Désintérêt pour les sciences : l’écran de fumée ...
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, le 8 juin 2008Je ne suis pas d’accord avec l’affirmation très repandue (cf article précédent) d’un désintérêt pour les sciences. Il suffit de voir la file d’attente à l’entrée des expos du Museum et l’intérêt, voire la passion, pour les débats scientifiques du moment (OGM, réchauffement climatique etc ...). Quant à la presse de vulgarisation elle est toujours vaillante et de plus en plus diversifiée.
Par contre on enregistre effectivement un désintérêt pour les métiers de la science, notamment chercheur et enseignant chercheur, et, cela va de pair, pour les études scientifiques longues qui y conduisent.
Il y a des raisons objectives à celà : les étudiants font souvent dès les premières années d’université, voire avant : "sensibilisation aux différentes professions" des collégiens et des lycéens. Il connaissent donc mieux les conditions d’exercice des métiers de la science et celles ci ne cessent de se dégrader, à vrai dire elles évoluent en sens inverse de ce qui peut attirer les jeunes générations :
le salaire de début qui représentait il y a quelques decennies plusieurs fois le smic, est maintenant d’environ 1.5 fois. Par contre la durée de travail baisse pour la plupart des métiers, ce qui n’est pas le cas dans la recherche et par conséquent le salaire horaire du maître de conférence de 33 ans flirte avec le smic horaire ! "Travailler plus pour gagner moins" ça n’est pas vraiment porteur comme slogan pour les sergents recruteurs de la science !
de même, les salaires étaient auparavant sensiblement supérieurs à ceux des enseignants du primaire et du secondaire, ils sont maintenant comparables à ces derniers qui se font pourtant rattraper progressivement par le smic (... et même inférieurs à âge égal)
Reste "l’intérêt du métier" censé être à l’avantage des métiers de la science, mais il faut bien reconnaitre que la part toujours croissante de la recherche de fonds et de la bureaucratie la plus inepte est un facteur de nature à refroidir bien des vocations (et tant mieux peut-être ...). Nos jeunes visiteurs sont toujours frappés de voir comment se décompose la journée de travail d’un chercheur, qu’ils imaginent plus à la paillasse qu’en train de mendier, fusse de façon sophistiquée ...
Bizarrement une partie non négligeable de l’humanité fait aussi un choix de métier en fonction de sa capacité à nourrir une famille et à laisser du temps pour la voir grandir. On peut comprendre qu’au moment du choix d’un métier les jeunes en choisissent un qui leur assure loisirs ou possibilité de se loger correctement ... Vouloir capter les jeunes générations en ne mettant en avant que la "vocation" ne marchera pas sur eux, ils ne sont pas si naïfs que nos politiques le pensent. On n’attire pas les drosophiles avec du vinaigre. Quand on commence à mettre en avant la "vocation" dans la promotion d’un métier c’est mauvais signe ... D’ailleurs, ceux qui ont la vocation peuvent aussi maintenant choisir de l’exercer là où ils pourront au mieux la contenter. Dans l’industrie, la mondialisation c’est l’usine qui part et les ouvriers qui restent sur la carreau ; dans la recherche c’est les posts docs qui partent et le labo qui reste sur le carreau.
Il n’y a guère de raisons d’espérer une amélioration de ces points négatifs et par ailleurs la société en général, et les media destinés aux jeunes en particulier, valorisent de plus en plus la réussite financière rapide ou la célébrité sans efforts. Bref,on n’a pas fini de faire des "actions de communication", des journées de ci ou des semaines de ça, qui tapent à côté de la cible car elles partent du principe qu’en donnant goût à la science on va provoquer une ruée sur les métiers de la recherche. Ce n’est pas parce que les gens visitent le Louvre qu’ils en sortent en voulant devenir peintre ou sculpteur.