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Syndicat National des Travailleurs de la Recherche Scientifique (SNTRS CGT)

Affaire « Métagenex-Inserm » : La recherche pour faire de la science ou des affaires ?

Par KISTER, le 27 septembre 2007

En 2000, Mme Paterlini-Bréchot et ses collaborateurs publiaient la mise au point d’un test de détection hautement sensible de cellules cancéreuses circulantes dans le sang. La sensibilité de ce test permet d’envisager son utilisation pour le dépistage primaire et pour le suivi de l’efficacité des traitements anti-cancéreux, et d’éventuelles récidives. La mode étant à la valorisation de la recherche, aux start-up, la société « Métagenex » fut créée en 2001 par 5 actionnaires dont Mme Paterlini Bréchot et son mari qui revendra sa part après sa nomination à la direction de l’Inserm.

En 2006, les actionnaires historiques deviendront minoritaires après l’élargissement du capital à deux sociétés (Axa Investment Managers Private Equity Europe et Banexi Ventures Partners). Pour les créateurs de Métagenex, la validation du test était le préalable à toute commercialisation. Car le test n’était, en l’état, qu’une innovation potentielle et non un instrument validé. Outre sa validation, ce test posait la question des conditions de son utilisation, compte tenu des problèmes éthiques et déontologiques soulevés. Mais les actionnaires majoritaires de Métagenex n’avaient cure de ces précautions. S’ils avaient investi du capital c’était pour faire du profit, les start-up sont faites pour cela ! Ils ont lancé la commercialisation du test, sans attendre sa validation. Compte tenu du marché potentiel, à 165€ l’unité, les affaires pouvaient commencer ! Les perspectives de profit étaient d’autant plus alléchantes, que le test peut être adapté à la détection de la trisomie 21 chez les femmes enceintes, évitant ainsi l’amniocentèse. Il est vrai qu’ils avaient été encouragés par les propriétaires des brevets, l’Inserm (via sa filiale privée Inserm-transfert), l’université Paris V et l’AP-HP, qui s’étaient engagés à les céder à Métagenex dans le courant 2006.

Face aux pratiques de la direction de Métagenex, contraires à toutes les règles éthiques et scientifiques, la Direction de l’Inserm a refusé de signer au dernier moment l’avenant de cession de la licence exclusive des brevets et saisi le comité consultatif national d’éthique, le comité d’éthique de l’INSERM et l’INCa, qui, tous trois, concluaient qu’il était hors de question en l’état de commercialiser le test. Fureur des affairistes de Métagenex qui, après avoir accusé le DG de l’Inserm de conflit d’intérêt, se sont adressés aux membres du Conseil d’Administration de l’Inserm et ont demandé aux Ministre de la Recherche et de la Santé de nommer une commission afin de trancher en leur faveur. La réponse est dans les mains des ministères de tutelle de l’Inserm qui, malgré les conclusions dépourvues de toute ambiguïté des comités d’éthique et de l’INCa, tardent à trancher.

Cette affaire éclaire les conséquences de la logique de la politique dite « de l’innovation ».

Au lieu de faire appel à un laboratoire pharmaceutique pour le développement du test, les créateurs de Métagenex, ont fait appel à des fonds d’investissements, dont les dirigeants sont des financiers totalement étrangers à la recherche. La rentabilisation du capital investi implique que son immobilisation soit la plus courte possible. Cette logique financière est en contradiction avec la logique de recherche et la déontologie médicale.

Rappelons que l’INSERM est le seul EPST a avoir filialisé et privatisé son service de valorisation qui gère la propriété intellectuelle (Inserm transfert) afin de mieux aider les chercheurs à rentabiliser leur recherche, accroissant ainsi le risque de dérive déontologique. L’agressivité du comportement des dirigeants de Métagenex à l’égard de la direction de l’Inserm en dit long sur la nature des principes qui les guident dans leur relation avec le monde de la recherche.

Quand la communauté scientifique aura été complètement écartée de toute évaluation avec la mise en place de l’AERES, quand toute la recherche sera régie par des indices bibliométriques, quand la capacité à décrocher des contrats, à faire de la valorisation de l’innovation sera bien plus déterminante que le développement des connaissances ; en clair, quand il s’agira plus de se vendre que de faire de la recherche, combien de Dr Wang [1] et de rétractations [2] dans les revues scientifiques aurons nous à déplorer ?

Villejuif, le 18 septembre 2007

[1] Scientifique coréen convaincu d’avoir falsifié ses travaux sur les cellules souches.

[2] D’ors et déjà, le nombre de rétractations dans les revues à haut facteur d’impact pose de sérieuses questions sur les critères d’analyse de ces revues et traduit surtout la pression que subissent les scientifiques dans les laboratoires.