L’ANR et le Post-post-doc

L’Association Bernard Gregory (ABG) met en ligne une fiche décrivant un nouveau programme ANR qui serait ouvert en 2009 et viserait à faciliter le retour des post-doctorants en France. Je mets le conditionnel, car j’ai été incapable de trouver ce même doc sur le site ANR. L’ABG est cependant une association sérieuse, et on peut donc penser que ce programme va (hélas) voir le jour. Si tel est le cas, c’est un véritable bijou de la connerie (ou du cynisme) humaine poussée dans ses derniers retranchements.

On apprend dans l’exposé des motifs de ce programme que :

"Le départ des jeunes chercheurs à l’étranger est lié à des motivations multiples [parmi lesquelles] le fait que le recrutement en France dans les grands organismes de recherche nécessite d’effectuer un stage post-doctoral, voire deux, dans les meilleurs laboratoires étrangers. [...] Toutefois, le nombre de postes de chercheurs ou d’enseignants-chercheurs ouverts en France est relativement faible, de même que le niveau d’embauche pour des chercheurs confirmés, de sorte que beaucoup trop de post-doctorants ne reviennent pas ; il s’agit là du problème de la fuite des cerveaux."

Voilà un problème bien posé. Pour y remédier, d’aucuns pourraient proposer de (1) cesser d’exiger 1 ou 2 post-doc à l’étranger pour le recrutement, (2) d’augmenter le nombre de postes et le "niveau d’embauche" (j’imagine que C le salaire), ce qui aurait pour effet mécanique de colmater la fuite des cerveaux. Que nenni, l’ANR a un tout autre plan :

"Le programme « Retour post-doctorants » a comme objectif de motiver les jeunes chercheurs de haut niveau, ayant effectué un séjour post-doctoral à l’étranger, à revenir en France et leurs permettre de s’intégrer dans des structures de recherche et d’enseignement supérieur ou dans l’industrie. Ce programme vise à leur offrir, pendant 3 ans, les moyens appropriés pour poursuivre la trajectoire d’excellence suivie pendant leur thèse et leur séjour postdoctoral et conduire un programme de recherche dans un laboratoire d’accueil ; durant cette période, ils pourront préparer les concours ouverts pour le recrutement des chercheurs dans les établissements d’enseignements supérieurs et de recherche ou trouver un poste dans les grands centres de R&D industriels."

Après 1 ou 2 post-docs à l’étranger, le jeune chercheur - dont le cerveau fuit dangereusement - se voit donc proposer un post-post-doc destiné à préparer son recrutement.

"L’aide financière de l’ANR pour le programme « Retour post-doctorants » aura une durée de trois années et sera non renouvelable. Elle couvrira le salaire du jeune chercheur ainsi que les charges associées à la constitution d’une petite équipe (thésard, post-doctorant)." Ainsi donc, le post-post-doc en recherche de poste pourra embaucher un post-doc qui lui-même, après un ou deux séjour à l’étranger, pourra revenir en post-post-doc préparer son recrutement. Il va sans dire que certains post-post-doc ne trouveront pas immédiatement du boulot et pourraient être tenté de repartir fuir du cerveau à l’étranger. Il est donc probable que vers 2012 un programme "maintien en France des post-post-docs" soit mis en place qui financera pour une durée de 3 ans non renouvelables etc, etc, etc.

Je soupçonne que durant l’écriture de ce monument, le gratte-papier qui en est l’auteur a eu comme un doute sur la logique de tout cela. Il n’a donc pas oublié de nous asséner au milieu de sa fiche l’argument massue qui finit de convaincre même les plus sceptiques :

"Il faut également noter que la plupart des agences internationales de financement de la recherche sur projets ont mis en place un tel programme de soutien au retour des post-doctorants vers leur pays d’origine."

Nous voilà rassurés...

PS de février 2009 : Ce programme existe bel et bien (voir page 21 du doc : http://www.agence-nationale-recherc... )