Profs en solde !?!
le 20 janvier 2009
De nombreux enseignants de l’Institut de Psychologie de l’Université Paris Descartes se sont mis en grève le 20 novembre dernier pour témoigner de leur inquiétude et de leur désaccord concernant des propositions visant à modifier leur statut professionnel (modifications du décret n°84-431 du 6 Juin 1984).
Une certaine image des enseignants-chercheurs tend à laisser croire que leur charge de travail demeure cantonnée aux 192 heures d’enseignement présentiel requises pour chacun d’entre eux. Cela néglige un nombre considérable de tâches pourtant fondamentales pour le fonctionnement de l’Université et la qualité de l’enseignement, mais non valorisées pour la carrière de l’enseignant-chercheur, non rémunérées, et cependant incessamment en augmentation.
Que fait un enseignant chercheur ?
De l’enseignement :
Des réunions pédagogiques pour coordonner les enseignements (contenu et personnel), la préparation des cours (documentation, lectures diverses), les cours en tant que tels (les fameuses 192 heures), la préparation des sujets d’examen, leur surveillance, la correction des copies, la tenue des jurys, les permanences, la réception et le suivi des étudiants.
La lecture de thèses, mémoires, direction de d’étudiants en Master, de stagiaires et doctorants, participation aux soutenances, rédaction de rapports et procès-verbaux.
De la recherche :
mise à jour des connaissances par des recherches bibliographiques, mise en place d’un projet de recherche, préparation de protocole, passations d’expériences, de tests, d’entretiens, recueil et traitement des données, rédaction d’articles, de livres, organisation et participation à des colloques et à des séminaires, direction de revues, de collections, expertises de manuscrits divers, d’articles, de projets de recherche.
La recherche de financements publics ou privés pour compléter la dotation des laboratoires.
Mais aussi de l’administration :
Les réunions de commissions, Conseils pédagogiques de Licence et de Master, Conseil des études et de la vie étudiante (CEVU), Conseil scientifique, Conseil d’UFR, Conseil national des universités (CNU), etc., éventuellement la direction d’un ou de plusieurs de ces organes, le remplissage ou l’établissement des documents administratifs inhérents au fonctionnement de ces diverses structures ainsi que des abondants et variés rapports destinés au Ministère, notamment dans le cadre des contrats quadriennaux des laboratoires et des diplômes.
LE DEBAT :
Dans le cadre de la loi relative à l’autonomie des Universités (LRU), le financement des laboratoires et des universités apparaît de plus en plus dépendant de financements publics mais aussi privés qui vont orienter la politique de recherche en terme de priorité, de choix… Le but ultime est la publication d’articles scientifiques dans des revues répertoriées par l’Agence d’Evaluation de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur, au détriment de toute autre activité de diffusion des connaissances (ouvrages, manuels…). Devant s’investir dans la recherche de financement et soumettre le plus d’articles possibles à des comités de lecture, tout en se tenant au courant des publications de ses collègues, l’enseignant-chercheur est implicitement conduit à viser rentabilité et productivité plutôt qu’audace et maturation de la réflexion, originalité et qualité des recherches. A noter que la publication d’articles ne donne jamais lieu à rémunération !!!
Ramené à un temps de travail de 39 heures par semaine, ce qui ne tient pas compte des réunions, des colloques et des conférences le soir et le week-end, l’enseignant-chercheur débutant, après l’obtention d’un doctorat (Bac+8) suivi de deux à trois années de post-doctorat, puis l’obtention d’une qualification officielle par le Conseil National des Universités et enfin après concours, la nomination sur le poste d’enseignant-chercheur, gagnera le coquet traitement de 10 euros nets de l’heure !!! On ne devient pas enseignant chercheur pour gagner de l’argent… mais cela ne légitime aucunement d’abuser de notre motivation et de notre engagement dans ce métier. La situation actuelle n’est déjà pas acceptable mais l’idée qu’elle se dégrade encore nous engage à nous mobiliser avec plus de détermination.
Le projet de décret actuel bouleverse de façon très inquiétante l’équilibre entre la recherche et l’enseignement, en proposant une modulation du service de chaque enseignant-chercheur sur l’unique base de la qualité de sa recherche évaluée par des critères purement numériques et donc arbitraires (nombre de publications, impact des revues scientifiques…). Autrement dit, l’enseignant-chercheur mal évalué au niveau de sa recherche verra sa charge d’enseignement augmentée tandis que le « bon » chercheur la verra diminuée. L’enseignement devient donc d’autant plus une punition que l’enseignant « mauvais chercheur » (qui ne cherche plus) ne peut prétendre à une augmentation de sa rémunération tandis que l’enseignant « bon chercheur » (qui n’enseigne plus) se verra attribuer une prime d’excellence ! On imagine les grincements, les frustrations, l’ambiance qui règnera désormais au sein des UFR !!
Quelles sont les conséquences pour les étudiants ??
* Des enseignants déconsidérés, démotivés, moins impliqués. * Des enseignements moins adossés à la recherche, moins au fait de l’actualité scientifique, des innovations théoriques et méthodologiques. * Des enseignants qui pour échapper à la punition se verront contraints de se désinvestir des tâches et des responsabilités pédagogiques, administratives, et d’encadrement qui permettent pourtant de faire fonctionner l’Université. Plutôt que de recevoir et de discuter avec les étudiants, chaque enseignant-chercheur aura tout à gagner à fermer sa porte et à se replier sur son article, sa conférence, ses recherches.
Ce projet de décret, comme la loi LRU, reflète un désengagement de l’Etat qui, à long terme risque de conduire à une privatisation de l’Education (et plus généralement du service public, comme on peut le voir à l’heure actuelle avec la Santé). On peut craindre de fait une augmentation probable des frais d’inscriptions pour garantir un fonctionnement minimal de l’Université.
Ce mouvement prend de l’ampleur, et plusieurs Universités sont à l’heure actuelle, d’une façon ou d’une autre, mobilisées.
Nous vous invitons à vous informer et à vous associer à notre mobilisation afin de préserver une Université ouverte à tous et garante d’une formation de qualité.
http://psycho-descartes.over-blog.com/, http://www.sauvonsluniversite.com/
http://www.universite-democratique.org/
Collectif des enseignants-chercheurs de l’Institut de Psychologie Paris Descartes.