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François Bayrou

le 2 avril 2007

Association « Sauvons la recherche »

C/O Bertrand Monthubert

Paris, le 29 mars 2007

Cher Monsieur,

L’actualité politique particulièrement chargée de ces dernières semaines m’a empêché de vous répondre plus tôt, mais j’ai bien pris connaissance de la lettre ouverte aux candidats à l’élection présidentielle que vous m’avez fait parvenir.

J’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer devant vous sur ce sujet dans le cadre de l’université d’automne de « Sauvons la recherche », à la fin du mois d’octobre.

L’excellence de notre recherche est un de nos principaux atouts dans la compétition économique mondiale. La recherche d’aujourd’hui, c’est l’innovation de demain et les emplois d’après-demain.

Depuis vingt-cinq ans, les conditions de travail de nos chercheurs se sont progressivement dégradées, et les jeunes chercheurs sont de plus en plus nombreux à devoir s’expatrier pour trouver les moyens de conduire leurs projets.

Dans ce contexte, le projet de loi sur la recherche déposé par le gouvernement au printemps 2006 nous est apparu très insuffisant. C’est la raison pour laquelle nous avons voté contre ce texte.

Je pense que la sauvegarde de la recherche française implique d’abord de lui donner des moyens. Je propose un pacte national et transpartisan en faveur d’une augmentation régulière et sur le long terme du budget de la recherche de 5% par an pendant dix ans.

Vous m’interrogez sur ma vision de la définition des objectifs scientifiques des établissements de recherche et des grandes orientations de la politique de recherche. Ma conviction est que, pour être pertinentes, ces décisions doivent associer la communauté scientifique, les responsables politiques et les entreprises. S’agissant spécifiquement des orientations nationales, leur cohérence avec les orientations des programmes-cadres de recherche et de développement communautaires doit être mieux garantie.

Concernant la valorisation de la recherche, je constate comme vous que le bilan du crédit d’impôt-recherche n’est pas satisfaisant. Nous devons diversifier nos outils. Je suis loin de partager toutes les conclusions du récent rapport de l’inspection générale des Finances et de l’inspection générale de l’administration de l’Education nationale et de la recherche, mais certaines des orientations qu’il suggère me paraissent intéressantes : généralisation du mécanisme d’abondement des contrats de recherche avec les entreprises des laboratoires ayant reçu le label Carnot, rationalisation et professionnalisation des structures de valorisation des établissements à travers la création d’offices mutualisés de transfert de technologie, contractualisation et création de pôles de recherche et d’enseignement supérieur…

S’agissant du problème des débouchés offerts aux jeunes chercheurs dans le secteur privé, ma conviction est que l’une des solutions réside dans le rapprochement des universités avec les grandes écoles : permettre aux chercheurs de faire une année d’application dans une grande école, par exemple. Comme je vous l’ai dit cet automne, il existe une grande différence sur ce point entre la France et les autres pays européens, où les responsabilités ne sont pas confiées à de jeunes gens ayant réussi un concours à 19 ou 20 ans, mais à ceux qui ont apporté la démonstration de leur excellence dans des travaux de recherche.

Je pense comme vous qu’il est urgent de rendre plus attractives les carrières dans la recherche. Dans cet objectif, je pense qu’il faut conjuguer des mesures salariales et fiscales. Je propose une revalorisation des grilles et l’exonération totale d’impôt sur les revenus des brevets déposés en France.

Je partage également votre constat sur l’insuffisance des moyens de nos universités. Sur ce point, je propose de porter l’investissement par étudiant au niveau de la moyenne des pays les plus performants de l’OCDE. Cela implique un doublement du budget de l’Enseignement supérieur sur dix ans.

Vous me demandez si j’envisage une réforme des universités qui inclut leur autonomie. Comme vous le savez, je suis profondément attaché au caractère national des diplômes, qui est la garantie de la qualité des formations et de l’égalité des chances sur tout le territoire. A l’inverse, je ne pense pas que la question de l’autonomie de gestion des universités doive rester un tabou : un système de gestion trop centralisé aboutit à déresponsabiliser les cadres administratifs de l’université, dont le statut n’est aujourd’hui pas à la hauteur des enjeux. Ces évolutions doivent être conduites dans le cadre d’une réflexion plus globale sur la gouvernance des universités, qui manque de lisibilité.

Pour assurer l’égalité des chances dans l’enseignement supérieur, je propose un renforcement des bourses, mais aussi le développement des passerelles entre l’université et les grandes écoles, à travers un développement des échanges d’étudiants, des programmes conjoints ou des filières d’accès direct sur titres universitaires dans les grandes écoles.

Je crois aussi que nous devons rendre l’université plus accueillante, en recrutant des tuteurs, des moniteurs, des interlocuteurs pour les étudiants, mais aussi des personnels administratifs – je pense par exemple à un renforcement des équipes de documentalistes. Ces recrutements permettraient de décharger les enseignants de tâches périphériques par rapport à leurs activités d’enseignement et de recherche.

Je pense que la montée en charge de l’ANR est une évolution positive, qui permet de faire entrer les mécanismes d’attribution des crédits de recherche dans une logique de projet et dans une culture d’évaluation. Ces principes doivent être au cœur de l’attribution des crédits, quel que soit l’horizon temporel des projets qu’ils financent.

Concernant la dimension européenne de la politique de recherche, je constate qu’il existe aujourd’hui au sein de l’Union un consensus sur un certain nombre de secteurs prioritaires : les nanotechnologies, les biocarburants, les réseaux à haut débit sécurisés… Dans tous ces domaines, nous devons mettre en commun nos moyens pour atteindre la taille critique qui nous permettra de progresser à des rythmes comparables ou supérieurs à ceux de nos concurrents. Or, à ce jour, le degré d’intégration des politiques de recherche nationales reste insuffisant. Les programmes-cadres de recherche et de développement constituent une base de départ, mais leur articulation avec les programmes de recherche nationaux doit être considérablement renforcée.

Concernant enfin votre dernière question, il va de soi que je n’envisagerai pas de déposer un projet de loi sur la recherche sans avoir préalablement consulté la communauté scientifique sur ses orientations.

Merci d’avoir pris la peine de m’écrire.

Je vous prie de croire, cher Monsieur, à l’assurance de mes sentiments les plus cordiaux.

François BAYROU

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