Accueil / Tribunes et Contributions / Avec qui manifester ? Avec qui agir ?

Cet après-midi il y a la manifestation de soutien aux cheminots en grève et il y a la manifestation devant le siège du CNRS. Je suis partagée : je suis enseignant-chercheur universitaire, solidaire du seul mouvement social de grande ampleur décidé depuis la marée des réformes régressives.

Je regrette que la journée du 18 octobre n’ait pas donné lieu à un mouvement unitaire général.

Je me réjouis du fait que la mobilisation reprenne avec Sauvons La Recherche mais il ne faudrait pas que se reproduise ce qui a axphyxié le mouvement des chercheurs ET des enseignants-chercheurs ET des personnels de la recherche : la réduction des aspirations trop floues d’une communauté très large aux visions précises d’une de ses composantes, et corrélativement, l’urgence incompréhensible de sortir au plus vite des phases de mobilisation et de discussion larges, pour produire au plus vite des cahiers des charges, des protocoles, des consensus, dans les cadres et la logique qui nous sont partout imposés de management de projet et de réduction de la discussion et du débat à de la résolution de problèmes organisationnels.

Comment faire en sorte que les différentes composantes du monde de l’enseignement supérieur et de la recherche acceptent le fait que les contestations exprimées partout se recoupent toutes entre elles. Comment faire pour que l’expression et la protestation ne retombent pas au premier soupçon de règlement de points particuliers (quel dommage par exemple que la contestation sur la loi de maîtrise de l’immigration ne porte que sur l’amendement ADN, ce qui fait que si cet amendement disparaissait, nous verrions une victoire là où la loi dans son entier serait une régression énorme) ?

Comment faire en sorte également que ce mouvement, s’il prend de l’ampleur, se constitue témoin des autres mouvements engagés par les autres fractions de la population qui tentent de résister à la mise en oeuvre d’une idéologie raciste, techniciste, obscurantiste ?

Comment dans un mouvement de sape et de destruction si avancé, développer ensemble encore la conviction qu’il est possible non pas de sauver quelques meubles et retarder les catastrophes en s’adaptant, mais de changer le cours des choses réellement ?

Je sens monter à nouveau à la fois l’indignation à l’égard de l’idéologie générale qui sous-tend les réformes (idéologie de la croissance, usages de la science, refus de la pensée, etc.) et paradoxalement, le refus surtout de soutenir le voisin avec qui on ne veut pas être confondu ("eux ils ne l’ont pas volé"). Par exemple si jamais cette fois encore le mouvement évacuait les SHS et réduisait la recherche aux organismes sous prétexte d’efficacité et de pragmatisme, je crois que nous ne ferions qu’accélérer comme toujours les tendances, cettes fois-ci redoutables, que nous souhaitons combattre.