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réponse à Jean-Marc EGLY

Sauver la biologie sans tuer le CNRS !

Par chzelwer, le 26 juin 2008

Oui, les Sciences du vivant ont besoin d’être coordonnées entre les différents organises de recherche ! Mais cela ne doit pas conduire à un pilotage politique de la science, pas plus qu’à casser les interactions de la biologie avec les autres disciplines et secteurs d’activité.

Avec l’autoritarisme invétéré et technocratique qui caractérise l’action de ce gouvernement, et qui répond sans doute aux demandes de personnalités influentes ayant exercé ou exerçant des responsabilités importantes (cf l’article de Jean-Marc Egly dans Le FIGARO du 21/06/2008 (*) CNRS se trouve confronté sans débat scientifique approfondi, à une menace d’éclatement. En effet, la proposition d’un Institut national en SDV, administré par l’INSERM, à l’extérieur du CNRS, aux attributions particulièrement floues, ouvre la porte à toutes les dérives. Cette stratégie de type « Cheval de Troie » suscite à juste titre l’opposition de toutes les instances scientifiques consultatives du CNRS, biologistes compris.

Pourtant, les arguments avancés par Jean-Marc Egly ne sont pas tous sans fondements et il convient de les examiner soigneusement un à un pour élaborer ensuite des propositions appropriées, sous peine de faciliter la tâche à ceux qui prônent la disparition du CNRS. 1. La notion d’Institut national n’est pas neuve au CNRS et à l’expérience, les personnels scientifiques concernés ne s’en plaignent pas. Ces instituts nationaux visent à gérer une situation particulière de ces disciplines : de grands instruments sont gérés à l’extérieur du CNRS, soit par le CEA, soit par le CNES ou l’IFREMER. Les recherches dans le domaine spatial par exemple, supposent des programmes s’échelonnant sur plusieurs dizaines d’années avec la mobilisation de ressources importantes (satellites, etc…), ce qui suppose l’intervention de partenaires différents qui doivent se retrouver au sein d’une même instance scientifique et administrative. Il n’est donc pas correct d’affirmer que l’existence de tutelles multiples soit une particularité des Sciences du Vivant, et que les physiciens ou chimistes relèveraient de tutelles uniques, comme l’affirme Jean-Marc Egly.

2. Les expertises croisées tendent à se multiplier en SDV. Est-ce nécessairement un mal ? Pour avoir siégé au Comité national, je puis affirmer que les candidatures auprès de plusieurs jurys d’admissibilité constituent un enrichissement pour les instances d’évaluation qui sont ainsi conviées à une prise en charge concrète de la pluridisciplinarité. Ceci dit, les expertises croisées se sont aussi développées entre les SDV et la Chimie, la Physique des systèmes intégrés, l’informatique et même les SHS. Les candidatures communes entre l’INSERM et le CNRS ne sont pas rares. Et qui trouverait à redire au fait qu’un candidat postule à la fois au CNRS et dans plusieurs universités ? Au contraire, la LRU barre la route à toute possibilité de concours national commun dans l’Enseignement supérieur. A cet égard, pourquoi ne pas proposer une phase d’admissibilité commune, suivie de jurys d’admission particuliers à chaque organisme et Université ? Il y aurait là certainement davantage de transparence et de rationalité dans les recrutements, les candidats étant classés nationalement par ordre de mérite.

3. Le troisième argument me paraît en revanche tout à fait pertinent : « De même, est-il courant de devoir, lors d’une demande d’équipement ou de l’installation d’une équipe, frapper à plusieurs portes qu’elles soient celles d’un des organismes précités, de partenaires régionaux ou d’organisations caritatives. Il ne s’agit plus d’une quête de moyens pour effectuer une recherche, mais d’un véritable parcours du combattant où efficacité et rapidité ne sont pas les maîtres-mots. » De ma propre expérience – porter un projet d’intérêt régional impliquant le CNRS, l’INRA et l’INSERM + deux universités aboutit au bout de cinq ans à la reconnaissance juridique d’un groupement d’intérêt scientifique, assorti de vagues engagements financiers de deux départements du CNRS, valables uniquement si la Région est partie prenante – j’ai pu constater combien il est difficile, malgré le soutien scientifique de 18 équipes, d’une dizaine d’unités de recherche, à un porteur de projet, de le faire aboutir.

Le problème des Sciences du Vivant n’est pas le même que celui qui s’est posé en Physique Nucléaire ou en Sciences de l’Univers. Il s’agit ici, contrairement aux deux Instituts existants, de rassembler autour de problématiques scientifiques données, des compétences qui sont complémentaires mais segmentées dans les différents organismes, indépendants les uns des autres du point de vue de la définition de leurs priorités. Le problème de la mutualisation de moyens existe, mais il vient après la définition d’une problématique scientifique et non avant. Faut-il pour dépasser ces difficultés, en créer d’autres en cassant les liens d’un laboratoire CNRS, par exemple, avec l’environnement pluridisciplinaire qu’il trouve au sein de son organisme ? Le CNRS, grâce à l’existence d’un département de Chimie est le seul à pouvoir gérer une interface Chimie-Biologie. Et qui oserait dire que le médicament n’intéresse pas la santé publique ? De même, le développement de la bioinformatique pâtirait de la dissociation des informaticiens et des biologistes dans des Instituts verticaux disciplinaires indépendants.

Il y a plusieurs solutions, alternatives à la création d’un « Institut national » externalisé par rapport aux organismes, qui permettraient de créer cet « interlocuteur unique » qui fait actuellement défaut à différents échelons, pour mener à bien nombre de projets. Si l’on considère l’expérience de la Génopole d’Evry, une technopole thématisée a été capable de contractualiser avec les organismes existants (CNRS, INSERM, INRA, universités), de lever des fonds importants provenant du secteur privé et des associations caritatives (Téléthon) et d’attirer des entreprises privées sur un campus visible internationalement. Cet exemple montre qu’il est possible de fédérer les moyens d’organismes différents autour d’un objectif commun et reconnu, tout en respectant l’autonomie scientifique de chacun des partenaires.

Pour ma part, je préconiserais la constitution d’un « Comité scientifique stratégique en Sciences du Vivant », créé auprès du Ministère de la Recherche, comprenant des représentants de chaque organisme, préparant l’enveloppe budgétaire « Biologie », la répartissant entre les organismes et universités et assumant en fait pour ce secteur, le rôle qui était naguère dévolu à la DGRST (organisme inter-ministériel créé par De Gaulle et ayant fonctionné jusqu’en 1981). Ce Comité scientifique stratégique aurait la possibilité de se faire représenter dans les Régions et conserverait à son usage, des fonds d’intervention permettant de promouvoir la concertation et la coopération entre opérateurs de recherche différents. De même, il pourrait identifier des problématiques nouvelles, nécessitant des moyens nouveaux et le soutien de plusieurs organismes. Il pourrait autour d’objectifs de santé publique ou à visée économique (valorisation de la filière bois, solutions alternatives à l’emploi d’insecticides dangereux, production de médicaments par des végétaux), mobiliser des partenaires publics et privés. Ainsi, un porteur de projet (rien à voir avec la recherche « sur projet » qui ne concerne que la recherche dont les résultats sont immédiatement prévisibles) saurait à qui s’adresser pour que son dossier soit instruit et, en cas d’avis favorable, transmis aux partenaires concernés qui seraient incités à l’intégrer à leurs objectifs. L’ANR, organisme opaque où règne la non-concertation constitue pour sa part un contre-modèle.

La réunion de tous les biologistes au sein d’un organisme unique comme le préconise un appel relayé par Libération (**) aura tendance à créer une "pensée unique" en Biologie, alors que la richessse biologique naît de la diversité des approches. La recherche française devrait s’efforcer d’ouvrir des voies nouvelles et originales, en liaison avec le tissu industriel local, en exploitant les chances qu’offre un organisme comme le CNRS (par ailleurs déjà trop cloisonné) au lieu de chercher à imiter en tout point le modèle anglo-saxon.

Charles Zelwer, DR honoraire Ancien membre élu du CoNRS Ancien membre élu du Conseil scientifique du CNRS

(*)http://www.pqliv3.plusquelinfo.com/... pressReviewDetail.aspx ?pmcrypt=yGNG3VCCzS1FL% 2fvQeVFHDl3%2brtznysJysCsLa4vwpGoGmzX%2bxf1Xyma% 2fRpHnsEA6EtdfjcVcv6ncSGdmUkdHBHipMKQ0AfLv5QBi2ZonbmM%3d

(**)http://sciences.blogs.liberation.fr... organiser-la-re.html