La CPU expression du milieu ou rouage du pouvoir ?
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, le 3 décembre 2007Les médias nous envoient l’image d’une ministre dialoguant agréablement avec la CPU [1]. Belle illustration du problème : les syndicats de personnels et plus largement tous ceux qui représentent la « communauté universitaire » n’ont jamais pu négocier. Pourtant, il suffirait de décréter un moratoire sur la loi LRU [2], de mettre tout le monde autour de la table et de remettre à plat tous les problèmes.
La CPU, interlocuteur unique d’une ministre ventriloque
La CPU a été la seule à être invitée à négocier les grands enjeux de la loi LRU, et s’est bien vite satisfaite de ce monopole. Les syndicats de personnels ou SLR n’ont jamais pu négocier quoi que ce soit, même s’ils ont eu droit au grand jeu médiatique : un entretien d’une heure avec Sarkozy, entre deux enterrements. La loi LRU s’est heurtée en conséquence à un vote négatif écrasant du CNESER [3], à l’hostilité de tous les syndicats de personnels et d’étudiants, sauf l’UNI [4], aux critiques d’associations de doyens et au vote négatif de la majorité des Conseils d’université.
Beaux travaux pratiques pour la "nouvelle gouvernance" ! Comment être favorable à des présidences "fortes" comme le veut la loi, alors que les "faibles" présidents actuels soutiennent souvent la LRU contre l’avis de leurs conseils et sans mandat de ceux-ci. Cela ne semble gêner ni les présidents en poste, ni la ministre, puisqu’ils continuent de négocier tranquillement entre eux ! En discutant seulement avec la CPU, la ministre ne se sent-elle pas quelques fois ventriloque ?
Une complaisance inacceptable sur le budget
Le résultat est là, une approbation d’un budget postiche et en croissance dérisoire de 1,4 à 2 % [5]. Après avoir épilé et monté en épingle les quelques points positifs du budget, le bureau de la CPU se fait contorsionniste et "se félicite de l’annonce d’un effort financier significatif - quoique grevé par le financement de mesures d’emplois et de salaires décidées les années antérieures". C’est une litote que de parler d’un budget "grevé " quand il s’agit d’une somme de 289,2 millions (M€) ! Ou encore "du plan Licence, qui reste en deça de ce qu’on pouvait espérer", alors que la dotation de 40 M€ représente une misère [6]. De la litote, la CPU passe au mensonge quand elle affirme que "l’augmentation de budget de la recherche universitaire est un premier signe encourageant de reconnaissance du rôle majeur des universités" : 6 M€ de plus d’après le "jaune" du budget, c’est deux fois moins que l’inflation. Dire la vérité eut été reconnaître, en parodiant Molière, que "sans argent, l’autonomie n’est qu’une maladie".
Et quel silence sur l’absence de création d’emploi pendant cinq ans, comme annoncé par la ministre, alors que les étudiants fuient déjà les masters recherche, l’attractivité des CDD étant toute relative ! Sans création d’emplois, pas d’allègements de service des enseignants-chercheurs pour leur permettre d’investir davantage dans la recherche, pas de meilleur encadrement des premiers cycles afin de limiter l’échec.
Une complicité dans la démolition de notre système de recherche
La CPU "partage pleinement les principaux objectifs du Ministère en matière de développement de l’enseignement supérieur et de la recherche". Rubicon jamais franchi jusqu’ici, "la CPU salue la croissance substantielle du budget de l’ANR". Elle est pour l’AERES [7]. Bref, elle est pour tout ce qui maintient les grands organismes de recherche la tête sous l’eau. Pour des "managers" qui se veulent au centre du système, pas un mot sur la nécessaire croissance de la recherche publique, pratiquement nulle dans le budget 2008. Et au nom de quels mandats, de quelles délibérations des CS et des CA des universités la CPU prend-elle ces positions. D’ailleurs, au nom de quels mandats de ces instances les cinq présidents d’université de la mission d’Aubert [8] s’exprimeront-ils ?
Nous demandons la réunion en urgence de ces CS et CA. La CPU osera-t-elle aller contre la pétition massive des directeurs d’unités, contre l’avis de tous les syndicats, contre l’avis de la CPCN, contre l’avis de la CPCNU, contre l’avis de l’appel de bientôt 10 000 signataires, contre l’opinion de la majorité de notre milieu. Nous savons que de nombreux présidents, tout en étant favorables à l’autonomie, réfléchissent comment corriger les aspects les plus négatifs de la LRU : réhabilitation du rôle du Conseil scientifique, mise en place de commissions de recrutements contenant élus et nommés extérieurs, limitation de la précarité, établissement de partenariats plus équilibrés entre universités et organismes, etc. Nous savons que ces présidents n’approuvent pas bien des aspects négatifs du budget,.ou encore la dépendance croissante de leur laboratoire de l’ANR. Alors qu’ils le disent. La pétition leur est ouverte. Ils sont les seuls a ne pas s’en servir.
[1] CPU : Conférence des présidents d’université
[2] LRU : Libertés et responsabilités universitaires
[3] CNESER : Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche
[4] UNI : organisation étudiante de droite
[5] Voir l’article Madame la Ministre : votre milliard est postiche, votre autonomie de carême, vos promesses de Gascon sur ce site pour la démonstration chiffrée
[6] Il faudrait 1000 postes de plus par an pour ce seul objectif. Il est regrettable que la CPU ait signé un "protocole" avec le gouvernement reprenant les engagements déjà connus de tous d’un milliard de plus par an pour l’université, sans dénoncé le milliard gruyère de 2008, sans parler de l’emploi, ni de l’effort parallèle à faire pour la recherche.
[7] AERES : Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur.
[8] La mission d’Aubert est composée de cinq directeurs d’organismes de recherche et de cinq président d’université.