José Bové
le 2 avril 2007
- Considérez-vous la loi sur la recherche comme satisfaisante, ou au contraire doit-elle être profondément corrigée ou remplacée par une autre loi ? Conservez-vous l’objectif d’atteindre 3 % du PIB pour les dépenses de recherche ? A quelle échéance ? Avec quelle programmation pour la recherche publique ?
La loi de mars 2006 a été votée sous la pression du mouvement des chercheurs, mais sans que les moyens de renforcer la recherche soient donnés et avec les habituels "a priori" de la droite : alléger les charges des entreprises, avec le crédit impôt recherche, et remettre en cause le rôle des organismes de recherche publique.
Nous abrogerons la loi de mars 2003, et nous porterons la part totale recherche et développement à 3% du PIB dès 2008.
- Quelle part de liberté dans la définition des objectifs scientifiques et dans l’élaboration des moyens pour y parvenir reconnaissez-vous aux établissements de recherche et aux chercheurs ? Quels rôles respectifs pour le pouvoir politique, les scientifiques et la société civile (y compris les entreprises) et quel dispositif pour définir les grandes orientations de la politique de recherche ?
Les grands axes de la politique scientifique visant la satisfaction des besoins culturels, économiques et sociaux. seront votés par le Parlement. Celui-ci s’appuiera sur les avis d’un Comité National de la Recherche Scientifique représentatif, composé à majorité d’élus issus de la communauté scientifique et comprenant des représentants du monde économique, y compris les syndicats de salariés, et de représentants du monde associatif.
La définition de ces grands axes ne signifie pas une tutelle sur les organismes et les équipes mixtes de recherche dans la définition de leurs sujets de recherche. Une autonomie doit leur être accordée pour qu’ils puissent défricher de nouveaux domaines de recherche.
- Aujourd’hui, un crédit impôt-recherche qui va pour l’essentiel à de grandes entreprises absorbe une grande partie de l’effort de l’Etat dans le but d’assurer la valorisation économique de la recherche. Ce dispositif vous paraît-il efficace ? Sinon, quelles sont vos propositions pour mieux assurer cette valorisation ?
Le crédit impôt-recherche est un des nombreux dispositifs en faveur des entreprises, mais son efficacité en terme de recherche est très faible. Il sera supprimé et remplacé par des aides ciblées pour des objectifs de recherche et développement correspondant aux besoins sociaux et environnementaux.
- Si la recherche privée relève d’abord de la responsabilité des entreprises, l’Etat peut intervenir pour encourager son développement qui implique nécessairement l’embauche de personnels formés par la recherche. Quelles mesures comptez-vous prendre pour favoriser l’embauche de docteurs dans la recherche privée ?
Les entreprises privilégient le recrutement d’étudiants sortant de grandes écoles d’ingénieurs ou de commerce. Pour rééquilibrer ce recrutement en direction des docteurs issus de l’université, l’Etat donnera l’exemple dans les entreprises publiques et celles dont il est l’actionnaire de référence (France Télécom, EDF, EADS, Cogema, Alsthom, etc.) et conditionnera les aides ciblées aux entreprises au recrutement de docteurs.
- Le développement de la recherche, publique comme privée, ne se fera pas sans création importante d’emplois et sans rendre les carrières plus attractives. Quel type d’emplois (CDD ? CDI ?, fonction publique ?) favoriserez-vous et combien ? Par quelles mesures ?
Un programme de développement de l’emploi public dans la recherche sera élaboré ainsi qu’un statut du chercheur pour en finir avec la précarité. Tous les doctorants pourront disposer d’un statut de chercheur en formation. De plus, un pré-recrutement d’enseignants-chercheurs sera mis en place pour accueillir des doctorants avec un statut de fonctionnaire stagiaire.
Pour résorber complètement la précarité, les personnels travaillant dans les universités et les organismes publics de recherche seront intégrés dans la Fonction publique d’Etat. La simplification des carrières des personnels de recherche et de l’enseignement supérieur sera engagée avec le souci d’améliorer les carrières.
- La crise des universités est directement liée aux graves difficultés financières qu’elles rencontrent : le budget des universités françaises est anormalement bas, par comparaison avec celles des autres pays développés. Quelle évolution budgétaire envisagez-vous pour les universités durant la prochaine mandature ?
Le budget de fonctionnement par étudiant sera doublé sur une législature pour passer de 6000 euros/an au standard international de 12000 euros/an. Il s’agit de permettre aux universités et aux grands organismes de recherche publique d’assurer pleinement leurs missions de formation, de recherche, de rayonnement international. Des moyens conséquents doivent être alloués aux bibliothèques, accès internet, encadrement des TP, organisation des stages, initiation à la recherche, etc.
- Envisagez-vous une réforme de l’organisation des universités qui inclue leur autonomie ? Si oui, dans quelles conditions et avec quelles instances cette autonomie doit-elle être mise en place ?
Nous ne sommes pas favorables à des mesures qui aboutiraient à une concurrence entre université qui favoriserait les mesures de sélection. Mais la main mise exclusive de l’Etat doit cesser : en lieu et place de l’Agence d’Evaluation de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur dont tous les membres sont nommés par le gouvernement, les structures d’évaluation des formations, des laboratoires et des personnels seront majoritairement composées de membres élus par les personnels.
Les moyens accordés aux universités seront également substanciellement augmenté pour atteindre le standard international de 12 000/€/étudiant/an.
- Aujourd’hui, l’accès aux études supérieures et les chances de réussite sont loin d’être les mêmes pour toutes les catégories sociales. Quelles mesures, sociales et/ou structurelles, prendrez-vous pour améliorer la situation ? Comment comptez-vous notamment rapprocher effectivement les Universités et les Grandes Ecoles ?
L’accès aux études supérieures sera gratuit par la suppression des frais d’inscription et sans aucune sélection, jusqu’au master compris. L’objectif à court terme est d’accueillir trois millions d’étudiants et d’assurer leur réussite.
Les étudiants bénéficieront de l’allocation d’autonomie allouée à tous les jeunes en formation ou en insertion et d’un statut social garantissant de nouveaux droits : santé, logement, transports, culture. Ainsi l’accès à la sécurité sociale sera gratuit. Et un plan de rénovation et de construction de cités universitaires sera immédiatement défini de façon à ce que tous les étudiants puissent disposer d’un logement décent.
Pour rapprocher l’ensemble des voies de formation post bac, un processus de convergence et d’intégration dans un grand service public sera engagé. En particulier, pour éliminer la concurrence entre grandes écoles et universités, un processus d’intégration des GE aux universités sera engagé en commençant par l’intégration des CPGE aux cursus universitaires.
- Le renforcement de l’activité de recherche au sein des universités doit-il passer par une réduction significative de la charge d’enseignement des enseignants-chercheurs, selon leur investissement dans la recherche, dans les responsabilités collectives, et dans les autres tâches qui leur incombent ? Comment envisagez-vous l’embauche de personnel supplémentaire (enseignants-chercheurs et ingénieurs/ administratifs) rendue ainsi nécessaire ?
Afin de renforcer les liens entre formation et recherche dans l’ensemble des cursus, de développer l’encadrement pédagogique des étudiants, l’ensemble des tâches assumées par les personnels de l’enseignement supérieur sera pris en compte dans la définition de leur service. Le service des enseignants chercheurs sera ramené à 150 heures. Le travail par équipe sera favorisé et l’interdisciplinarité encouragée.
Un plan pluriannuel de création d’emplois sera décidé à hauteur de 5000 enseignants chercheurs, 1000 chercheurs et 3000 personnels IATOS par an. Les heures complémentaires seront massivement transformées en postes.
- Une part croissante et de plus en plus décisive du financement des laboratoires est assurée par l’ANR, agence ministérielle finançant des projets de 3 ans. Quelle doit-être selon vous la répartition entre les crédits attribués au laboratoire suite à son évaluation, et les crédits sur projets de court-terme ? Cette évolution, associée à une extension des sur-salaires contractuels, tend à rendre inutiles les structures collégiales d’évaluation de l’activité des scientifiques et des laboratoires. Cette évolution vous parait-elle souhaitable ?
L’agence Nationale de la Recherche, pivot du récent dispositif de pilotage de la recherche et de mise en concurrence des personnels, sera dissoute et les fonds dévolus à cette agence reviendront aux grands organismes de recherche (CNRS, INSERM, etc) et aux universités. Les laboratoires et les équipes de recherche seront assurés de disposer de crédits nécessaires à leur fonctionnement et au développement des activités de recherche. Ces crédits seront répartis par les organismes et les universités. Le financement récurrent des laboratoires ne saurait être inférieur à 70% des besoins. Un organisme national à structure démocratique, pourra financer de nouveaux projets émanant des laboratoires et axes thématiques de recherche.
- Quel rôle l’Union européenne doit-elle, d’après vous, jouer pour ce qui est de la recherche et de l’enseignement supérieur ? Quelles doivent être les relations entre Europe, Etat et Régions ? Comment envisager une progression et une continuité dans le financement européen de la recherche ?
Il convient de doter l’UE d’une politique de recherche, qui favorise les coopérations entre universités et laboratoires, soutienne la mutualisation des connaissances et des débouchés des recherches.
- Si vous êtes élu et que votre gouvernement élabore une nouvelle loi sur la recherche (et/ou une loi sur l’enseignement supérieur), êtes-vous prêts à garantir qu’une concertation sera engagée avec la communauté scientifique avant toute élaboration d’un texte à soumettre au Parlement ?
Absolument !
Le processus des Etats-Généraux à montré son efficacité et nous repartirons des conclusions de Grenoble.