CR de la Marche de tous les Savoirs du 4 juin 2009
Par
, le 8 juin 2009
Deux à trois mille personnes ont marché à Paris de la maison des Sciences de l’Homme vers le Salon Européen de la Recherche et l’Innovation [1]. Au premier rang, mêlés à des hors-statuts portant des masques blancs, des personnalités reconnues pour la qualité de leurs travaux scientifiques (Académiciens, médailles d’argent du CNRS) ainsi que 3 présidents d’université, qui avaient montré leur engagement aux côtés des tous ceux qui se sont battus, depuis le début de l’année, pour la défense de l’enseignement supérieur et la recherche : Lise Dumasy (présidente de l’université Stendhal (Grenoble-III), Pascal Binczak (Président de Paris 8) et Vincent Berger (nouvellement élu à la présidence de Paris 7).
Dans la manifestation, on pouvait voir les portraits de scientifiques dont beaucoup, avant d’être reconnus, avaient eu des problèmes avec le pouvoir en place [2]. Ces portraits étaient commentés :
Charles Darwin : La sélection par l’argent n’est pas naturelle
Isaac Newton : Nul, n’a pas breveté la gravitation
Galilée : Et pourtant la recherche tourne !
Einstein : "Unthinking respect for authority is the greatest enemy of truth."
Marie Curie : AREVA m’a tuer
Barbara Mac Clintock : Les gènes se révoltent
Maxwell : Merci pour la lumière (dans les labos !)
Simone de Beauvoir : Castor, pauv’con
Pierre Bourdieu : Les Luttes c’est Classe !
Sigmund Freud : Le narcissisme débridé, ça se soigne !
Une cinquantaine de personnes de l’Observatoire de Paris avec des musiciens (flute traversière, guitare, yukulélé, percussions) accompagnaient l’avion AnaiR, et distribuaient un tract intitulé : ANaiR : Parce que je ne vaux rien.
Pendant le parcours et pour fermer le cortège, un groupe d’enseignants-chercheurs, personnels, doctorants et étudiants des Universités Paris 1 Panthéon-Sorbonne et Marne la Vallée, surnommé pour l’occasion les Moumoutes (en raison de leurs perruques), ont assuré depuis un camion une joyeuse animation, en reprenant certaines de leurs créations théâtrales (supplice d’Université, le procès de la bande des trois) et musicales ("Fac off" et "Paroles, Paroles" du groupe Princess of Clèves de Paris 1, le rock et le rapp universitaire de Marne la Vallée). Pendant leur animation, un Claude Allègre plus vrai que nature et arrivé sans prévenir est venu rejoindre sur le camion la Princesse de Clèves, Nick’s et Valoche.
A la fin de cette marche festive, les manifestants ont assisté à une représentation de la Sottie à 9 personnages qui met en scène de façon burlesque et frappante le conflit de ce printemps (texte de Philippe Maupeu, médiéviste toulousain).
Juste avant cela, les 3 présidents d’Université avaient pris la parole pour exprimer leur souhait que ce mouvement se poursuive, éventuellement sous d’autres formes, au delà de la parenthèse ouverte par la tenue des examens universitaires. L’un d’entre eux avait salué Georges Molinié, Président de Paris IV, très en pointe pendant tout le mouvement, et qui a fait l’objet récemment de pressions et même de menaces (de destitution, d’invalidation d’examens) de la part des pouvoirs publics, pour l’obliger à se taire. Georges Molinié, absent de cette marche mais ainsi salué, a été vivement applaudi.
Georges Debrégeas, pour les organisateurs, a ensuite rappelé que même si certains pouvaient être déçus par les résultats engrangés à ce jour, il importait de mesurer le chemin parcouru depuis le premier mouvement anti-LRU de l’automne 2007, où les étudiants s’étaient sentis bien isolés. En 2009, c’est l’ensemble de la communauté universitaire et de recherche qui a pris conscience de la nature véritable de ces contre-réformes, mais aussi de leur cohérence. Ce mouvement a permis que se construise une véritable solidarité entre les différentes catégories de personnels et les étudiants, et entre les différentes disciplines scientifiques réunies symboliquement dans cette "academic pride". Ces acquis ouvrent la possibilité d’envisager d’autres formes de résistance qui restent à inventer.
Le 4 juin 2009, nous n’étions pas aussi nombreux que nous l’aurions souhaité, mais les pancartes, banderoles et autres moyens d’expression étaient particulièrement abondants et témoignaient d’une grande capacité d’imagination, d’un fort besoin de s’exprimer. Les luttes qui nous attendent pourront puiser dans cette solidarité et cette inventivité.
PS : A Lyon aussi : une vidéo a été réalisée lors de la fierté académique par les jeunes chercheurs de Lyon (voir aussi leur site)
[1] Ce compte-rendu, avec plus de photos, se trouve également sur le site academicpride
[2] Tous les portraits n’ont pas été récupérés en fin de manif. Appel à ceux qui en auraient récupéré : contacter l’auteur de ce CR