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Rapport des parlementaires britanniques sur l’organisation de la recherche au Royaume-Uni

Par f_aubry, le 22 janvier 2004

Alors que le "politiquement correct" nous vante les mérites d’une organisation de la recherche en France calqué sur le modèle anglo-saxon, les parlementaires britanniques en tirent le bilan.

Il est de bon ton de fustiger la recherche française qui serait en plein déclin (l ?antienne à la mode) à cause de ses chercheurs à temps plein. Les contempteurs de l ?organisation de la recherche telle qu ?elle est pratiquée en France nous vantent les mérites d ?un système inspiré du modèle anglo-saxon, et proposent une refonte totale du système de recherche avec des recrutements tardifs vers 35 ou 40 ans. Les thuriféraires de ce mode de gestion nous servent divers arguments pour justifier leur position. Pêle-mêle, cela permettrait de motiver et de donner plus d ?autonomie aux jeunes, de corriger les défauts du fonctionnariat, de rendre le système de recherche plus flexible et réactif, de ne sélectionner que les meilleurs, etc.

Si nos voisins britanniques fascinent tant certains de nos concitoyens - tradition typiquement française depuis le XIXème siècle - il serait sain que ces personnes s ?informent auprès des britanniques sur les bienfaits du modèle anglo-saxon. A moins que les défenseurs d’une restructuration de la recherche française à la sauce anglo-saxon ne les connaissent trop bien et, sous couleur de "réformes", tiennent à revenir au système de clientélisme et de mandarinat que la création d’organismes comme le CNRS a visé à détruire.

Nos voisins d ?Outre-Manche connaissent depuis longtemps le système de chercheurs sur contrat à durée déterminée. Les parlementaires britanniques, constatant une crise de la recherche au Royaume-Uni, ont donc décidé d ?analyser leur système et de faire des recommandations. Leur rapport est instructif sur plus d ?un point (accessible à l’adresse suivante : http://www.publications.parliament....).

Les parlementaires britanniques constatent d ?abord que sur les 43 000 universitaires exclusivement engagés sur une problématique de recherche, 41 000 le sont sur des CDD, contre 30 000 en 1994-95. Cela fait de la recherche au Royaume-Uni le second pourvoyeur d ?emplois précaires derrière la restauration rapide.

Le rapport continue sur une évaluation des avantages et des inconvénients du système de CDD. Les avantages tiennent sur une page et couvrent trois postes :
-  la mobilité des chercheurs ; cependant les rapporteurs notent que les titulaires de CDD ne sont pas aussi enthousiastes que certains responsables sur les bienfaits du système ;
-  l ?absence de risque financier pour les universités puisqu ?elles n ?emploient les chercheurs que pour la durée du contrat sans faire de prévisions sur les possibilités de financement des futures recherches dans lesquelles pourrait s ?engager le contractant ;
-  le volume de recherches effectuées.

Les inconvénients sont déclinés sur 7 pages. Les parlementaires les ont divisés en trois catégories : les inconvénients pour les chercheurs, ceux pour les institutions et les impacts négatifs sur la conduite des recherches.

En France, le discours officiel est de présenter le système de CDD comme attractif pour les jeunes aussi bien en termes scientifiques que financiers. Pour les parlementaires britanniques, le système de CDD à répétition obère la carrière des chercheurs. Le système interdit aux contractants de développer une véritable expertise dans un domaine particulier. Les rapporteurs notent aussi que le système des CDD ne permet pas non plus d ?acquérir les compétences nécessaires pour basculer vers d ?autres professions ou vers l ?industrie. En effet, comme le contractant dépend plus des contrats qui lui sont offerts que de ses centres d ?intérêt, il peut être conduit à changer de sujet pour obtenir un nouveau contrat et, de ce fait, être obligé de changer relativement souvent de thématique. Pour compléter l ?aspect négatif du système sur la carrière des chercheurs, les parlementaires ont constaté que les CDD sont plus exposés aux abus des seniors et plus vulnérable à l ?exploitation par les départements qui les accueillent que les titulaires. De plus, il leur est souvent demandé de terminer leurs recherches dans des délais non-réalistes. Enfin le principal bénéficiaire financier des contrats n ?est généralement pas le CDD embauché à l ?occasion de ce contrat, mais l ?investigateur principal qui a demandé et qui gère le contrat. Les parlementaires britanniques ont analysé l ?incidence du système sur les salaires. Premièrement, de passer d ?un contrat à un autre peut nuire à la progression des rémunérations. D ?autre part, les chercheurs peuvent être obligés de faire des "petits boulots" mal rémunérés en attendant les résultats d ?une nouvelle demande. Bien qu ?ils constatent que la plupart des chercheurs sont plus poussés par la curiosité intellectuelle que par les avantages financiers, ils relèvent que beaucoup de CDD se ressentent dévalués et doivent faire face à des problèmes financiers. Le rapport pointe aussi une plus grande proportion de femmes que d ?hommes, employées en tant que CDD (44% des CDD) alors que les femmes sont sous représentées au niveau senior (environ 9% de femmes en science en 2000). Enfin, les parlementaires notent que l ?insécurité du travail a un effet démoralisant et démotivant.

Les parlementaires ont recensé les principales répercussions négatives sur la conduite des recherches. En premier lieu, ils critiquent la durée des contrats en notant qu ?il n ?est pas toujours possible de faire coïncider la durée du contrat avec le temps nécessaire pour aboutir dans ses recherches. De plus, le système génère une perte de temps pour la recherche car il faut compter environ 6 mois avant que le contractant soit vraiment opérationnel et, souvent, ce dernier commence à prospecter pour un nouveau contrat environ un an avant la fin de son contrat. Ainsi, cela risque de ralentir les recherches et d ?en grever l ?efficacité. L ?absence de perspective de carrière pour les contractants pose de très gros problèmes en ce qui concerne la gestion de la recherche, et le danger est grand de voir la recherche essentiellement aux mains de chercheurs inexpérimentés. De plus, comme il devient difficile de trouver des financements et de faire carrière dans les disciplines les moins à la mode, cela dissuade les jeunes chercheurs de se pencher sur certains domaines qui peuvent se révéler essentiels mais qui sont peu porteurs. De même, comme l ?ont souligné les parlementaires, le système encourage de ne sélectionner que des projets où la probabilité de publier rapidement est élevée, et donc le système encourage les recherches à court terme au détriment des avancées scientifiques majeures qui nécessitent généralement du temps. Pour terminer les parlementaires se sont penchés sur l ?impact d ?une politique de CDD sur la qualité de la recherche. Ils ont constaté que le système de CDD conduisent les contractants à un tel désenchantement qu ?ils sont nombreux à abandonner la carrière. Heureusement, objecteront nos défenseurs du système de CDD, car ainsi il ne restera que les meilleurs. Erreur, répondent les parlementaires britanniques. Et ici je ne peux m ?empêcher de recopier mot à mot les termes du rapport : « [...] There may be an assumption that there is healthy natural selection and that the system prunes away the less able, that is ?if you are good enough you ?ll get on all right ?. The evidence we have received from CRS suggest otherwise. [...] As many with other professions it is the most able who are able to find alternative careers. »

Le principal problème que pointent les parlementaires pour les institutions est la conséquence directe de l ?influence des CDD sur la qualité de la recherche : il est très difficile de retenir un groupe de bonne qualité. En effet, la décision de recruter un chercheur est largement dépendant du volume de publications de celui-ci ce qui n ?est pas toujours, pour les rapporteurs, un bon indicateur de la qualité du candidat.

Bien que le rapport ne traite que du problème des chercheurs, les parlementaires britanniques indiquent clairement que le problème des CDD se pose et doit être résolu à tous les niveaux du système de recherche.

En conclusion, que demandent les parlementaires britanniques ? D ?accroître le nombre de statutaires ( !) et comme action immédiate, ils demandent au gouvernement britannique de les entendre et de créer 1000 postes dans les cinq ans à venir. .