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Enquête sur la diversité : le savoir que refuse SOS Racisme

Par Georges Debrégeas, le 19 novembre 2007

Nous sommes un collectif de chercheurs et de chercheuses inquiets des difficultés croissantes que nous avons à faire notre métier et à réaliser des enquêtes qui touchent à l’immigration, aux discriminations, au racisme, et préoccupés par l’amalgame que fait la dernière pétition lancée par SOS Racisme entre nos travaux et le fichage ethnique. Nous ne pouvons reproduire ici toutes les signatures de soutien de collègues qui continuent d’arriver, elles apparaîtront in extenso prochainement sur le site de la revue Mouvements.

A l’initiative de SOS-racisme, une nouvelle pétition vient d’être lancée contre « les statistiques ethniques », intitulée : « Fiche pas mon pote ». Elle prend pour cible « une grande enquête publique » qui « prévoit de demander à 24 000 personnes de répondre à des questions comme ‘ De quelle couleur de peau vous diriez-vous ?’ » ou ‘ Avez-vous une religion ? Si oui, laquelle ? ‘ Etc. », et elle appelle d’urgence à « se mobiliser devant ce renoncement aux principes fondateurs de notre République ».

De quoi s’agit-il ? Depuis plus de deux ans, un groupe d’une quinzaine de chercheurs préparent sous l’égide de l’INSEE et de l’INED une enquête intitulée "Trajectoires et Origines, enquête sur la diversité des populations en France", qui a pour objectif d’analyser l’impact de l’origine dans l’accès au logement, à l’éducation, à l’emploi, aux loisirs, aux services publics et prestations sociales, aux réseaux de relations, etc.. Le questionnement porte sur l’ensemble des facteurs –sociaux, culturels, générationnels, géographiques, liés à l’origine ou au sexe - susceptibles d’intervenir pour favoriser ou limiter cet accès aux ressources.

La couleur de peau et la religion en font partie, parmi d’autres. Il ne s’agit nullement « d’enfermer » les personnes interrogées dans des « catégories ethno-raciales », il ne s’agit nullement de recenser les personnes selon leur origine, de faire des « statistiques ethniques »mais plutôt d’évaluer, de mesurer la place de l’ethnicité dans la définition de soi, dans l’assignation à une différence non revendiquée et dans les trajectoires socio-professionnelles. Libre à la personne interrogée de répondre ou de ne pas répondre, de se sentir ou non discriminée en raison de sa couleur de peau ou de sa religion, de mettre en avant plutôt le fait d’être une femme, ouvrière ou employée, trentenaire, ou habitant en banlieue, ou tout ça à la fois !

Contrairement à ce que laisse entendre la pétition, l’échantillon ne se limite pas aux « victimes potentielles » du racisme et des discriminations. Il est conçu pour représenter l’ensemble de la population résidant sur le territoire, dans sa diversité, en comparant cinq groupes distincts : un échantillon de 9 600 immigrés, un échantillon de 9 600 descendants directs d’immigrés, un échantillon de 800 originaires des DOM, un échantillon de 800 descendants d’originaires des DOM nés en métropole et un échantillon de 3 400 personnes nées en France de parents tous deux nés en France métropolitaine.

La visée de l’enquête est scientifique, sa démarche rigoureuse et systématique. S’il est légitime que les acteurs de la société civile interpellent les scientifiques, il serait ironique que des associations qui ont pour objectif de défendre les droits et les libertés cherchent à imposer une censure préalable de la recherche. Il est toujours dangereux que des acteurs politiques prétendent dire quelle est la « bonne » science !

Remplacer l’enquête, comme le suggère la pétition, par du testing à grande échelle, n’a pas de sens. Le testing a toute son utilité pour révéler des pratiques discriminatoires ouvertes. Il ne permet pas de reconstruire et comparer des trajectoires socio professionnelles, d’aller à la racine des inégalités et de repérer leur imposition, fût-elle involontaire. Du reste, en choisissant de présenter des candidats « noirs », « arabes » ou « maghrébins » et « français blancs », le testing manipule les catégories par lesquelles se construisent les discriminations. On n’échappe pas si facilement à la catégorisation !

Accuser enfin les chercheurs et les chercheuses mobilisés dans cette entreprise de renier les principes de la république est une insulte qui laisse incrédule. Leur souci premier est de comprendre et d’expliquer les atteintes au premier des droits proclamés par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et repris par la Constitution : l’égalité.