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La recherche française mise au pas

Par Alain Trautmann, le 19 octobre 2007

On veut nous faire croire que la loi sur les universités permettra une autonomie accrue de ces établissements, c’est à dire plus de liberté, de responsabilités, et de moyens pour ceux qui y travaillent. C’est un leurre et un triple mensonge.

Dans le cadre de la nouvelle loi, l’autonomie et les responsabilités sont en réalité accordés aux présidents d’Université, qui auront désormais des pouvoirs très étendus pour affecter les crédits, nommer les personnels, répartir les services d’enseignement ou encore moduler les salaires. Notons que l’attribution de ces nouveaux pouvoirs s’accompagnera d’une croissance zéro du nombre de postes en 2008, ainsi que pour toute la durée du quinquennat, contrairement à ce qui avait été annoncé par le gouvernement précédent.

Pour les enseignants-chercheurs travaillant dans les universités, et pour les chercheurs des organismes de recherche qui y seraient bientôt versés, il n’y aura pas plus d’autonomie mais au contraire plus de subordination, non seulement par rapport à leur président mais surtout vis à vis du pouvoir politique. Il y a quelques années, les UMR, unités mixtes de recherche, bénéficiaient d’un financement de base raisonnable, dont la majeure partie provenait des EPST, principalement du CNRS. Ce financement était décisif pour mener des travaux à long terme, du type de ceux qui ont permis à Albert Fert (prix Nobel de physique 2007) demener à bien ses travaux. L’activité de ces mêmes UMR était évaluée par les pairs, dans des structures d’évaluation comme le Comité National, qui, pour n’être pas parfait, garantissait au moins une certaine rigueur, et la possibilité de dialogue entre évaluateurs et évalués. Mais l’autonomie du CNRS, dont la dynamique bénéficiait aussi, et fortement, aux universités, est de venue inacceptable pour le pouvoir actuel. Le CNRS serait dissous, non pas en raison de ses dysfonctionnements, mais précisément pour avoir fait preuve d’une trop grande autonomie.

Après la concentration de l’essentiel des moyens dans une agence de financement de la recherche (publique mais aussi largement privée), l’ANR, sans conseil scientifique, avec une structure d’évaluation ne respectant pas les normes internationales (l’ANR refuse de fournir systématiquement un vrai rapport d’évaluation des projets refusés), après la création d’une agence d’évaluation, l’AERES, étroitement contrôlée par le ministère, voilà le CNRS vidé de l’essentiel de sa substance et de ses moyens d’action. Les différents mécanismes sont en place, qui permettront de réduire l’autonomie des scientifiques au profit d’un pilotage serré de la recherche par le politique, avec possibilité de changements de cap fréquents, au rythme du temps court de la politique.

L’autonomie des Universités, au sein du dispositif actuellement mis en place, est un leurre et un mensonge. Sans structure nationale comme le CNRS, au sein de laquelle les scientifiques peuvent exercer une réelle autonomie, on aura non pas l’autonomie mais l’atomisation des universités, trop petites pour avoir des masses critiques suffisantes pour la recherche et pour son évaluation locale, d’autant plus isolées qu’elles seront mises en concurrence permanente les unes avec les autres. L’évolution récente de leur budget et des charges qui leur incombe annonce clairement qu’elles ne seront pas seulement étroitement subordonnées au pouvoir politique, mais également dépendantes de financement privés, ces derniers impliquant un droit de regard sur le contenu des études.

Nous dénonçons le projet de démantèlement du CNRS parce que nous croyons à l’importance de l’autonomie de l’activité scientifique vis à vis de contraintes trop fortes exercées par le pouvoir politique ou par les financements privés. Une véritable autonomie dans les universités doit inclure la défense des structures qui, comme le CNRS et les autres EPST, permettent à la liberté de création de s’exercer.