mesures d’économie draconiennes dans tous les secteurs.
Les 0.5% d’augmentation de salaire prévus au 1 janvier (7 ME) ne sont pas budgétisés. Espérons, que l’Etat ne nous demandera pas de les prendre sur nos fonds propres.
Les mesures Durafour ne sont pas prises en compte non plus. Le CNRS, déjà très en retard dans leurs mises en ?uvre, devra puiser à nouveau 8.9ME dans des réserves qu’il n’a plus que fictivement.
Car si j’ai bien compris, les reports budgétaires prévisibles sont estimés à 155ME alors que les restes à payer de 2003 sont estimés eux à 185ME. Ca fait donc moins 30ME dans les caisses ? en théorie je vous l’accorde.
Mais en pratique le CNRS est obligé de fonctionner aujourd’hui avec une carte bancaire à débit différé. Il faut quand même le savoir, surtout après avoir frôlé les 500ME de reports budgétaires en 2001. La chute est vertigineuse et les espoirs de développer les laboratoires tombent aussi.
Concernant le Budget hors masse salariale, j’ai encore moins de raisons de le voter. Je suis d’accord avec vous Mr le Directeur Général pour qu’on ne parle plus, dans ce CA que de CP. Les AP n’ont de sens en effet que dans le cadre d’une politique soutenue sur le long terme. Ca devrait pouvoir être le cas d’une vrai politique scientifique nationale ambitieuse placée au-dessus des aléas politiques. Mais nous n’en somme plus là et mieux vaut raisonner sur du concret. Je refuse de considérer cependant que les 113 ME de 2002 réintroduit dans ce budget à la suite de la mobilisation des personnels, sont de l’argent frais. Les vrais CP 2004, inscrit dans la loi de finances s’élèvent à 342ME (455 - 113) ils sont à comparer avec les 340ME de 2003 mais surtout avec les 412ME de 2002. Car s’est 2002 qui compte dans l’échéancier des aléas politique !!!
Donc en gros on reconduit 2003 qui était en baisse de 17.3% sur 2002 et vous misez sur une augmentation des ressources propres (essentiellement publiques d’ailleurs, Etat Région Europe) pour maintenir le niveau de dépenses globales. C’est quand même de la corde raide. Globalement tous CP confondus (Etat et Propre) nous accuserons quand même un retard de 3.8% part rapport a 2002, soit 8% de pouvoir d’achat en en intégrant l’inflation.
La dotation aux Départements Instituts et Programmes baisse de 13.8%
Celles des programmes prioritaires baisse de 22.95% avec une redistribution des priorités.
Les grands équipements hors Soleil et engagement internationaux sont en baisse de 21.5%.
La dotation des laboratoires est en baisse de 9.76%
C’est toute la politique du centre qui est remise en cause, le CNRS est mis à genoux et ses chercheurs plus que jamais sont contraints à mendier.
On est bien dans le cadre de la politique fixée par la ministre qui transforme un peu plus le CNRS en une agence d’intérim de personnels scientifique et de prestation de services.
Pourquoi et comment en est-on arrivé là ? Vous écrivez Mr le Directeur qu’il était inévitable que le gouvernement diminue la dotation compte tenu des reports budgétaires importants. Ce Conseil doit se poser au moins deux questions. La première : C’est pourquoi le CNRS n’a pas été en mesure de consommer depuis 1997 la totalité de ses ressources et notamment des ressources propres que les laboratoires sont allés chercher ? Mauvaise gestion ? Problèmes structuraux, bureaucratie, marchés public, complexité des financements ? Sans doute pour une part, mais pour l’essentiel n’est ce pas tout simplement par un manque de moyens humains ? La leçon à tirer est qu’on ne peut pas accroître les moyens de fonctionnement et d’équipement sans accroître les acteurs. Car pour dépenser de l’argent au CNRS, il faut faire de la recherche et pour faire de la recherche il faut des chercheurs et des ITA. A mon avis c’est peut être la que ça coince car on multiplie les missions, les sollicitations, les guichets, on " charge la mule " mais les effectifs ne suivent pas, alors que les indicateurs alertent, pour dire que la France à un retard important en nombre de chercheurs par actifs. On fait comme si on était trop bon en fondamental, on a trop de Nobel, et pas assez de brevets ? Cette stratégie est suicidaire, On ne peut pas vanter sans cesse la recherche américaine et ne pas en tirer les conséquences au niveau des emplois et des budgets. On veut mimer son organisation mais pas ses moyens !!!
2eme question : Qu’elles conséquences, quels effets sur la politique interne du CNRS ? Peut on, Mr le Directeur, fondre dans une même courbe les ressources propres et la subvention d’état pour montrer que finalement tout va bien ? Ces deux sources de financement ont-elles les mêmes objectifs scientifiques ? Sont-elles évaluées de la même manière ? Non bien sur, elles sont différentes et leurs mises en ?uvre obéissent à des processus différents. Dans la mesure ou les masses budgétaires qu’elles drainent sont devenues comparables, on se retrouve en quelque sorte avec deux pilotes pour le même avion. Un, dans la cabine qui tient le manche et l’autre au sol avec une radio-commande qui essai de le dévier de sa trajectoire. On courre au crash !!!
La subvention d’état doit pouvoir répondre aux objectifs de la politique scientifique interne et globale du CNRS, inscrite dans le long terme, dans la continuité, pour des programmations qui s’adaptent aux grés et aux rythmes de l’avancée des sciences et des disciplines. Les ressource propres globalement sont pour apporter des réponses à des appels d’offre, des contrats, des projets ciblés, des priorités conjoncturelles.
Vous confirmez Mr le Directeur que l’essentiel des reports budgétaires annulés, sont exclusivement des ressources propres. Alors il peut paraître paradoxal que l’état supprime les crédits incitatifs qu’ils veut prioritaires et stratégiques !!! Sauf à faire la démonstration (ce qui doit être possible) que si on supprime les ressources propres ont honore quand même les contrats avec la subvention d’état au détriment de la recherche de base. Car il n’y a pas de miracle et je ne vais pas remettre en cause ici le principe des vases communicants. Il manque 300ME en gros, peut être plus, dans les caisses pour remplir les engagements du CNRS et notamment ceux qu’il a envers la société et les contribuables. Forcément on va les retrouver un jour ces 300ME, mais dans les statistiques de l’Observatoire des Sciences et de Technique, sur la production scientifique en baisse, sur la place de la France, sur les facteurs d’impacts, sur le nombre de publications, de brevets aussi. Avec cette politique, c’est la poule qu’on tue pour avoir l’ ?uf ? c’est grave.