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Sérénité retrouvée …. ou calme avant la tempête ?

Par Isabelle This-Saint-Jean, le 13 juin 2009

La semaine où « La marche de tous les savoirs » rappelait la fierté qui est la nôtre d’exercer nos métiers de la recherche et de l’enseignement supérieur et de porter nos valeurs malmenées par les réformes mises en œuvre depuis plusieurs années ici, le Premier Ministre François Fillon quant à lui affichait une tout autre « fierté » dans un meeting de l’UMP à Clermont-Ferrand : il se déclarait « fier » que son gouvernement ait été « capable de résister » au mouvement social dans les universités tout en tenant bon « sur l’essentiel ». "C’est la première fois en réalité depuis la réforme de l’université de 1984, affirmait-il, qu’un gouvernement est capable de résister à un mouvement social comme celui qui a perturbé l’université. (…) Nous n’avons pas résisté en faisant la sourde oreille, nous avons écouté, modifié nos textes, renégocié, mais nous avons tenu bon sur l’essentiel". ici

Aussi, à bon entendeur salut : face à la « modernisation » en marche, rien ne sert d’essayer de s’opposer à la virile détermination de nos dirigeants ! Notre mouvement devait servir d’exemple.

Quoi qu’il en soit, tout irait donc pour le mieux et le silence qui entoure actuellement l’université et la recherche dans les medias ne serait que le signe du dialogue renoué par le gouvernement avec notre communauté, de la remise au travail dans la sérénité de cette dernière et d’un accord trouvé sur tous les points qui avaient soulevé la colère des universités et des laboratoires. Tous les malentendus seraient levés, les « fausses informations [qui] circulent sur les blogs » stoppées ici et nous aurions enfin retrouvé la raison qui, si l’on en croit Xavier Darcos (Le Monde, 19 mars 2009), nous avait un moment échappé.

Toutefois, comment dans ce cas expliquer les événements suivants ?

- Une réunion plénière du Comité national de la recherche scientifique (événement qui ne s’est produit que trois fois depuis la création de cette instance) a rassemblé quelques 500 membres du Comité national à Paris, le 10 juin 2009. Ces derniers ont voté plusieurs recommandations ici. Ils y rappellent leur attachement au CNRS, refusent son démantèlement, critiquent sévèrement l’AERES, son indépendance auto-proclamée, réclament des procédures d’évaluation respectant les principes fondamentaux de notre communauté, exigent un plan pluri-annuel de l’emploi, dénoncent la précarité croissante et refusent les chaires mixtes universités-organismes. Leur accord avec les réformes actuelles est tel … qu’ils appellent à poursuivre le moratoire des expertises ANR et AERES ! (pour le signer : ici

- Une nouvelle réunion des Directeurs d’unité est convoquée le 22 juin à Paris ici, faisant suite à celle du 14 mars, où ils avaient décidé de lancer une grève administrative et, si certaines conditions n’étaient pas remplies, de démissionner comme en 2004.

- La direction du CNRS - alors que deux textes essentiels sur l’avenir de l’organisme (qui risquent de déstructurer très profondément ce dernier) sont en discussion ici et ici - se trouve contrainte de délocaliser son prochain conseil d’administration à Genève, craignant probablement, soit qu’il soit bloqué comme en juin dernier, soit qu’il se tienne derrière des cars de CRS comme en novembre, soit enfin qu’il se termine par une occupation du siège par les personnels comme le 26 mars 2009 !

Drôle de paix en vérité donc dans les organismes de recherche… Aussi idyllique que celle qui règne dans les universités, même si les universitaires, conscients de leur responsabilité (et non pas sous la pression du ministère comme ce dernier a essayé de le faire croire à l’opinion publique de manière parfaitement cynique) ont choisi de faire passer dans la plupart des établissements les examens. En effet :

- l’Assemblée générale de la Conférence permanente du Conseil national des universités (CP-CNU) réunie le 8 juin 2009 a fait part de son refus d’évaluer les enseignants-chercheurs conformément au décret imposé par le gouvernement. Elle a voté une motion affirmant que : « Le CNU actuel n’a pas été élu avec le mandat de mettre en place l’évaluation des enseignants-chercheurs. Par ailleurs, il n’en a pas les moyens. Il exige que cette mise en place soit repoussée à la prochaine mandature. Il demande que la période transitoire soit mise à profit pour obtenir un consensus sur la finalité et les procédures d’évaluation et que celle-ci se situe plus dans la perspective de l’accompagnement de la carrière des enseignants-chercheurs que dans celle d’une évaluation sanction. » ici

- La Conférence des Présidents d’Universités (CPU), pourtant peu connue pour ses prises de position radicales, a annoncé le 10 juin qu’elle se retirait de la commission dite Marois/Filâtre sur la formation et le recrutement des enseignants dans des termes assez secs : « Prenant acte de ce que le Ministère de l’Education Nationale refuse de revenir sur les dispositions permanentes des décrets relatifs au recrutement des enseignants, et dans la mesure où ces dispositions permanentes anticipent le résultat des travaux de la commission Marois/Filâtre, le bureau de la CPU et le président Daniel Filâtre ont décidé de suspendre leur participation à cette commission de concertation et de suivi, conformément au vote émis par l’assemblée plénière du 28 mai 2009. » ici

- Les organisations syndicales de fonctionnaires (CFDT, CGT, FO, FSU, Solidaires et Unsa), face à la décision du ministère de l’éducation nationale, ont quant à elles décidé de ne pas siéger au Conseil Supérieur de la Fonction Publique d’Etat le 12 juin qui devait examiner les décrets sur la mastérisation des personnels enseignants et d’éducation, ici alors qu’elles avaient déjà boycotté une réunion fin mai (CTPN) et quitté une autre début juin.

Si à tout cela vous ajoutez, non seulement les démissions faites par des universitaires et des personnels de la recherche de diverses responsabilités, mais aussi la rédaction de dépôts de recours auprès du Conseil d’Etat contre deux des textes qui ont été au cœur de la contestation (le décret sur le statut des enseignants-chercheurs et les accords passés avec le Vatican sur les diplômes), la question qui se pose alors est la suivante. Vraiment, Monsieur le Premier Ministre, êtes-vous sûr que le calme soit revenu et que le silence assourdissant que l’on entend aujourd’hui dans les universités et les laboratoires ne soit pas, soit celui qui précède une nouvelle tempête, soit celui d’une communauté profondément écoeurée par les réformes absurdes, dangereuses et mal préparées qu’on lui impose et par le refus de dialogue de nos dirigeants, maîtres dans l’art de la communication et du semblant de concertation.