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La Cour des Comptes fait des propositions pour assainir la pagaille mise dans les structures universitaires

Par Henri Audier, le 29 juin 2010

Publié le 28 juin 2010 sur le blog d’Henri Audier

Cet article est la suite de Universités : la Cour des comptes critique « l’empilement supplémentaire des labels et des structures »

Après avoir vertement critiqué la pagaille actuelle créée depuis quatre ans (précédent article sur ce blog), la Cour des Comptes passe aux propositions. Dans ce qui suit, l’auteur fera des commentaires personnels sur ce qu’il considère être des enjeux importants méritant un large débat. Il est temps que les partis politiques, comme les syndicats, fassent des propositions sur ces sujets, allant au-delà de quelques considérations générales.

Pour la Cour, les PRES doivent être au centre du dispositif universitaire Dans son rapport, la Cour propose que les regroupements territoriaux d’établissements, les pôles de recherche et d’enseignement supérieur (PRES), soient au centre du dispositif universitaire pour « donner plus de lisibilité aux acteurs locaux ». Pour ces PRES, initialement proposés lors des Etats généraux de la recherche de 2004 et détournés par la suite, la Cour énonce trois orientations.

1- La Cour propose de mettre fin aux « situations durables où les PRES constitueraient de nouveaux centres de coût sans que des mutualisations effectives se mettent en place et sans valeur ajoutée ». Pour la Cour, sans correction rapide de la situation, ce type de PRES devrait être supprimé.

2- Comme seconde option, la Cour propose de « développer la possibilité de constituer des ensembles confédéraux pérennes sans objectif fusionnel, à la condition qu’ils soient en mesure d’exercer une réelle coordination stratégique de leurs membres aussi bien en matière de recherche que de formation, ainsi qu’une mutualisation de fonctions transversales significatives et une labellisation commune permettant de promouvoir une identité forte ». C’était l’esprit de la proposition des Etats généraux, même si ceux-ci avaient de la mise en place des PRES une vision plus progressive et surtout plus démocratique.

3- La préférence de la Cour va à « favoriser l’évolution des situations les plus intégratrices, appelées à déboucher sur la création d’un nouvel établissement dans lequel se fondraient les membres ». Cette solution risque de créer des universités-mammouths, dont il est loin d’être prouvé qu’elles conduisent à une amélioration des résultats ou de la démocratie. Prétextant le Plan Campus, le ministère impose ces fusions à marche forcée (Strasbourg, Marseille, maintenant Lorraine). On ne peut opérer localement des bouleversements de cette ampleur sans étapes intermédiaires, sans débat approfondi et sans assentiment réel de ceux qui travaillent et étudient dans les universités concernées.

De vraies questions, notamment sur les régions

Tout au long de son rapport, la Cour pose de vraies questions. On peut être en désaccord avec ses solutions, mais il faudrait en proposer d’autres. C’est par exemple le cas des régions à qui on ne peut demander de financer, sans leur permettre d’exercer aucun rôle. Pour la Cour, « l’État doit accélérer la mise en place d’une stratégie territoriale partagée », et elle demande que se généralisent des « schémas stratégiques territoriaux de l’enseignement supérieur ». IL leur faut s’inscrire « dans la durée et impliquer pour chaque région tous les acteurs nationaux et locaux intéressés ». Face à la pagaille actuelle, qui permet à l’Etat de mieux piloter, la Cour propose d’associer les « grands organismes de recherche et les collectivités territoriales » à cette démarche et recommande aux régions d’avoir des contrats avec les PRES, notamment pour contribuer à clarifier les articulations entre les structures.

Le rapprochement entre universités et écoles, en grande partie éludé par la Cour

Sur cet enjeu, qui avait en partie motivé les Etats généraux de la recherche pour proposer les PRES, la Cour a bien vu le problème quand elle critique la faible activité des PRES pour recomposer les Masters qui sont « des enjeux stratégiques pour l’attractivité internationale des sites et un niveau de coopération privilégié entre grandes écoles et universités ».

Ce rapprochement relativement avancé notamment en province, du fait qu’une part importante des écoles d’ingénieurs relève déjà des universités, est plombé par deux problèmes majeurs, sur lesquels la Cour ne s’épanche pas. Le premier est la place qu’a laissé prendre la ministre au PRES « ParisTech » qui « rassemble 12 prestigieuses grandes écoles françaises ». Ce faux-PRES constitue un prétexte pour une partie de ces écoles de ne pas entrer dans les vrais PRES. Pire, les lobbys (anciens élèves, certains corps de L’Etat) agissent actuellement pour que l’opération du campus technologique de Saclay soit placée sous la tutelle de ParisTech.

L’autre problème est celui des centaines écoles de commerce, de management ou de marketing, dont l’immense majorité est privée. Que ces écoles existent et distribuent sous leur cachet leurs diplômes et des titres d’anciens élèves, est une chose. La possibilité qui a été donnée à une trentaine d’entre elles de délivrer des masters en déjà une autre. L’entrée de ces écoles dans les PRES, sans l’établissement de cursus ou laboratoires communs, en est une troisième. Cela risque d’avoir pour seule conséquence le drainage vers ces écoles des meilleurs étudiants, simplement du fait qu’à la sortie les salaires des anciens élèves de ces écoles, même les plus « petites », sont trois fois supérieurs à ceux des jeunes docteurs ou agrégés.

Mais quelle démocratie dans les PRES ?

La Cour des comptes justifie les PRES notamment par « l’obligation d’oeuvrer à l’utilisation efficiente [des moyens] et donc de s’attacher à la rationalisation des dispositifs et de l’accompagner d’une intensification de la mutualisation des compétences et des ressources permettant de mieux maîtriser les coûts ». Certes c’est son rôle, mais elle passe à côté des interrogations et même de la répulsion que les PRES provoquent chez certains.

La principale raison en est que les PRES apparaissent comme des superstructures, des boîtes noires, où se prennent les vraies décisions, décisions qui dès lors échappent aux instances universitaires, donc à tout contrôle. Les magouilles qui ont présidé à la création des PRES parisiens n’ont fait que renforcer les craintes. De plus, le statut d’Etablissement Public de Coopération Scientifique, pour les PRES, que soutiennent le ministère et la Cour, a fortiori celui de fondation, est rejeté car comportant un taux epsilonesque d’élus.

Discuter et mettre en place un statut démocratique des PRES est donc une condition première pour qu’ils soient acceptables par ceux qui travaillent et étudient dans les universités. Faut-il en faire un préalable ou faut-il se battre en même temps pour démocratiser les PRES et pour en faire un élément majeur d’une structuration en réseau des universités ? C’est vers cette dernière orientation que penche l’auteur. Nous y reviendrons.