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C. Haigneré : Lettre de la ministre aux chercheurs

Par François Coulier, le 22 janvier 2004

Lettre de la ministre aux chercheurs

Paris, le 22 janvier 2004

Mesdames et Messieurs,

A l’heure où circule une pétition exprimant l’inquiétude du monde de la recherche, je veux m’adresser à chacune et à chacun d’entre vous - personnes travaillant dans les laboratoires de recherche, chercheurs, enseignants-chercheurs, ingénieurs, techniciens administratifs - pour vous expliquer la politique menée par le gouvernement, les enjeux auxquels nous sommes confrontés et les défis que nous voulons relever avec vous.

Pour le gouvernement, une recherche fondamentale forte est le socle indispensable pour la préparation de l’avenir. La science, l’acquisition de connaissances et l’innovation sont les moteurs qui alimentent notre économie, notre croissance et notre société. La France veut pouvoir compter dans le monde de demain. Face à l’émergence de nouveaux acteurs, elle se doit d’investir encore davantage dans la préparation de son avenir et donc dans la recherche.

Notre pays dispose d’atouts considérables avec notamment ses grands organismes de recherche, acteurs majeurs en qui je veux redire toute notre confiance. Il a contribué, parmi les premiers, aux progrès de la connaissance et de la technologie qui n’ont cessé de s’accélérer au long des deux derniers siècles et sont appelés à de nouveaux développements dans les décennies futures.

Il s’agit aujourd’hui de renforcer encore la place de la France dans le paysage de la recherche mondiale. C’est le vœu de tous et c’est celui du gouvernement. Le Président de la République a réaffirmé l’objectif pour notre pays de porter son effort de recherche à 3 % du PIB en 2010.

La mobilisation du gouvernement au service de cet objectif est totale et mon engagement personnel sans faille. Pour cela, la politique du gouvernement s’appuie sur :

- la progression de 3,9 % des moyens de la recherche en 2004 malgré un contexte économique et budgétaire très difficile. D’ores et déjà, le Premier ministre m’a indiqué que le budget de la recherche ne subira ni gel ni annulation de crédits en 2004. Les efforts en faveur de la recherche seront poursuivis en 2005 et 2006.

- le maintien de l’emploi dans les laboratoires publics de recherche. Il n’y a pas de grande politique de la recherche sans une politique dynamique de l’emploi scientifique. Au moment où le nombre des départs à la retraite s’accroît, il est essentiel non seulement de renouveler les équipes mais aussi d’attirer vers la recherche les jeunes et l’élite scientifique française ou étrangère. En 2003 comme en 2004, le gouvernement a maintenu l’emploi scientifique. Afin de donner plus de réactivité et de souplesse aux recrutements dans les laboratoires, il a mis en place de nouveaux modes de recrutement sous forme de supports d’accueil contractuels. Ce type de contrat, analogue à ceux des grands pays innovants dans la recherche, modernise notre politique de recrutement et ouvre de nouvelles possibilités d’accueil de chercheurs, au-delà des concours annuels de recrutement. Il répond à un véritable besoin. Cette politique sera poursuivie. En outre, en deux ans un effort considérable a été entrepris avec la création de 600 postes nouveaux de post-doctorants.

- un soutien fort à la formation scientifique. Le gouvernement a décidé de soutenir les jeunes qui s’engagent dans des formations de recherche par la revalorisation du montant des allocations, qui ont ainsi progressé de 15 % en trois ans, et en assurant le financement de la couverture sociale des doctorants qui en étaient jusqu’à présent exclus. Il met également en place en 2004 un dispositif d’accueil de scientifiques actuellement à l’étranger dans le cadre de la politique du gouvernement en faveur de l’attractivité du territoire. Cet effort sera également poursuivi.

Au-delà, il nous faut préparer, ensemble, la recherche de demain.

L’objectif des 3% est ambitieux. Il nécessitera des efforts, des choix et des évolutions. Nous l’atteindrons :

- en mobilisant et en reconnaissant l’exceptionnelle richesse des femmes et des hommes qui font la recherche au quotidien, dans les organismes, les universités et les entreprises de notre pays.

- en définissant les conditions d’une gestion souple et attractive des carrières de la recherche.

- en inscrivant dans la durée la gestion des emplois pour donner aux doctorants et aux chercheurs sur postes contractuels toute la visibilité dont ils ont besoin sur leurs perspectives dans les métiers de la recherche.

- en soutenant les grands projets scientifiques et technologiques qui constituent un moteur de la science fondamentale et de l’innovation. Le gouvernement a démontré son plein engagement pour soutenir les projets ambitieux de notre recherche pour que le projet international ITER soit installé en France, à Cadarache, pour conforter la filière spatiale ou en faisant adopter, au niveau européen, le projet de navigation et localisation par satellite "Galiléo".

Il a aussi développé une politique d’accès accéléré à la télématique haut débit et une politique de développement de pôles dans le domaine des sciences du vivant, tant en matière de santé, avec la mise en place de "cancéropôles", qu’en matière de biologie fondamentale.

Dans le domaine des sciences de l’homme et de la société, il a activement poursuivi la mise en place de l’Institut national d’histoire de l’art et du réseau des Maisons des sciences de l’Homme.

Notre pays doit s’engager dans de grands projets fédérateurs pour la communauté scientifique et mobilisateurs pour tous. Il appartient à la communauté scientifique de les faire émerger, en liaison avec le ministère de la Recherche, pour repousser sans cesse les frontières de la connaissance et de la technologie, pour éclairer les choix et définir les projets à venir. Je réunirai prochainement le Conseil national de la Science.

- en faisant les choix qui permettront de faire émerger des pôles d’excellence, comme il en existe déjà notamment en Ile-de-France et en Rhône-Alpes, regroupant autour de plate-formes scientifiques et technologiques performantes tous les moyens permettant à ses équipes de rivaliser avec les meilleurs au plan mondial.

Le Comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire du 18 décembre 2003 a ainsi arrêté des mesures de développement de projets structurants en Aquitaine, Midi-Pyrénées et Provence-Alpes-Côte d’Azur. C’est une nécessité au niveau national mais aussi au niveau de l’Europe au sein de laquelle nous devrons mieux conjuguer nos efforts pour une meilleure efficacité. Une meilleure visibilité internationale de l’excellence de notre recherche au sein de pôles est la raison de l’effort particulier que l’Etat accomplit pour accroître les fonds incitatifs du ministère de la Recherche, le "Fonds national de la science" et le " Fonds pour la recherche technologique", dont les ressources viennent abonder dans le cadre de la conduite de projets spécifiques ou de la mise en place de plate-formes scientifiques, les moyens des laboratoires publics dans toutes les disciplines scientifiques. J’ai engagé une réflexion pour que l’utilisation de ces fonds, tout en privilégiant le financement sur projets, puisse être mieux coordonnée avec la conduite de la politique scientifique par les organismes de recherche et les universités.

- en encourageant la recherche privée. Aucun pays ne peut aujourd’hui prétendre aux premières places dans le domaine de la recherche sans s’appuyer sur l’investissement privé. Je sais que les contrats de recherche avec les entreprises constituent déjà une part importante des moyens de nos laboratoires. C’est un signe de la vitalité et du dynamisme de notre recherche.

La France consacre aujourd’hui environ 2,2 % du PIB à la recherche. Avec près de 1 % du PIB, elle est l’un des pays d’Europe qui consacre le plus de moyens à sa recherche publique. En revanche, avec 1,2 % du PIB, la contribution de la recherche privée à l’effort de recherche national reste insuffisante en France en comparaison de la situation d’autres pays.

Le gouvernement a donc pris des mesures vigoureuses pour relancer l’investissement des entreprises dans la recherche, aider les chercheurs à créer leur entreprise ou les laboratoires à accueillir les jeunes pousses innovantes. Un nouveau fonds, alimenté dès 2004 par 150 M€ issus des produits des privatisations, contribuera à la création de fondations en vue d’une plus grande mobilisation du mécénat en faveur des activités scientifiques, à l’instar de ce qui existe à grande échelle dans d’autres pays.

Mais il nous faut aussi remettre en cause les blocages qui subsistent pour la création d’entreprises innovantes et la valorisation de la recherche des laboratoires publics et des universités. Il ne s’agit pas d’opposer la recherche fondamentale et la recherche finalisée. Il s’agit au contraire de faire en sorte que l’une et l’autre s’enrichissent de leurs interactions mutuelles. En effet, je souhaite réaffirmer ici ma conviction et celle du gouvernement de l’importance de la recherche fondamentale pour le progrès de la science et de l’innovation.

Les différentes actions et les pistes de réflexion que j’ai évoquées illustrent la volonté du gouvernement de conduire, dans la durée, une politique de recherche ambitieuse et dynamique, qui permette à notre pays de rester au premier rang dans les secteurs clés pour son avenir.

Je souhaite travailler avec tous pour dégager les propositions les meilleures qui permettront à notre pays d’occuper une place éminente dans le peloton de tête des sociétés de la connaissance.

J’ai d’ores et déjà entamé depuis le printemps 2003 un travail de fond avec tous les partenaires concernés pour déterminer les évolutions qui sont indispensables à l’adaptation de notre système scientifique aux changements du monde et à une concurrence internationale accentuée. Un premier document de réflexion, disponible sur le site du ministère de la Recherche www.recherche.gouv.fr, a été diffusé à la fin de l’année 2003 pour engager l’échange et le débat avec tous les acteurs de notre dispositif de recherche. Dès vendredi 23 janvier 2004, une consultation en ligne sera ouverte sur le site du ministère afin que chacun d’entre vous puisse apporter sa contribution à ce débat en formulant ses propositions.

Mi-décembre 2003, le Conseil économique et social m’a remis son rapport sur l’économie de la connaissance, la recherche publique française et les entreprise". Les académies des Sciences, des Technologies et celle des Sciences morales et politiques préparent également des contributions. Nous avons depuis plusieurs mois, avec le Ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, engagé des travaux sous l’égide de l’Association nationale pour la recherche technique avec l’ensemble des acteurs. Tous ces travaux doivent alimenter les consultations qui devront conduire à l’élaboration du projet de loi d’orientation sur la recherche annoncé par le Président de la République.

Un Comité interministériel de la recherche scientifique et technologique sera réuni prochainement sous la présidence du Premier Ministre pour ouvrir les travaux de préparation de la loi d’orientation. L’élaboration de la loi fera l’objet d’une concertation étroite avec l’ensemble de la communauté scientifique.

Renforcer notre recherche fondamentale, promouvoir l’excellence et la valoriser aux yeux de nos concitoyens, redonner aux jeunes le goût de la science et la passion de la recherche, renforcer le lien entre la science et la société, voilà la politique que je veux mener avec vous pour notre pays. En pleine cohérence avec l’action de l’Union européenne, le gouvernement est déterminé à tout mettre en œuvre pour atteindre ces objectifs et pour que la France prenne toute sa place dans la construction de l’Europe de la connaissance.

En ce début d’année, au moment où il est de tradition d’exprimer des vœux pour l’année nouvelle, je souhaite vous dire que le moment est propice pour l’ensemble des acteurs de la recherche, pour chacun d’entre vous, de se mobiliser pour identifier et analyser, en toute transparence et sans préjugés, les forces et les faiblesses de notre recherche et proposer les évolutions nécessaires à la construction de l’avenir de notre recherche.

Claudie Haigneré, Ministre déléguée à la Recherche et aux Nouvelles Technologies