Comment on arrête le progrès scientifique
Par
, le 3 décembre 2008A lire et méditer, deux extraits de textes. Le premier est une demi-fiction, publiée en 1961 par Leo Szilard (grand physicien hongrois). Son caractère prémonitoire pour la France d’aujourd’hui est absolument ahurissant. Le deuxième est une analyse actuelle, par Peter Lawrence, biologiste anglais, de la façon dont l’obsession de quantifier les performances des scientifiques peut être destructrice.
LEO SZILARD
Extrait de : "The Mark Gable Foundation" a short story in "The Voice of the Dolphins. Publié en 1961
« [...] Vous pourriez créer une fondation, dotée de trente millions de dollars par an. Les chercheurs impécunieux pourraient demander une subvention, à condition que leurs arguments soient convaincants. Organisez dix comités, composés chacun de douze savants, et donnez-leur pour tâche de transmettre ces demandes. Enlevez à leurs laboratoires les savants les plus actifs et nommez-les membres de ces comités.....
en quoi cela ralentirait-il le progrès ?
« [...] d’abord, les meilleurs savants seraient enlevés à leurs laboratoires, et passeraient leur temps dans les comités à transmettre les demandes de subventions. Ensuite, les travailleurs scientifiques impécunieux s’appliqueraient à résoudre des problèmes fructueux qui leur permettraient presque certainement d’arriver à des résultats publiables. il est possible que la production scientifique s’accroisse énormément pendant quelques années. mais en ne recherchant que l’évident, la science serait bientôt tarie. elle deviendrait quelque chose comme un jeu de société. certains sujets seraient considérés comme intéressants, d’autres non. il y aurait des modes. Ceux qui suivraient la mode recevraient des subventions, les autres, non. Et ils apprendraient bien vite à suivre la mode. »
…
PETER LAWRENCE
…. Vous trouverez ci-joint "The mismeasurement of science", un article de Peter Lawrence, de l’université de Cambridge, paru en 2007 dans Current Biology. En voici quelques extraits
“The use of both the H-index and impact factors to evaluate scientists has increased unethical behaviour : it rewards those who gatecrash [resquillent, NDLR] their names on to author lists. This is very common, even standard, with many people authoring papers whose contents they are largely a stranger to.”
“. . . trying to meet the measures involves changing research strategy : risks should not be taken . . .”
“. . . hype your work, slice the findings up as much as possible (four papers good, two papers bad), compress the results (most top journals have little space, a typical Nature letter now has the density of a black hole), simplify your conclusions but complexify the material (more difficult for reviewers to fault it !), . . . .it has become profitable to ignore or hide results that do not fit with the story being sold — a mix of evidence tends to make a paper look messy and lower its appeal.”
“These measures are pushing people into having larger groups. It is a simple matter of arithmetic. Since the group leader authors all the papers, the more people, the more papers. If a larger proportion of young scientists in a larger group fail, as I suspect, this is not recorded. And because no account is taken of wasted lives and broken dreams, these failures do not make a group leader look less productive.”
“It is time to help the pendulum of power swing back to favour the person who actually works at the bench and tries to discover things.”
Et pour sourire, la même chose en version animée pour les enfants : la fable de la fourmi.