Les chercheurs non permanents dans les EPST et les établissements membres de la CPU
le 4 février 2010
Une enquête de l’OST sur les CDD-chercheurs « officiels »
Par Henri Audier
L’étude présentée par l’Office scientifique et technique (OST), qui apporte des éléments nouveaux et inédits, porte sur les seuls chercheurs et sur un champ limité mais clairement défini. Dans ce cadre restreint, elle montre déjà l’ampleur de ce que nous appellerons « la précarité officielle ». Elle masque un autre phénomène : « la précarité cachée », avec des individus au salaire plus ou moins discontinu, et qui n’ont souvent pas même une couverture sociale. Nous avons tenté de résumer cette enquête.
Le champ limité, mais clairement défini, de l’enquête
- Elle concerne « les chercheurs non permanents rémunérés par les établissements en 2006 » payés sur la base de contrats. Elle porte sur l’activité de recherche, non sur l’accompagnement de la recherche », champs entre lesquels « les frontières ne sont pas toujours faciles à tracer ». Les ITA, a fortiori les BIAOS, ne sont pas pris en compte, ce qui « aboutit à minorer les résultats » y compris pour le nombre de chercheurs (cas des ingénieurs).
- Les enseignants-chercheurs précaires n’ont pas été pris en compte soit parce que leur contrat ne concerne que l’enseignement (même s’ils font de la recherche par ailleurs), soit parce que non gérés, du moins en 2006, par les établissements (ATER).
- « Le champ couvre les EPST mais aussi les établissements d’enseignement supérieur et de recherche membres de la Conférence des Présidents d’Université ». En sont exclus « les organismes publics de recherche autres que les EPST, principalement les EPIC, ainsi que les écoles et établissements non représentés au sein de la CPU ».
- Enfin, il faut souligner que l’enquête date de 2006, au début de la montée de l’ANR et des CDD afférents. Or, comme le souligne le rapport lui-même, rien qu’entre « 2005 et 2006, le nombre de non-permanents est passé de 4168 en 2005 à 5200 contrats en 2006. (…) il semble qu’il y ait une dérivée fortement positive du nombre de chercheurs non-permanents ».
Les sous-catégories (mal explicitées) de l’enquête
La nomenclature de l’enquête distingue cinq catégories :
- les doctorants payés par un établissement, ce qui exclut les 3000 CIFRE et financements régionaux notamment, mais aussi les doctorants non financés. Ce sont certes des non-permanents, mais pas pour autant des « précaires », du fait que ceux dénombrés ici sont financés pour faire leur thèse ;
- les « détachés », en faible nombre, dont nous n’avons pas tenu compte car ils ne sont pas précaires ;
- enfin trois catégories post-thèse très mal explicitées : les « post-docs », les « étrangers » et les « autres » [précaires sur CDD]. Ces catégories, qui auraient mérité une page d’explication, semblent en réalité très perméables puisque le rapport lui-même précise qu’il y a près de la moitié d’étrangers dans les « post-docs », étrangers qui ne figurent donc pas dans la rubrique « étrangers », qui elle se rapporte à des procédures spécifiques. Quant à la rubrique « autres », elle a la clarté de son titre et reflète simplement la complexité du nombre de situations précaires. Nous avons donc fusionné ces trois catégories sous l’en-tête « CDD post-thèse ».
L’enquête comporte deux parties, l’une sur les EPST, l’autre sur les universités, avec les limites indiquées plus haut. C’est l’établissement gestionnaire du contrat qui compte.
Le nombre des « non-permanents officiels »
Les « non permanents officiels » représentent environ 20 % des chercheurs et des enseignants-chercheurs. Les seuls CDD post-thèse « officiels » représentent 7 % des personnels et cela en 2006, année où l’ANR commençait à peine à décoller. On peut donc affirmer qu’ils représentent actuellement autour de 12 % ou plus, sans parler de ceux dans les établissements non pris en compte dans l’enquête, sans parler de la « précarité cachée », sans parler des autres catégories…
Proportion de non permanents en 2006
Etablissements |
Nombre* de doctorants |
Nombre de CDD post-thèse |
Total Non-permanents |
Non-perm. / permanents** |
EPST |
2 724 |
2 440 |
5 164 |
23,2 % |
CPU |
11 776 |
3 776 |
15 552 |
23,3 % |
Total |
14 500 |
6 216 |
20 716 |
23,3 % |
* Les nombres sont en équivalents temps plein
** Nombre de chercheurs statutaires pour les EPST et nombre d’enseignants-chercheurs statutaires pour les établissements universitaires considérés
La proportion importante d’étrangers
Pour analyser ces données, il faut prendre en compte le nombre d’étrangers.
- Ils ne représentent que 15 % des allocataires de recherche. Mais, compte tenu du fait qu’ils soutiennent environ trois milles doctorats par an, soit un « stock » attendu de l’ordre de douze mille (et non 2208), pour une durée de thèse de quatre ans. Ils relèvent donc soit d’autres procédures officielles, soit de « précarité cachée » quand non financés.
Proportion d’étrangers pour les doctorants et CDD
Etablissements |
Etrangers doctorants |
Etrangers CDD |
Total Etr. non-perman. |
EPST |
478 (17,5 %) |
1 346 (55,2 %) |
1 824 (35,3 %) |
CPU |
1 730 (14,7 %) |
876 (23,2 %) |
2 606 (16,7 %) |
Total |
2 208 (15,2 %) |
2 222 (35,7 %) |
4 430 (21,4 %) |
Pour les CDD, leur proportion monte à 35 % et même à 55 % dans les seuls EPST, ce qui est en accord avec le fait qu’environ la moitié des CDD de l’ANR sont des étrangers. Pour près de la moitié, ils proviennent de pays d’Europe, ce qui montre l’attractivité des laboratoires français.
Répartition par zone géographique et par catégorie
|
Doctorants EPST |
CDD EPST |
Doctorants CPU |
CDD CPU |
|
|
|
|
|
Union européenne |
18,6 % |
43,4 % |
25,3 % |
38,2 % |
Europe hors UE |
4,8 % |
9,9 % |
3,0 % |
5,7 % |
Amér. du Nord |
2,1 % |
7,2 % |
2,7 % |
7,6 % |
Amér. Du Sud |
5,8 % |
6,7 % |
3,4 % |
3,3 % |
Moyen-Orient |
10,6 % |
3,0 % |
13,4 % |
3,9 % |
Afrique |
37 % |
14,2 % |
41,0 % |
28,0 % |
Extrême-Orient |
20,5 % |
13,7 % |
10,5 % |
12,5 % |
Près de 60 % des CDD-chercheurs post-thèse ont plus de 30 ans
Il est probable que, dans ces 60 %, une partie corresponde à des supports financiers servant à payer des invités étrangers temporaires, ce qui n’a rien de répréhensible. Il reste, par contre, que près de la moitié des CDD ont plus de trente ans. Qu’ils soient français ou européens, ils devraient être sur des emplois budgétaires.
Répartition par âge
|
< 25 ans |
25-29 ans |
30-34 ans |
> 35 ans |
|
|
|
|
|
EPST doctorants |
31,7 % |
64,9 % |
3,2 % |
0,1 % |
CPU doctorants |
24,1 % |
65,5 % |
8,1 % |
2,3 % |
|
|
|
|
|
EPST CDD |
4,2 % |
37,3 % |
35,4 % |
22,9 % |
CPU CDD |
5,3 % |
38,3 % |
23,5 % |
32,9 % |
La proportion de CDD varie étonnamment peu suivant les disciplines
Le phénomène des CDD, spécialité jadis des SDV, touche désormais toutes les disciplines.
CPU |
Permanents |
Total |
Doctorants |
CDD |
Sciences de la vie |
3417 |
4648 |
983 (21,2 %) |
248 (5,3 %) |
Recherche médicale |
3142 |
3397 |
74 (2,2 %) |
181 (5,3 %) |
Bio.appliquée-écologie |
392 |
614 |
184 (30,0 %) |
38 (6,2 %) |
Chimie |
1885 |
2601 |
572 (22,0 %) |
144 (5,5 %) |
Physique |
1461 |
1969 |
380 (19,3 %) |
128 (6,5 %) |
Sciences de l’univers |
873 |
1285 |
294 (22,9 %) |
118 (9,2 %) |
Sc pour l’ingénieur |
5097 |
6824 |
1261 (18,5 %) |
466 (6,8 %) |
Mathématiques |
1769 |
2190 |
333 (15,2 %) |
88 (4,0 ) |
Sciences humaines |
4153 |
5038 |
658 (13,1 %) |
227 (4,5 %) |
Sciences sociales |
4635 |
6394 |
1265 (19,8 %) |
494 (7,7 %) |
EPST |
Permanents |
Total |
Doctorants |
CDD |
Sciences de la vie |
5266 |
6357 |
451 (7,1 %) |
640 (10,1 %) |
Recherche médicale |
1112 |
1267 |
50 (3,9 %) |
105 (8,3 %) |
Bio.appliquée-écologie |
1045 |
1330 |
146 (10,9 %) |
139 (10,5 %) |
Chimie |
1655 |
2083 |
238 (11,4 %) |
190 (9,1 %) |
Physique |
1638 |
2020 |
149 (7,4 %) |
233 (11,5 %) |
Sciences de l’univers |
1424 |
1734 |
160 (9,2 %) |
150 (8,7 %) |
Sc pour l’ingénieur |
1863 |
3196 |
678 (21,2) |
655 (20,5 %) |
Mathématiques |
525 |
634 |
47 (7,4 %) |
62 (9,8 %) |
Sciences humaines |
1310 |
1427 |
29 (2,0 %) |
88 (6,2 %) |
Sciences sociales |
1217 |
1313 |
61 (4,6 %) |
35 (2,7 %) |
Mais cette convergence risque de n’être que fictive car, rappelons-le, l’enquête ne prend pas en compte la « précarité cachée » (vacations, heures complémentaires, libéralités). L’enquête faite par les syndicats dira, ou pas, si cette « précarité cachée » touche plus spécifiquement certaines des disciplines.