Université Inc. : commercialisation de la PI (propriété intellectuelle) dans le secteur de l’enseignement supérieur. Succès ou fiasco ?
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, le 1er octobre 2008SOMMAIRE (plus de détails dans le ppt ci-joint)
Dans un contexte où les universités québécoises enregistrent des déficits budgétaires, la Stratégie québécoise de la recherche et de l’innovation s’est acquise les appuis requis pour son avènement. Cette stratégie repose sur des prémisses qui n’ont pas fait l’objet d’un test de validation. La présente étude a été entreprise pour affirmer ou infirmer cette présomption au cœur de la promotion de la stratégie du gouvernement, soutenant que l’intégration des universités au partenariat de la commercialisation de la propriété intellectuelle (PI) et de l’innovation aurait des retombées financières directes pour les universités, soulageant d’autant leur situation budgétaire déficitaire.
L’analyse porte sur les résultats financiers et les coûts de gestion de cette activité de la commercialisation de la PI. Les données utilisées pour cette étude ont été recueillies par l’Association des universités et des collèges du Canada (AUCC), l’Association canadienne du personnel administratif universitaire (ACPAU) et traitées par Statistique Canada.
Les résultats révèlent que pour une importante majorité des universités canadiennes (67%), l’opération de commercialisation de la PI rapporte des revenus se chiffrant, en moyenne, à $4 000.00 par licence dérivée des brevets détenus par les universités de « petite taille » (0.1% des revenus au bilan de l’ensemble) et de $26 000.00/licence pour les « grandes » universités, ces dernières récoltant 96% du total des revenus générés.
Pour la dernière année offrant un bilan complet (2004), le total des revenus de commercialisation de la PI rapporté pour l’ensemble des universités a été estimé à $51¼ millions. Au débit, les dépenses de fonctionnement ont totalisé $37 millions auxquelles s’ajoutent les paiements aux inventeurs estimés à $18 millions.
Coût de l’unité – Pour l’année 2004, la facture ou coût de l’unité par invention divulguée s’est élevée à 6½ millions de dollars, celui d’un brevet délivré en 2004, à $23½ millions tandis que celui d’un brevet à revenus (payant ou payeur ou avec potentiel commercial - à ne pas confondre avec un brevet économiquement viable) avait atteint le chiffre de $53 millions tandis qu’une licence ou option tirée d’un brevet aura coûté tout près de $19 millions.
Le rendement sur l’invertissement - Pour illustrer, selon une toute autre perspective, la non viabilité de l’entreprise Université Inc, nous avons couplés le coût d’unité avec les revenus générés par licence plus options détenues par les établissements de recherche dans le secteur de l’enseignement supérieur. Par unité, elles ont rapporté en moyenne $25 300 dollars ($51 210 000.00 pour 2022 licences). En 2005, les revenus générés par licence octroyée ont diminué pour rapporter en moyenne $24 900.00 dollars ($55 127 000.00 pour 2 216 licences).
Rentabilisation - À ce taux de rendement, il en faudrait plus de 740 ans avant qu’une licence franchisse le seuil de rentabilité. Pour les licences dérivées des brevets obtenus en 2004, le seuil de rentabilité sera atteint en l’an 2 747.
Université Inc., source de revenus pour les universités - Que dire de l’argument central de la promotion de la stratégie gouvernementale, soit celui d’une stratégie qui devait "amener de l’eau au moulin" ou des revenus supplémentaires aux universités ? En ce, le bilan de l’opération impose la conclusion suivante : la duperie est totale. En effet, le bilan financier d’Université Inc. indique que l’opération de la commercialisation de la PI dérivée des brevets qu’elle détient a été déficitaire depuis sa création, i.e., pour aussi loin que le bilan permet de remonter. Pour mettre en perspective la démesure de cet échec, il vaut de souligner que les revenus des universités canadiennes totalisent, quelques $26 milliards de dollars pour l’exercice financier terminé en 2007.
Lorsque l’examen des bilans successifs est confronté à une éventuelle rentabilité de l’entreprise, la conclusion est radicale et irrévocable : le potentiel de rentabilité de la commercialisation de la PI dans le secteur de l’enseignement supérieur est nul et irrécupérable.
La Direction, Association des chercheurs(es) professionnels(les) du Québec
Correspondance : infos@acpq.ca