L’Association "Sauvons la Recherche" Groupes de travail Comités loc. et transv. Université de printemps 2011 EUROPE
Accès thématique Emploi et précarité Communiqués de SLR Actualités communiqués partenaires
Médiathèque Les archives Documentation revue de presse Tribunes et Contributions
accueil contact plan du site admin
caractères +caractères -
article
réactions (0)
Accueil / Tribunes et Contributions / Le Crédit Impôt Recherche ? Du Cash pour les entreprises !

Le Crédit Impôt Recherche ? Du Cash pour les entreprises !

Par Dezellus, le 16 janvier 2009

Dans son discours des Assises Européennes de l’Innovation, Nicolas Sarkozy a, comme souvent, accumulé les contrevérités et les sottises selon sa logique maintenant bien éprouvée du « plus c’est gros, mieux ça passe ». Nous verrons comment, après avoir accuser le CNRS de pratiquer l’autoévaluation, sous-entendu complaisante, il se livre à une évaluation de son crédit impôt recherche qui relève elle de la méthode Coué.

Une attaque contre le CNRS…

Dans ce discours, le président Sarkozy a fait montre d’ignorance et de mépris avec une tirade d’une rare stupidité, se voulant certainement drôle : « Le CNRS avait un privilège rare au niveau mondial, celui de l’autoévaluation. Remarquez si c’est une nouvelle méthode de gouvernement, je vois quelques avantages à me l’appliquer. ». On imagine les rires dans l’assistance, quel humour ce président, ah, ah, ah !! Mais soyons sérieux un instant, tous les chercheurs sont évalués à chaque fois qu’ils font publier un article, ceux du CNRS sont évalués tous les 2 ans…mais par leurs pairs, c’est-à-dire par d’autres scientifiques du même domaine indépendants du pouvoir exécutif et de la direction de l’organisme. Voilà peut-être ce qui déplaît, l’indépendance et la compétence. Au fait, en passant, on peut rappeler ici que lors des récents appels d’offres du Conseil Européen de la Recherche, le CNRS est l’organisme européen comptant le plus de Lauréat…

Sarkozy champion de l’autoévaluation !

Mais revenons au discours du président parce que oui, Mr Sarkozy est déjà un chantre de l’autoévaluation et de l’autosatisfaction ! Pour preuve dans le même discours sa tirade sur le crédit impôt recherche dont il aime rappeler qu’il l’a porté à un niveau inégalé dans le monde : « Je le dis aux commissions des finances, on l’a fait pour ça, ce n’est pas la peine de prendre une mine déconfite, il faut voir les rapports que je reçois, le crédit impôt recherche nous coûte de l’argent. Ah oui et qu’est-ce qu’ils nous auraient coûté comme argent tous les laboratoires de recherche qui seraient délocalisés si on n’avait pas fait le crédit d’impôt recherche à 30% ? Alors ce n’est pas la peine de se plaindre d’un grand succès ! Je souhaite pour la France et pour notre économie qu’on dépense encore beaucoup plus au service du crédit d’impôt recherche ». Un petit rappel s’impose. En 2004, le crédit d’impôt recherche a subi une profonde transformation en étant calculé non plus sur la base de l’augmentation des dépenses de recherche et développement (R&D) mais également sur leur montant, qu’il soit en croissance ou en régression. En 2008, la référence à l’accroissement des dépenses disparaît totalement ainsi que le plafonnement du CIR dans l’objectif d’atteindre un coût à partir de 2009 évalué entre 2,7 et 3,1 milliards d’euros et un coût à terme sans doute de 4 milliards en 2012. Revenons à ce « grand succès » qu’est le crédit impôt recherche, sur quelle étude repose l’affirmation du président Sarkozy ?

Voyons du côté de la Cour des Comptes, si pointilleuse quand il s’agit du CNRS elle affirme par exemple que : « Le coût budgétaire du crédit d’impôt recherche incite à développer les moyens d’évaluation de ses effets sur l’évolution de la recherche des entreprises. De telles évaluations, comme toutes celles concernant les dépenses fiscales, sont sans doute difficiles et délicates à mener et à interpréter. (...) Les premières études menées pour le compte du ministère de la recherche et de la technologie tendent à montrer l’efficacité de cette forme d’aide fiscale. Elles devraient être poursuivies et approfondies ». En conclusion peu d’études existent et visiblement la Cour hésite à conclure sur un soutien au CIR... on doit pouvoir trouver un soutien plus franc.

Peut-être dans le rapport Guillaume. Celui-ci disait déjà en 1997 à propos du CIR et des grandes entreprises que « Ces aides n’échappent pas au risque des effets d’aubaine. Il n’est pas non plus certain qu’elles constituent les mesures les plus efficaces pour le développement du potentiel de ces groupes en France. Du fait de l’internationalisation de l’activité de ces entreprises, leur développement aura tendance à se concentrer sur les marchés en forte croissance. C’est pourquoi les grandes entreprises n’envisagent en général au mieux qu’un maintien à son niveau actuel de leur capacité de recherche sur le territoire national. L’externalisation des activités de recherche constituant une tendance de fond, on peut penser que les grandes entreprises privilégieront les liens de long terme avec les meilleurs centres de recherche au niveau mondial ». On peut difficilement parler d’une évaluation positive !

Pour sa part, Henri Audier dans un article intitulé « Le budget de l’enseignement supérieur et de la recherche raconté à Sarkozy » a compilé des sources très officielles qui montrent que entre 2002 et 2006, en euros constants, les aides de l’Etat (aides directes et CIR) se sont accrues de 1636 millions. Même sans aucun effet d’entraînement, on aurait pu s’attendre à ce que les dépenses de recherche du privé augmentent de la même somme : 1€ investi pour 1€ de CIR... Or elles n’augmentent que trois fois moins (458 millions), montrant que 1,2 milliards se sont engloutis dans les sables, en pure perte . Il semblerait donc bien que le crédit d’impôt recherche constitue pour les entreprises un simple effet d’aubaine et que l’explosion de son montant ne se traduise pas par l’effet attendu, à savoir un accroissement significatif de l’investissement en R&D des entreprises. Pour vérifier cela, écoutons les industriels eux-mêmes parler du CIR !

Le CIR ? Du Cash pour les entreprises !

Dans une lettre adressée à Christine Lagarde les représentants FNIC-CGT du personnel de Rhodia au Comité Central d’Entreprise (CCE) ont révélé comment les grandes entreprises ont perçues les évolutions récentes du CIR. Dans le compte rendu du CCE le représentant du personnel interpelle le directeur de la fonction R&D en indiquant que « En 2007,Rhodia a bénéficié de 7 millions d’euros de crédits recherche. En 2008, ça devrait être de l’ordre de 20 millions donc vous avez 12 à 13 millions d’euros supplémentaires. ». Ah, très bien, merci Mr Sarkozy, grâce à vous Rhodia va pouvoir investir dans la recherche…

Sauf que dans le même temps le groupe supprime 23 emplois en équivalent temps plein en R&D ! Face aux protestations des représentants du personnel le directeur de la fonction R&D aura cette tirade de choix : « Maintenant, le crédit d’impôt recherche abaisse, au niveau du groupe, le coût total de la recherche. Et nous avons enregistré ce gain au niveau du groupe : c’est 12 millions de cash supplémentaire. Alors que choisit de faire le groupe avec ces 12 millions ? Il choisit d’investir au niveau du groupe, soit dans de l’industriel, soit dans de la R &D, soit dans le remboursement de la dette, soit améliorer son résultat net… C’est donc effectivement de la gestion du cash au niveau du groupe. ».

Voilà donc le grand et franc succès du crédit impôt recherche : du cash pour rembourser la dette du groupe Rhodia, et pourquoi pas pour rémunérer les actionnaires avec l’amélioration du résultat net !? Après une telle révélation on imagine que nos gouvernants vont prendre la mesure du problème et lancer une commission d’enquête, réagir, s’insurger ou a minima tancer vertement le vilain petit canard ! Non, non, pas du tout, la crise est la bienvenue et le plan de relance du président Sarkozy prévoit de verser aux entreprises le crédit d’impôt recherche 2008 avant même les rares vérifications administratives habituelles ! Du cash, encore du cash…mais plus vite, toujours sans contreparties mais avec moins de « contraintes administratives ».

Conclusion

Le Crédit d’impôt atteindra bientôt 3 voire 4 milliards, soit en gros le coût de la recherche de toutes les universités, incluant la moitié des salaires de tous les enseignants-chercheurs ! Cette évolution démentielle ne fait suite et n’est suivie d’aucune évaluation sérieuse, c’est simplement le fait du prince Sarkozy, soutenue par les grandes entreprises. L’exemple de Rhodia montre également que l’absence totale de contrepartie fait du CIR un simple effet d’aubaine, un apport de cash bienvenu pour les grandes entreprises mais qui ne profitera certainement pas à la recherche. Dans le même temps, le transfert de fonds de la recherche publique vers le privé par le biais du CIR porte le financement de la recherche académique au 16ième rang mondial, rendant de plus en plus illusoire la possibilité de conserver le 5ième rang en terme de publication scientifiques.

Mr le président, quand il s’agit de plusieurs milliards d’euros d’argent public versés aux entreprises, on est en droit d’attendre une évaluation qui repose sur autre chose que la méthode Coué ou l’autosatisfaction béate !

Olivier DEZELLUS pour le collectif Lyonnais Sauvons la Recherche