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Pour un plan d’urgence pour toutes les Universités

Par Alain Trautmann, le 9 juin 2008

Parmi les mesures phare prises par le gouvernement pour les universités depuis 2007, deux mesures principales : "l’autonomie", et le choix de 6 campus qui bénéficieront de l’effort de financement gouvernemental (ou plus exactement du produit de la privatisation d’EDF). L’autonomie, c’est en réalité celle des présidents d’université, qui pourront désormais gérer leur université comme une entreprise, en particulier en réduisant les coûts, en recourant toujours plus aux personnels précaires, et en abandonnant les formations qu’ils jugeront "inutiles". Le choix de 6 campus, cela revient à dire que la très grande majorité des universités doit rester dans la misère qui est la leur, locaux insalubres, sales, trop exigus, avec des taux d’encadrement des étudiants beaucoup trop faibles, si on les compare aux taux observés dans les filières "efficaces" (IUT, classes préparatoires aux grandes écoles) – qui bénéficient, elles, de financements autrement plus conséquents.

Il n’y a aucune justification logique possible au fait de prétendre faire de la recherche et l’enseignement supérieur une priorité nationale, et de dire que l’on veut réserver les investissements à quelques universités, en laissant les autres à un abandon honteux. C’est d’un plan Marshall pour les universités dont notre pays a besoin. Rappelons qu’au lendemain de la deuxième guerre mondiale, le plan Marshall a correspondu au soutien financier massif accordé par les USA à tous les pays démocratiques d’Europe de l’ouest (et non pas seulement à quelques heureux élus) pour permettre leur redressement économique. La somme affectée au plan Marshall était importante : elle correspondait à 1.2% du PIB des USA. Pour la France d’aujourd’hui, cela voudrait dire un investissement d’environ 20 milliards € - soit 100 fois plus que le plan campus. Un plan Marshall pour les universités doit évidemment inclure un volet humain sous la forme d’un plan pluriannuel de recrutement de titulaires. Un tel plan constituerait un formidable outil, à la fois pour améliorer le taux d’encadrement (enseignant et personnel d’encadrement/étudiant), pour alléger les services d’enseignement des enseignants-chercheurs (indispensable pour stimuler leur activité de recherche), et pour donner des perspectives d’emploi dans les métiers correspondants, donc pour attirer des étudiants vers les métiers de l’enseignement supérieur et la recherche. La somme correspondant au recrutement de 5000 personnes par an représenterait un coût annuel d’environ 270 millions €.

La raison avancée pour le refus d’un tel plan est qu’il coûterait trop cher, que les caisses de l’Etat sont vides. Nous affirmons que notre pays peut et doit faire le choix d’investissements utiles pour son avenir, et que certaines des dépenses décidées actuellement sont éminemment discutables. Par exemple, la réforme récente des conditions d’attribution du Crédit Impôt Recherche a pour conséquence de favoriser son attribution non pas aux PME (qui en auraient le plus besoin) mais aux grandes entreprises qui savent faire de la recherche même sans cette mesure fiscale. En même temps que cette réforme faisait protester les dirigeants de PME et applaudir celui d’une grande entreprise bénéficiaire (Thalès) (voir Le Crédit Impôt-Recherche, mesure pertinente ou véritable escroquerie ?), l’enveloppe globale était fortement augmentée pour être portée à environ 1500 millions € en 2008 (et continuer à très fortement augmenter). Avec un dixième de cette somme (affectée à une mesure d’efficacité plus que douteuse), le gouvernement pourrait décider de créer près de 3000 postes d’enseignants-chercheurs. Personne ne met en doute l’efficacité qu’il y aurait à améliorer les taux d’encadrement dans les universités. Mais le gouvernement refuse de créer ces postes.

Autre exemple : une commission parlementaire vient de rendre son rapport sur les niches fiscales. On en trouvera des compte-rendus dans Le Monde du 5 juin 2008. On y lit en particulier que les réductions d’impôts ou niches fiscales (donc des pertes de recettes pour l’Etat) ont crû de 23 milliards € en 5 ans. Un simple plafonnement global des réductions et crédits d’impôt ferait rentrer des sommes considérables dans les caisses de l’Etat. Mais le gouvernement s’y oppose.

Le refus du gouvernement de lancer un plan Marshall pour toutes les universités, le refus de créer des postes pourtant indispensables au développement de l’enseignement supérieur et de la recherche, ce refus n’est pas dû à des contraintes budgétaires, car des moyens existants pourraient y être affectés. La raison de ce refus est idéologique. Le gouvernement refuse de prendre ces mesures pourtant vitales car elles entreraient en conflit avec les trois dogmes suivants :

1. Les services publics constitueraient une dépense inutile qu’il faudrait limiter au maximum

2. Les réductions d’impôt, surtout pour les plus riches, seraient une nécessité absolue.

3. Tous les secteurs de la société, y compris ceux de l’éducation et de la santé, devraient répondre à des critères de rentabilité financière immédiate. La rentabilité économique et financière devrait être le critère ultime de toute activité humaine.

Le gouvernement actuel montre une foi aveugle et destructrice dans la validité de ces dogmes. Voilà la seule raison de son refus d’un plan Marshall pour les universités.