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Au sujet du malaise des jeunes chercheurs

le 26 septembre 2008

Un texte un peu "coup de pied dans la fourmilière" (mais pour expliquer surtout pas pour diviser)

Au sujet de la "précarité"... Ce mot en soi est relativement vague parce qu’on va mettre dans la même case du coup un postdoc CNRS payé 2750 euros bruts (voire plus depuis que des règles assez précises en termes d’expérience de recherche depuis le début de la thèse sont appliquées) et un doctorant sans financement. Je ne connais pas du tout le cas des ITA/IATOS donc je ne l’évoquerais pas même si j’ai aussi constaté qu’ils sont aussi de plus en plus recrutés en CDD en première intention.

S’il y a un hiatus entre les "précaires" disons plutôt les "jeunes chercheurs" et les "statutaires", c’est parce que les règles du jeu actuelles ont été mises en place par ces derniers consciemment ou inconsciemment :

- En effet, ce sont les "statutaires" actuellement qui sont responsables du recrutement des "précaires", et vu de notre côté de la barrière c’est assez spécial. Finalement qui retarde de plus en plus l’âge du premier recrutement sur poste stable ? En nous expliquant soit qu’on est trop jeunes soit qu’on a encore le temps, soit qu’on ne peut pas être sûr au bout d’une thèse seulement que quelqu’un est valable.... bref il y a toujours assez d’arguments (quand ce n’est pas "mais tu comprends lui ça fait 5 ans qu’il candidate on peut pas le laisser comme ça") pour justifier que finalement on doive enchaîner CDD sur CDD.

- Et après tout le problème est il vraiment là ? Un moyen de rééquilibrer la part de CDD/"statutaires" ne serait-il pas que ces mêmes statutaires refusent maintenant de recruter des personnes en CDD ? Plus parlant pour moi que la grève des évaluations AERES (qui en plus envoie un message un peu contradictoire), il y aurait le refus des équipes de recruter des personnes en CDD. Ça ce serait un message fort ! "Non désolé, l’an prochain je ne prends pas de doctorants ni de postdocs car je n’ai pas envie de voir encore quelqu’un de sacrifié sur l’autel de la science". Mais non seulement ce n’est pas ça qui se passe (eh oui, sans les chercheurs/enseignants chercheurs en CDD (appelons un chat un chat ceci comprend les doctorants et tous les types de postdocs), les labos seraient un peu morts) mais c’est même bien pire ! Combien sont les doctorants qui sont financés pour leurs travaux de recherche (environ 59%) ? Combien sont les directeurs de thèse qui ne connaissent pas le salaire ni les conditions dans lesquelles ils "recrutent" des doctorants étrangers (c’est pratique c’est moins cher et en plus ça ne rentre pas dans les statistiques de l’Ecole Doctorale, comme ça on peut dépasser son quota !!) : un doctorant algérien touche 800 euros par mois (sans chômage, sans retraite, avec la sécu étudiante ou pire celle d’Egide, comme la plupart des étrangers) pendant 4 ans et doit ensuite 12 ans à son pays ; certains japonais avec des bourses d’excellence (!) sont payés en Yens quand l’euro augmente sans cesse et se retrouvent avec des"salaires" ridicules (tjs sans chômage etc etc...) ! les doctorants libanais n’ont pas été payés suite à la guerre dans leur pays ! Ne parlons pas des montants des bourses des doctorants d’Afrique noire (moins de 500 euros en général). Et pourtant ! Des directeurs de laboratoire/thèse acceptent de les faire travailler sans leur établir de contrat de travail, sur la même paillasse que des allocataires moniteurs.... bref... comment voulez vous que nous ayons confiance ?? Pour que ces pratiques cessent, il faudra soit que l’on continue de faire condamner les employeurs (par exemple le CNRS qui n’emploie maintenant plus un seul doctorant Egide), soit qu’il y ait une grosse prise de conscience des statutaires !

Voilà et en fait le fond du problème, c’est que les 10000 docteurs formés chaque année en France n’ont pas de place dans le tissu économique car pendant longtemps (et remarquez, je suis consciente qu’en disant ça je vais en faire hurler certains même encore aujourd’hui) l’entreprise a été le grand méchant truc capitaliste duquel l’université ne devait surtout pas s’approcher. Parce que c’est sûr, c’est certainement moins grave de laisser 7500 personnes sur le carreau chaque année (2500 postes environ par an de chercheurs/enseignantschercheurs ) que de se "vendre" au grand capital ! Pour moi donc le plus grand dégât, c’est celui-là ! En voulant protéger à tout prix l’université du monde réel on a fini par oublier que les personnes qui en sortent sont des gens réels qui ont besoin de travailler pour être reconnus et tout simplement pouvoir vivre et faire des projets.

Une grande partie de tout ce gâchis vient évidemment de la conjoncture économique qui n’est pas super favorable. Si tous les doctorants/postdocs avaient leur téléphone qui sonne régulièrement pour les débaucher, forcément il faudrait leur offrir des conditions un peu plus attractives dans la recherche pour qu’ils y restent (parce que là encore bien sûr on fait ce métier par passion, mais un 1/2 ATER (grossomdo 1200 euros net) pour un boulot de cadre à 35 ans avec une famille, ça n’est pas vraiment tenable). Donc le pire c’est que nous on en vient à souhaiter ça pour faire réagir le système, vu que rien d’autre n’a l’air de marcher et que tout le monde a l’air de persister à penser qu’en deçà de 8-10 ans de CDD dans la recherche on n’est bon à rien (thèses longues dans certaines disciplines, postdocs à répétition dans d’autres... )

Voilà. Donc c’est pour tout ça qu’il y a des assos de doctorants qui se bougent, depuis plus de 10 ans, en local pour faire prendre conscience aux docteurs qu’ils ont leur place dans l’entreprise et que leurs compétences y sont tout à fait adaptées, qu’ils doivent être représentés dans les conseils d’ED et d’université pour donner leur avis et faire changer les choses, au niveau national avec la CJC, pour faire reconnaître le doctorat comme une expérience professionnelle, améliorer les conditions de travail de tous les doctorants en luttant contre le non et le mal financement (charte des thèses, fin des libéralités, allocation de recherche, contrat doctoral...), le recrutement jeune, faciliter l’embauche des docteurs dans tous les pans de la société, faire reconnaître le doctorat dans les conventions collectives et la fonction publique ... etc etc...

Voilà, il y a du boulot et pour ça il va falloir mettre les mains dans le cambouis et faire des propositions.

Un(e) post-doc qui préfère rester anonyme