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L’affolement de l’histoire depuis l’Italie

par Jean-Charles Vegliante

Par Vegliante, le 8 juin 2008

Suite à la publication du document de travail de la direction SHS-CNRS : Institut SHS - mise en ligne par ED, avec accord de l’auteur

J’assiste de loin (Italie) à cette espèce d’affolement de l’histoire que le milieu intellectuel-universitaire subit en ce moment. Je n’ai jamais compris comment on entrait au CNRS (j’avais vaguement essayé de répondre à une campagne il y a des années, sans même réussir à faire les manips de l’inscription électronique, c’est tout dire...), et de toute manière je ne pense pas que ce qui m’intéresse vraiment (dans le champ poétique) y ait sa place. Par ailleurs, quoique élu dans mon université, je sais que je n’ai jamais eu la tête, comme on dit, « politique » : tout cela pour faire excuser d’avance l’incongruité de ce message, la naïveté sans doute de mes remarques de l’extérieur, alors que bien évidemment je me sens directement concerné.
D’abord, c’est répété souvent mais je le répète encore, ce qui est en train de vous, de nous assommer - comme on faisait autrefois des bêtes d’abattoir, avant le coup de pistolet final (« l’un des rares moments où la puissance de la mort humanise tout animal », J. Roth) - n’est pas séparable de la LRU, Loi de Laminage et Redressage des Universités, contre laquelle beaucoup de nos étudiants, scandaleusement formés (oui) à la contestation des idées reçues et au jugement critique sur les nouvelles idées proposées (et c’est justement ce qui n’est plus admissible par nos nouvelles tutelles), ont lutté tant qu’ils ont pu, dans l’indifférence quasi générale - en particulier médiatique - à l’automne dernier. Il faut s’en rappeler.
Ensuite, la mise en place de l’ANR s’est faite quasiment sans heurts, ainsi que celle du maillon suivant - puisqu’il faut bien vérifier où va l’argent sur projets (est-on sûr qu’Einstein avait « projeté » une « Nouvelle interrogation vers les autres sciences » de la relativité ? je ne suis pas compétent, aidez-moi) - la mise en place semi-occulte de l’AERES. J’en connais qui ont refusé d’en faire partie, j’ai même essayé de suggérer ce moyen de résistance sur la liste débats de SLR : ça s’appelle grève intellectuelle, ou émigration intérieure (Innere Emigration), mais il est difficile de refuser ce qu’on vous offre, presque secrètement (pas de membres élus) sur un plateau... je sais.
Enfin, bien qu’ayant suivi avec un grand enthousiasme la Marche des Savoirs, certains discours encourageants d’élus locaux (donc tout n’est pas clos du côté des Politiques !), les quelques « comités d’accueil » réservés à notre Souriante - et les avoir répercutés ici, en Italie, où mes amis disent chaque fois : nous avons été déjà broyés, si seulement vous pouviez vous en sortir ! avant qu’il ne soit définitivement trop tard et que le pouvoir tout simplement « se passe de l’Université »... -, bien qu’étant donc d’un naturel mi-optimiste, il me semble que nous n’avons pas pris la mesure du bouleversement HISTORIQUE (je sais que le mot est galvaudé, mais bon...) qui, avec Sarkosy et puis Berlusconi (pas l’ancien, le revenant actuel) est en train de se produire. La gestion politique a changé de « paradigme » (dans le sens de révolution de la vision du monde, et dans les sciences, cf. T.S. Kuhn). La « rue », sauf improbable - et, en ce qui me concerne banalement, j’avoue, peu souhaitable - situation insurrectionnelle, ne compte plus. Les médias (y compris ceux qui nous « aiment bien », en ligne etc.) pensent à sauver leur situation socio-économique, voire leur pouvoir adventice (pas contre-pouvoir, svp). Les syndicats, dieu merci, existent encore, mais dans certains secteurs, disons qu’il vaut mieux ne pas trop en parler, et sont de toute façon très affaiblis, parfois déconsidérés, pris (justement) par des intérêts apparemment davantage vitaux, urgents, massifs etc. (sans eux, de toute façon, nous ne ferons rien) : La parole politique, à l’Assemblée comme dans les cercles de réflexion, surtout, est vidée de tout contenu susceptible d’agir sur la réalité. Elle anime et amuse un vaste théâtre d’ombres, dont les dirigeants - les rares « vrais » - se fichent éperdument et sont assez malins pour l’utiliser : ils y parlent - et surtout y paraissent - mieux que les autres, mieux que la... comment dit-on : opposition ? C’est pour cela qu’ils ont été élus. La jeune femme désespérée : « Avec mes 900 euros par mois, comment je fais ? », à laquelle Berlusconi en campagne a répondu, sous les sunlights : « Vous êtes mignonne, vous pourriez épouser mon fils, ou celui d’un autre milliardaire », cette précaire a voté (a dit en tout cas qu’elle voterait) pour lui.
J’ai essayé de pondre un texte et de le proposer à quelques médias (ces fameux « plus sympathiques »), sans succès. Il abordait, maladroitement, l’idée que les vrais intérêts, ceux d’un groupe économico-financier inter-national assez réduit et de plus en plus sur-puissant, ne sont (évidemment) pas perçus par celle qui fait désormais les rois, une opinion « publique » devant sa télé privée, chacun chez soi et le personnage médiatisé - leur marionnette, à ces loups de la Bourse mondiale, en substance comme en apparence - pour tous. D’où l’absolue non-pertinence du discours passéiste de contrer un affichage, d’opposer des arguments raisonnables, de contester des déclarations dont la marionnette elle-même se fiche comme de l’an 40. Toutes leurs déclarations, du reste, se contredisent (et la contradiction a même produit, dans la majorité, quelques clashs, non ?)... Un jour « connard », le lendemain « je vais vous sauver », une autre fois « les Italiennes ne sont pas mal, hein, hein ? », quelle importance. Et la Souriante de proposer pour l’INSHS (Institut national SHS-CNRS) « Construire des objets pluri-disciplinaires qui déplacent les frontières de la connaissance » - sic -, mais allons, c’est du même tabac. Je pense. L’objectif véritable, ici comme là, est de vous/nous parcellariser, marginaliser, détruire. Les choses se passent ailleurs. C’est pour cela que certains (parmi nous) commencent à délirer sur des théories du Complot, sur la pulvérisation des catégories (sociales, culturelles, religieuses, de « gender », de type de recherche, de domaine pointu dans ce type de recherche, etc. etc.) - et « eux » se marrent. Les concertations, géniale idée, peuvent toujours nous consoler, après coup...
Pardon d’avoir encombré le réseau... je suis rarement bavard, mais là... désolé. Et que faut-il faire ? Je n’en ai pas la moindre idée, mais comme ça, de loin, la proposition de « vraie » grève, sans autres tergiversations (au point où nous en sommes...) mérite d’être encore discutée, il me semble.

Poétiquement à vous (vous savez, la poésie, la vraie, est UTILE)
JcV