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La LRU et le devenir des université moyennes

Université d’Orléans : quel avenir « libre et responsable » avec la LRU ?

Par chzelwer, le 22 décembre 2007

Un raccourci d’histoire

Le 700ème anniversaire de la fondation à Orléans, en 1306, d’une des premières universités de France a été fêté avec éclat, soulignant notamment le rôle éminent qu’elle a joué dans le domaine juridique jusqu’au 15ème siècle (avant un déclin qui se terminait par sa fermeture en 1793). Peu de temps après ce glorieux rappel d’histoire, l’Université d’Orléans d’aujourd’hui est confrontée à la mise en place de la loi relative aux Libertés et Responsabilités des Universités (LRU). Bien qu’elle ait été accueillie favorablement pas sa direction, il est à craindre que la mise en œuvre des « libertés et responsabilités » de la LRU ne s’accompagnent d’une réduction significative des ambitions souhaitables et de l’élan nécessaire pour cette université. L’Université d’Orléans fait partie de ces établissements créés dans les années 58-62 pour répondre au besoin impératif d’accès à des formations supérieures d’une fraction plus importante de jeunes. Ceci se traduisait par l’explosion du nombre d’étudiants de la Sorbonne, seule université de Paris à l’époque. Créée à l’origine comme CSU (Centre Scientifique Universitaire), Orléans accueillait environ 150 étudiants en Sciences en Octobre 1961. A la même époque un CLU (collège littéraire universitaire) était créé à Tours. Mais Orléans se distinguait par un objectif ambitieux (poussé politiquement par Michel Debré, alors premier ministre et conseiller général d’Indre et Loire) : devenir « l’Oxford » français capable d’attirer notamment des étudiants de la région parisienne. La ligne de béton de l’aérotrain que l’on aperçoit avant l’arrivée en gare des Aubrais n’est pas le seul témoin de cette ambition : un environnement de recherche, exceptionnel pour une université naissante, l’accompagne avec l’implantation du CNRS, du BRGM, de l’INRA dans le voisinage du campus de l’Université.

Le constat, au milieu des années 70, est que l’ambition initiale est à revoir : moins de 6 000 étudiants et développement concomitant des universités de la couronne parisienne, notamment celle d’Orsay, la plus proche. Mais il restait de cette ambition une caractéristique assez spécifique en France : un campus recherche CNRS important à côté d’une petite Université qui y gagnait une certaine attractivité en recherche au niveau national mais avec des enseignant-chercheurs impliqués de façon importante dans des laboratoires propres hors université. Dans les 20 ans qui suivirent, la croissance du nombre d’étudiants (environ 18.000 à la fin des années 90) accompagnait la transition vers une université « plus universelle » avec le développement des formations (UFR) en Droit-Economie-Gestion , Lettres, IUT, Ecoles d’ingénieurs, STAPS. Les antennes développées à Bourges, Chartres, Châteauroux et Issoudun, correspondant à une demande locale . Des laboratoires se développent sur le campus de l’Université, souvent en synergie avec les organismes CNRS-BRGM-INRA pour les UFR scientifiques et techniques, mais aussi dans d’autres domaines de recherche au sein des autres UFR. La région Centre, à travers les contrats de plan Etat-Région, prend une place importante dans ces développements. Pour les investissements lourds en recherche ceci se fait en concertation avec les organismes tels que le CNRS qui apportent un soutien à des axes de développement reconnus dans le contexte national de la recherche. Le partenariat CNRS-Université se traduit par la transformation d’unités propres du CNRS (UPR) en unités mixtes (UMR) et la création d’UMR associant l’Université aux organismes cités ci-dessus. Depuis, comme bien d’autres, l’Université d’Orléans a vu décroître le nombre de ses étudiants : 14.700 en 2006-2007 qui se répartissent ainsi : 20,5% dans ses 4 IUT, 7 % en école ingénieur, 26,5 % en Droit-Economie-Gestion, 18,5 % en Sciences, 19 % en Lettres-Langues-Sciences Humaines, 7 % en STAPS. Bien que la recherche orléanaise reste marquée par son caractère scientifique initial, le campus n’échappe pas à la chute relative préoccupante du nombre d’étudiants en Sciences. Ce désintérêt pour les études scientifiques (et techniques) n’est pas si étonnant : si l’on en sort avec un métier de chercheur ou d’enseignant-chercheur ceci se traduit par un salaire deux à trois fois plus faible que celui que peut espérer un cadre de banque qui sort d’une école de commerce régionale (où il a pu entrer la plupart du temps assez facilement mais a dû payer sa formation 4-5000 euros par an).

L’Université d’Orléans aujourd’hui

Avec 880 enseignants , 535 personnels techniques et administratifs, une surface locaux de 180.000 m2 et un budget annuel de 33 Millions d’euros (hors salaires des fonctionnaires) Orléans est dans un milieu de tableau des 84 universités françaises. La masse salariale à la charge de l’Etat, de l’ordre de 100 millions d’euros, représente l’essentiel du coût consolidé de l’Université et celle-ci consacre des parts à peu près égales (environ 10 millions) de son budget d’une part au paiement de contractuels ou d’heures supplémentaires et et d’autre part au soutien de sa recherche. L’importance des liens avec les organismes CNRS-BRGM-INRA-CEA accompagne encore les développements recherche : 14 laboratoires sur les 30 reconnus sont des unités mixtes ou unités propres CNRS, l’impact réel de ces liens en terme de production et notoriété scientifique allant au-delà de ces chiffres. Le pourcentage faible d’étudiants en master (16 %), d’inscrits en thèse dans les deux écoles doctorales (500) et de thèses soutenues (environ 110 par an) est à rapprocher du poids important du niveau Licence (trois premières années) qui représente plus de 69 % des effectifs étudiants (satistique 2006-2007 du Ministère) . L’Université d’Orléans occupe pourtant une place honorable en terme de thèses, ceci n’étant pas étranger au rôle des personnels chercheurs et ITA dans la vie des laboratoires.

Les conséquences possibles de la LRU

Il est utile de mettre, en regard des données précédentes, quelques éléments de réflexion intéressant assez directement le devenir de l’Université d’Orléans :
-  les recommandations du rapport Goulard* (10 ensembles Universitaires regroupant les enseignements post-bac et définissant autant d’Universités d’excellence en Recherche)
-  les dispositions de la loi LRU qui annoncent en filigrane une concurrence entre Universités dotées d’une même gouvernance « libre et responsable »
-  les données équivalentes pour une université comme Paris XI-Orsay : 26.000 étudiants (dont 9000 en sciences) avec une répartition très différente : 51 % en Licence, 10.0000 en Master et 2600 en thèse. 113 unités de recherche dans 21 écoles doctorales dont les trois quarts en commun avec le CNRS ou l’INSERM et un budget recherche hors salaires de 67 millions d’euros. Les différences quantitatives et qualitatives entre Orléans et Orsay (poids des sciences, poids des formations de niveau supérieur, poids de la recherche ) sont renforcées par le contexte du pôle scientifique Paris Sud (grandes écoles, CEA, synchrotron Soleil, etc..).

Si le rôle de l’État garantissant un développement universitaire équilibré s’efface petit à petit en laissant faire « le marché » dans un monde d’universités en concurrence, la probabilité pour qu’Orléans fasse partie dans quelques années des universités « licence » du rapport Goulard n’est pas nulle ! La perspective qui risque de s’imposer pour sa recherche, serait celle d’une polarisation thématique associée à, et financée par une industrie régionale (ex cosmétique, ou autre..). Outre le fait que ceci met en question l’avenir de tout le reste, cette perspective réductrice tourne le dos à la vision universaliste de l’Université : la diffusion des savoirs pour le progrès de tous. Mais il faut ajouter que les besoins à court terme d’un marché du travail régional pris comme critère essentiel, voire exclusif, de définition de formations d’étudiants ou de directions de recherche, figent le présent sans préparer l’avenir. Qui pouvait penser qu’il fallait absolument développer la linguistique à l’Université il y a quelques années, quand le traitement automatique des langues n’avait pas trouvé des débouchés comme peut en offrir Amazon.com dans le traitement des commandes, le profilage de sa clientèle ou l’exploitation des produits "linguistiques" dans l’offre de vente. L’affaiblissement programmé des organismes nationaux de recherche comme le CNRS vient renforcer cette inquiétude pour une université comme Orléans : Leur accompagnement a joué un rôle significatif pour la recherche à Orléans et le rayonnement du campus orléanais. Mais leur vision nationale de la recherche est en contradiction avec les « liberté et responsabilité » d’Universités en concurrence. La suppression de cette fonction essentielle est clairement annoncée et la disparition du garde-fou qu’elle peut représenter :
-  ne ferait qu’accentuer les risques de déclin en recherche face à des « concurrents » puissants,
-  et rendrait certainement plus difficile à une Université comme Orléans d’échapper demain à une « licenciarisation ».

Cette analyse, que d’aucuns pourront peut-être trouver pessimiste, fait ressortir en tout état de cause l’importance et l’urgence d’affirmer avec force la nécessaire convergence d’intérêts et le resserrement des liens entre Universités et organismes. Plusieurs directeurs ont déjà manifesté leur inquiétude en signant « l’appel de Palaiseau** » mais toutes les unités recherche du campus devraient se sentir concernées. De toute manière, ce que fera l’Université dans le cadre de la LRU sera l’affaire des prochains conseils ; leur mise en place va être critique pour limiter ou confirmer les inquiétudes. Mais il est aussi à craindre que des arbitrages ministériels nationaux liés au remodelage des organismes de recherche (autonomie ou es-tu ?) ne surdéterminent le devenir de l’Université et du campus de recherche. Cette tendance peut quant à elle converger avec la tentation pour certaines universités, soucieuses de renforcer leur visibilité aux prix d’un localisme étroit, de devenir gestionnaires exclusifs du maximum d’UMRs. Elles prépareraient ainsi leur déclin en matière de recherche.

L’union pour la compétivité ?

Après des rapprochements récents avec celle de Tours, l’université d’Orléans s’était engagée dans une réflexion de regroupement plus large : un PRES incluant les universités de Poitiers, Limoges, et la Rochelle. Ceci allait dans le sens de la mise en place de ces 10 ensembles universitaires préconisés dans le rapport Goulard. Un tel regroupement, fort de 80.000 étudiants, aurait-il été en mesure de réussir dans une logique nationale de concurrence inter-universités ? Mais ce projet est maintenant caduc, car remplacé par un projet plus restreint régionalement et plus intégré : un Etablissement Public de Coopération Scientifique (EPCS) qui réunirait Tours et Orléans dans une gouvernance commune, managée par un seul président. Pour que cette coopération soit positive, il faudrait qu’elle se donne des objectifs de portée nationale et internationale à partir de points forts spécifiques et en s’appuyant sur une vision scientifique plus large donnée par les EPSTs. Les EPSTs équilibreraient ainsi la prise en compte, nécessaire, des intérêts politiques et économiques régionaux en formations universitaires et recherche. Mais compte tenu des éléments ci-dessus, il n’est pas évident que cette structure puisse échapper aux dangers d’une « régionalisation » réductrice, comparativement aux développements souhaitables pour ces universités et pour leur recherche. La logique d’autonomie universitaire, dont un corollaire semble bien être à terme assez court, une liquidation de la force de coordination nationale d’organismes de recherche (transformation en agences de moyens et ou éclatement du CNRS en organismes thématiques), est inquiétante à cet égard. La LRU, prolongée par une mise en place progressive des conclusions du rapport Goulard qui l’a inspirée, peut conduire à un appauvrissement tournant le dos au développement souhaitable de l’Université d’Orléans (seule ou avec Tours).

Un renouveau de l’Université est nécessaire mais il ne doit pas s’inscrire dans une vision "consommatrice" de ses missions. Le développement de la recherche (objectif 3% du PIB ?) ne peut pas être réduit à un accompagnement à court terme de l’économie. Son nouveau financement via l’ANR installe dans les laboratoires une recherche au coup par coup et sur projets à court terme. Désastreuse pour les laboratoires, ce fonctionnement peut leur rendre pratiquement impossible une démarche, pourtant essentielle, de recherche prospective dont les résultats par définition imprévisibles. Formation des étudiants et recherche correspondent à un choix de société et c’est bien sûr l’affaire de tous les citoyens, au-delà des personnels et des étudiants directement concernés.

L’Appel pour une autre réforme du service public d’enseignement supérieur et de recherche*** , proposé par Sauvons_La_Recherche (SLR), a déjà reçu un écho considérable. Nous vous engageons à en prendre connaissance et à rejoindre ses signataires.

André Bouchoule Professeur de l’Université d’Orléans en retraite

Charles Zelwer Directeur de Recherche CNRS en retraite

Quelques éléments d’un article général publié dans la revue Bâbord de Loire et de Loing (N° 46, Septembre 2007) ont été repris dans cette contribution actualisée et complétée sur ses aspects orléanais

Références signalées dans le texte * : Rapport Goulard sur l’Enseignement Supérieur en France, - mai 2007 Accessible à http://www.snesup.fr/navigation/general/page.php?ndoc=2949

** : appel consultable à l’adresse http://www.math.polytechnique.fr/cgi-bin/appel

*** texte et signature en ligne accessibles à : http://www.sauvonslarecherche.fr/spip.php?page=article&id_article=1772