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Rencontre avec le cracc Ile de France, le 11 Juin 2010 à la maison des métallos

Succès de la première Conférence permanente et citoyenne pour la culture et la connaissance

Par KELLER Angélica , le 11 juillet 2010

Conférence permanente et citoyenne pour la culture et la connaissance le VENDREDI 11 juin 2010 de 10h à 18h30 
- entrée libre à la maison des metallos, 94 rue Jean pierre Timbaud 75011 Paris

http://www.sauvonslarecherche.fr/sp...

1. Le matin, séance plénière  :

Introduction

Jacques Pornon fait l’historique du CRACC créé en Novembre 2009. Il fait référence à l’intervention d’E. Wallon à Avignon (été 2009), et présente notre revendication d’un droit d’accès pour tous à la culture et la connaissance, déjà mentionné dans la charte de l’UNESCO et dans le manifeste du CNR (Conseil National de la Résistance). La baisse des financements liée à la réforme des collectivités locales et à la mise en application de la RGPP nuisent gravement aux projets culturels. J. Pornon rappelle les mobilisations de cette année 2010 (29 mars, 10 Avril, 6 mai) et souligne le besoin de projets d’avenir. Pour cela, il y a besoin d’approfondissement et de compréhension des réformes en cours. Il est nécessaire de redéfinir des perspectives dans différents secteurs. Alors qu’au lendemain de la guerre, le CNR avait l’audace de publier un manifeste intitulé « les jours heureux », nous voulons renouer aujourd’hui avec le rêve de jours heureux.

Jérôme Tisserand présente et remercie pour nous le directeur de la maison des Métallos qui nous accueille. Il présente les divers intervenants de la matinée, en exprimant le souhait qu’un débat s’instaure avec la salle. J. Tisserand présente aussi le programme de l’après-midi qui, après deux ateliers et une séance plénière, se terminera par un apéro.

Brièvement, voici un rappel des interventions de la matinée :

Annick Kieffer présente l’association Sauvons la Recherche (SLR), en soulignant la grande variété de champs disciplinaires représentée par ses adhérents, et dans la salle par une sociologue (elle-même), une biologiste et un physicien, tous personnels CNRS. Elle revient sur la formation du mouvement des chercheurs, né de 3 évènements : la suppression de 250 postes transformés en CDD, la suppression de crédits de base des laboratoires accompagnée par un véritable « hold-up » d’argent provenant de contrats, non consommés pendant l’année, le financement des thèses de doctorat par des libéralités (ANR, AFM-téléthon, etc. .). Grâce à la capacité de SLR à fédérer syndicats et collectifs, et à l’intervention de scientifiques prestigieux et connus, les 250 postes ont été récupérés. Suite à ce mouvement d’une ampleur sans précédent dans la communauté scientifique, se sont tenus à l’automne 2004, les troisièmes Etats généraux de la recherche en France (les deux précédents : suite à la création de CNRS en 1939, puis avec l’avènement de la gauche au pouvoir dans les années 80). A. Kieffer souligne la logique de pilotage de la politique actuelle :
-  La concurrence entre Etablissements, équipes, équipements, individus, tous sous le signe d’une prétendue « excellence ». On est en train de casser la Recherche qui était basée sur la collaboration entre équipes, notamment par l’institution de primes au mérite.
-  L’instrumentalisation de la recherche, avec des objectifs avoués d’industrialisation et de rentabilité ; au lieu de l’évaluation par les pairs (élus), tout est déplacé ; les priorités sont définies par des « financiers » nommés.
-  Annonce du non-remplacement d’un chercheur sur deux. Il en est de même pour le personnel technique.
-  Ce qui est prioritaire, c’est la recherche sur projets, avec un financement par CDD.

Tout cela s’accompagne d’une augmentation impressionnante de la précarité (voir les résultats de l’enquête lancée par le Centre de recherche Pouchet) : http://www.sauvonslarecherche.fr/sp...).

Même s’il y a une minorité de « précaires de luxe », la majorité correspond à de tout petits contrats. Cela s’accompagne de l’impossibilité de mener à bien des projets à long terme, comme de vie familiale et professionnelle. S’engageant alors dans de véritables "carrières précaires", cette catégorie de main d’oeuvre est alors souvent considérée de statut inférieur, voire comme main-d’oeuvre de second rang. Ceci s’accompagne de souffrance au travail, du mépris au quotidien par des collègues ayant un statut reconnu. Il y a actuellement une prise de conscience de ce problème, grâce aux actions (cette enquête, par exemple) et à des débats.

Michel Fouquet (FSU) fait une présentation de l’actualité dans l’Education Nationale. Il s’agit de dégager les points communs avec la Culture, la recherche, la santé, et possiblement d’autres secteurs. Dans le contexte européen, les services publics sont « au pain sec ». Avec l’élection de Sarkozy en 2007, on voit apparaître une droite décomplexée, qui promet la rupture. Que se passe-t-il, à l’école et plus généralement dans l’Education nationale ? Peut-on envisager des actions communes ? La réforme dans l’Education nationale a été annoncée comme "la mère de toutes les réformes" par des officiels paradant sur la nécessité de ces réformes. Elle est mise en œuvre, y-compris à l’Université, dans un contexte d’exclusion de la voix des élus. Ceci s’est déjà traduit par la suppression de 10 000 postes, et 17 000 suppressions supplémentaires viennent d’être annoncées pour cette année ; cela touche l’ensemble des personnels, incluant les auxiliaires d’enseignement. On est face à une duplicité insupportable : il s’agit de sacrifier l’éducation - un bien public - au libéralisme. Les dotations globales diminuent, l’aide aux élèves en difficulté aussi, avec les conséquences inévitables sur la vie des établissements. Dans l’enseignement professionnel, la préparation se fait en 3 ans au lieu de 4, induisant une augmentation du taux d’échecs. Malheureusement, ce qui fonctionne, c’est la chasse aux heures supplémentaires, à cause des problèmes de pouvoir d’achat. Cela s’accompagne d’une baisse de la qualité de l’enseignement et d’une baisse des recrutements. Ainsi 2 heures supplémentaires pour 9 enseignants, cela vaut 1 poste. Dès la rentrée 2011 il y aura de gros problèmes, avec les stagiaires issus de la réforme de la formation des enseignants. Il existe un vaste mouvement de refus d’être tuteur de ces stagiaires. Les enseignants qui refusent se voient soumis à menaces et chantages (notes de vie scolaire, blocages de promotion). Après 2 ans de mise en œuvre, il n’y a aucun bilan, alors que chacune des réformes est source de conflit au sein des établissements. Le syndicat FSU des chefs d’Etablissement a été créé récemment et s’oppose à ces réformes. Il prépare des mises en œuvre alternatives. Ainsi une réunion était prévue le samedi suivant avec les collectivités territoriales suite à l’appel de Rennes. Il y a une grosse inquiétude sur ce qui est complémentaire (culture, sport, éducation) pour assurer des ambitions culturelles pour tous les jeunes.

Claude Lechat, président de l’ASDAC (association des Directeurs des affaires culturelles d’Ile de France) et directeur des affaires culturelles (DAC) de Pantin, travaille avec les politiques (maires, par exemple), les gens du spectacle vivant, des bibliothèques, des enseignements artistiques, etc. Il constate qu’au sein des mondes de la culture, on n’a pas fini de se regrouper, mais exprime sa satisfaction d’une journée comme celle-ci qui regroupe des représentants de l’université, de la recherche, des bibliothèques, des directeurs de conservatoire, etc., des personnes qui n’ont guère l’occasion de se parler. C’est difficile, mais salvateur, de parler ensemble. Concernant les projets de réforme du gouvernement il est utile de savoir de quoi l’on parle . A ce sujet dans un document remis par ARCADI sur les réformes territoriales, on parle de 4 projets de loi. Des éléments cités sont à mettre en débat. Beaucoup a été écrit sur ces questions (voir le texte de Jean Michel Lucas, ancien DRAC de la région Aquitaine, concernant la clause générale de compétences). Le débat est nécessaire pour faire face aux tentatives de manipulations auxquelles sont soumis les élus de gauche. C. Lechat cite aussi un article publié par le journal Le Monde, signé d’un enseignant à Paris 1 Sorbonne (Geoffroy de Lagasnerie) où s’exprime une inquiétude face à une baisse du lectorat des ouvrages de recherches. Les raisons invoquées mettent de côté l’autocritique d’auteurs qui s’adressent à leur monde. Ces textes sont cités pour amorcer un débat, et dans un contexte morose, œuvrer pour que celui-ci ne soit pas exclusivement manichéen.

Patrick Coupechoux est journaliste et écrivain. Il a la dure mission d’introduire le débat. On est tous d’accord sur la cohérence de la politique menée, qui vise à mettre sous tension l’ensemble des compétences dans le but d’un transfert vers le monde de l’entreprise. On assiste à cela parce qu’il y a une idéologie dominante depuis Thatcher qui avait bien dit "la société n’existe plus, il n’y a qu’un ensemble d’individus". M. Foucault dans les années 70s parlait du néolibéralisme dont les valeurs doivent pénétrer les individus jusqu’à l’intime. Il s’agit d’une mise en cause de l’éthique, du bien commun pour tous (la recherche, la santé par exemple). Le système fabrique un individu qui est un ressort humain à la merci du marché, et non plus un individu citoyen. On ne vise plus à former un citoyen dans le sens d’un homme de bien cultivé. Depuis 30 à 40 ans, on assiste à la marchandisation de la culture. Lacan parle du "jouir en toc". On a retranché des sources de la culture des couches entières de la population. Il faut voir la machine à décerveler qu’est devenue la télévision avec la télé réalité par exemple. Le système semble avoir plus d’ambition que cela : créer un nouveau type d’individu, l’homme économique qui s’auto construit, de façon indépendante de l’environnement. Un individu peut être un "winner" ou un "looser", adaptable bien qu’il n’ait aucune prise sur son environnement. L’individu doit s’adapter aux organisations du travail. Il reste une question tabou : qu’est-ce qui provoque les suicides au travail. Dans ce monde où il faut être rentable et non pas cultivé (exemple de la princesse de Clèves), nous avons tous - à un moment ou un autre - été pris dans le consensus, que ce soit dans les milieux de l’entreprise, culturels ou scientifiques. N’oublions pas que ce système a été mis en place aussi sous un gouvernement de gauche. Le néolibéralisme s’introduit aussi sous couvert de principes des droits de l’homme.

Temps dévolu au débat : Plus qu’à un débat, on assiste à une série de témoignages de personnes représentant des secteurs divers, l’archéologie (INRAP) par exemple. On nous explique comment, après des financements à la fin des années 90s, un statut a été attribué par l’Etat, dont l’effet a été de contrôler totalement ce domaine. En 2003, il y a ouverture à la concurrence, une augmentation importante des emplois précaires : les CDD représentent 30% des personnels. On est face à des promoteurs, et les chantiers de fouille peuvent s’arrêter d’un jour à l’autre. On travaille dans des conditions ineptes.

Rémy Bovis (SYNAVI) a souligné la nécessité de travailler avec « les politiques » en co élaboration et pas seulement en consultation, lorsqu’ils ont besoin de nous. Il faut refuser la généralisation de l’acceptation de "l’excellence" . Francis Parny, Vice-Président de la région Ile de France intervient. Il pointe l’axe du débat comme étant celui de l’intervention publique, et dénonce la mise en concurrence des régions. Il insiste sur le fait que si une région veut créer un théâtre, elle peut le faire, à condition d’en avoir les moyens financiers et humains. Les mots clés de la politique sont gouvernance, concurrence, performance. … dans l’éducation et la culture, comme dans la recherche ! Ainsi, l’école doit former des salariés pour les patrons. "Nous cherchons un autre temps, un temps long, pour la recherche, pour la culture, un temps de permanence ; on veut construire une vie, un cadre de vie". Le non remplacement des départs à la retraite, s’accompagne de baisses des crédits : moins de 100 millions d’euros pendant 3 ans ; cela correspond au budget d’une région. Il y a d’autres intervenants : sur le théâtre et l’art contemporain, aussi le cinéma (association pour sauver le grand Ecran place d’Italie, (voir : http://www.sauvonslegrandecran.org/), festival de musique. Ces intervenants - souvent en colère - dénoncent une stratégie du pouvoir, engendrant une apathie généralisée. On a un "gouvernement qui est dans le mensonge permanent", et ne se rend pas compte du travail fait localement pour tirer les publics vers le haut. "Les lois, c’est très bien, mais sans moyen, elles ne sont pas applicables". Le fait est que l’on va vers une recentralisation, une perte d’autonomie. Ce qui nous regroupe, c’est le combat pour la démocratie. Mais une question récurrente est : que fait la gauche ?? Il faut écrire à tous les élus de gauche, que certains traitent de menteurs et d’hypocrites . Le problème des heures supplémentaires dans l’enseignement ? Nous connaissons le même problème dans la musique. Et l’excellence ? Un concept inventé pour faire disparaître la création (artistique) ! Intervient aussi un représentant du collectif des intermittents et précaires, un défenseur de "la grève des chômeurs". Il demande à ceux "de la culture" de soutenir la grève des chômeurs. On refuse d’aller pointer à l’ANPE (pardons, au pôle emploi), de faire toutes ces démarches qui "bouffent notre temps" et ne mènent à rien. Nous refusons tout emploi et tout stage. Nous ne sommes pas des "ressources humaines". Ce que nous voulons : reconstruire du lien, refaire de la solidarité. Nous sommes hostiles aux façons de vivre créées ces dernières années. Le conflit EST une valeur. Autre intervenant : un membre du blac, mouvement de défense du cinéma d’art et essai (actuellement 1000 salles en France, même dans des petites localités), "les enfants du cinéma", nous parle de la "révolution numérique". Les dégâts s’annoncent pour les plus petits et les plus faibles. Des documentalistes de qualité et connus n’arrivent plus à survivre. On regroupe, et ce qui reste n’est plus que "l’arbre qui cache la forêt". L’enseignement du cinéma à l’école disparaît. On détruit ce qui avait été construit pendant 20 ans en partenariat avec l’éduca tion nationale. La direction nous dit "on vous soutient" tout en supprimant postes et moyens ! Le cinéma de création risque de disparaître en France, comme partout en Europe. Nous essayons d’être solidaires de l’appel de cannes" de 2010. La place des créateurs doit être au cœur de la transmission. Notre collectif a été reçu par le ministre, mais il y eu peu d’écho dans les medias. Pourtant nous regroupons 400 structures, nous représentons 60 000 personnes dont 25 000 enseignants, certains au fin fond de la Corrèze.

Evelyne Rabardel est "élue à la culture" du département du Val de Marne. Elle souligne que nous menons ici un débat de fond, sur un choix de société où les politiques doivent intervenir. Attention, dit-elle, de ne pas mettre en porte-à-faux les élus des collectivités locales.

JF Hersent de Sud-Culture intervient (à la place de Nicolas Monquaut, CGT Culture, qui n’a pu se libérer). Il mentionne la RGPP qui oeuvre à la casse des services publics et souligne que le budget de la culture non marchande diminue alors qu’est en croissance le soutien aux "industries culturelles". Ainsi, maintenant, la culture, c’est la marchandisation. La même politique est suivie dans tous les domaines, culture, université, recherche, santé ; avec la RGPP2, tous les établissement nationaux seront soumis à des critères de rentabilité. Un exemple frappant : comment rentabiliser Le Louvre ? Maintenant, tous les deux ans s’y tient un grand banquet des responsables de l’industrie de l’armement, après leur exposition au Bourget !

Maia Kanaan, coprésidente du Synavi IdF, rejoint ce qui a été dit précédemment, en particulier concernant l’excellence. Elle insiste sur l’importance d’interpeller les élus, car, en tant que compagnie artistique, il lui arrive d’être confronté à des individus d’une ignorance incroyable.

En conclusion, Patrick Coupechoux insiste sur un paradoxe : dans notre société, tout passe par l’individu-roi, mais l’individu est totalement formaté. En terme psychiatrique, on parle de "singularité" mise en avant. Quel impact cela a-t-il sur la création ? Il remarque qu’ au moment de la chute du mur de Berlin, de l’effondrement du monde communiste, après le stalinisme, le nazisme et la shoah, "la place était libre" pour le néolibéralisme… Toutes les aspirations de 68 ont été reprises et "retournées" par le capitalisme libéral.

On annonce la pause de midi : on se regroupera ensuite dans deux ateliers, avant de se retrouver pour un bilan en séance plénière.

Ateliers et propositions d’actions Atelier 1 … auquel j’ai assisté (AK)
- Ce qui nous rassemble : culture, enseignement, recherche, santé, éducation… Face à des attaques de même nature, quelles sont les réponses communes ? Jérôme Tisserand introduit l’atelier en rappelant ce qui a été dit pendant les séances de la matinée. Il souligne que les attaques dont nous nous sentons la cible sont de plus en plus virulentes depuis 2007. Il présente Roland Gori psychanalyste, signataire de l’Appel des Appels, et lui demande d’expliquer comment il en est arrivé, avec d’autres, à la création de cet appel. Roland Gori remonte à 1964 pour la définition du néolibéralisme (Gary Becker). C’est l’époque du prix Nobel d’économie attribué à Milton Friedman, de l’école de Chicago. L’idée est que rien n’échappe à l’Economie. Même le corps humain fonctionne comme une entreprise ! "J’ai été interviewé par un journaliste américain qui ne comprenait pas qu’en France, on ne soit pas converti à cette mystique (religion)". Pour faire simple, dans tous les domaines - universitaires avec des responsabilités (CNU, CS, experts), dans les domaines de la psychiatrie et de l’éducation - "on souffre de la même chose". Il y a d’abord eu une pétition "pas de zéro de conduite" ou "la nuit sécuritaire" (contre la traque des schizophrènes) : on construit une vision sécuritaire du monde. Puis, il y a eu partout des pétitions, Sauvons la Recherche, Sauvons l’Université, Sauvons la Santé, Sauvons les RASED. Tout cela est symptôme d’un malaise social se produisant partout, malaise européen et aussi peut-être américain. On casse nos métiers au moment d’une crise économique. On est soumis à une contrainte idéologique. Il ne s’agit pas d’améliorer les performances (à l’hôpital, à l’université etc.) par le biais des évaluations, car ce qu’on a en commun, c’est que nos professions échappent à l’aspect économique. Juger, soigner, éduquer, informer… on greffe dessus des valeurs autres que celles proposées par le conseil national de la résistance (CNR). Ce que l’on tue (Hannah Arendt), c’est la culture, la pensée. On amène les gens à "avoir le nez sur le guidon", à être fragmentés. L’Appel des Appels regroupe des gens de toutes les générations , de 80 (anciens résistants) à 20 ans, en passant par les 60 et 40 ans. Nous pensons que chaque choix est politique : on ne soigne pas, on n’éduque pas (etc.) de la même façon dans des systèmes politiques différents. On a sorti un livre de témoignages, on a rencontré des syndicalistes, etc. Un dialogue s’instaure avec la salle. Il en ressort qu’il faut dé-construire le discours néolibéral. Nous nous sommes rassemblés par l’internet, explique R. Gori. Au début nous étions 200, maintenant nous sommes 83 000. La question se pose : où se mouvement ira-t-il ? On organise des journées pour définir ce que nous avons en commun, en quoi nos professions échappent à l’aspect économique. Dans le cas de la coordination des intermittents et précaires, on a vécu le fait d’être des gêneurs et des questionneurs. L’action provoque des débats dans divers lieux, dans la rue par exemple…. R. Gori : ce que je dis n’engage que moi. Il faut avoir des actes qui refusent de transformer l’homme en instrument. Par exemple, je refuse les expertises de l’AERES. Je me méfie de toute dévalorisation de la parole (vous passez beaucoup de temps à parler et à réfléchir). Les chiffres ne sont pas ventriloques : ils ne parlent pas. Je suis contre la culture du court terme. Ce qui est important , c’est de changer le rapport avec nous-même et avec le monde. Le système politique ne tient pas parce qu’il a une légitimité (voir Gramsci et l’hégémonie de la pensée). Depuis une trentaine d’années, la destruction est en cours. Question dans la salle : "comment attaquer "un machin" dont on fait partie ? On risque de se faire mal ! Intervention de Didier Chatenay, physicien, SLR : le mouvement sauvons La recherche est né en 2003/04 parce que les mandarins ont menacé de démissionner des responsabilités administratives. Cela a eu des effets importants. Dans le cas de l’occupation du CNRS (2009), tout le monde était impliqué, pas uniquement les directeurs. Je n’aime pas le distinguo subtil entre ces deux types d’action. Il faut faire les deux. Dans le cas de la Santé, il faut les actions des mandarins (avec André Grimaldi) mais aussi les manifestations des infirmières. Il n’y a pas des actions plus légitimes que les autres. Il y a d’autres nombreuses interventions dans la salle, mentionnant en particulier la nouvelle génération précaire, ceux qui se battent pour obtenir un poste, mais qui arrêtent le combat dès qu’ils l’ont obtenu. Il est mentionné que face à la casse du service public, il faut faire la jonction avec ceux qui souffrent au travail, par des manifestations et des mouvements collectifs. On avait autrefois l’idée (l’illusion ?) que l’on pouvait faire quelque chose. Maintenant, la question se pose de ce qui va faire bouger les gens. On est face à un brouillard idéologique, conséquence de manipulations virtuoses des experts en communication qui nous gouvernent. Jacques Pornon souligne que l’on n’a jamais été aussi libre dans l’organisation de son travail, avec des objectifs inatteignables, ce qui engendre la souffrance au travail. C’est une mécanique à révéler Tout est à ré-inventer pour définir des alternatives possibles. Plusieurs intervenants soulignent la grande fatigue des militants syndicalistes ou membres de collectifs, qui sont toujours les même à mener bataille. D’ailleurs, dans de nombreux cadres de travail , les syndicats sont diabolisés. La mobilisation peut mener à se précariser, d’où l’importance d’avoir une protection sociale. Il est alors temps de faire une pause, avant de tenter d’établir des pistes d’action. Voici quelques phrases relevées en vrac après la pause. Il semble y avoir une prise de conscience plus élargie du système d’asservissement accompagnant les pressions économiques. Avant la venue de Sarkozy au pouvoir, on en restait à la lutte contre la droite. Il semble que l’on ait atteint le point le plus bas, celui qui consiste à avoir « intégré l’ennemi en soi » : avec l’individualisation, on est devenu son propre patron, ce qui est suicidaire. Il faut alerter largement de ce danger, par exemple le public que l’on côtoie. Mais comment aller au delà des discours ? Malheureusement , la convergence des luttes n’a rien d’évident ! Clairement, ces dernières années, il y a eu des défaites, mais aussi des victoires dans nos luttes (CPE, anesthésistes …). Les initiatives foisonnent, mais quelque chose bloque ; on est loin du déclic. Une question : est-ce que la voie s’ouvrira par la pédagogie ou par le rêve ? Le système redistributif a été ébranlé. Le libéralisme porte un rêve de liberté individuelle. Il faut avoir le projet d’un autre rêve. Il faut être capable de réagir. Ce que l’on subit actuellement est très violent. Il ne faut pas seulement prendre des coups, mais aussi en donner. Ainsi, l’action des infirmières qui ont arrêté les trains à Montparnasse est exemplaire. Oui, le capitalisme s’est nourri d’un rêve, mais il est devenu un cauchemar. Ainsi, en devenant auto-entrepreneur, il n’y a plus de séparation entre de vie privée et vie publique. Il faut dénoncer ce cauchemar. La situation de l’intermittence, c’est le rêve du patronat ; c’est ce qui attend tous nos métiers. Attention à l’intériorisation des normes. Chez l’individu c’est une aliénation de la servitude. On a changé de civilisation. En 1968, dans la rue , on voulait du rêve. Aujourd’hui, un français sur deux craint de se retrouver au chômage ; 78% pensent que l’avenir de leur enfant sera pire que le leur. C’est la fin de la confiance en l’avenir. Penser, c’est aussi mettre en panne le système. Penser évite la réification. Ce qui nous est proposé concernant la réforme sociale, est un modèle social où l’on est considéré comme un ensemble d’actes techniques à réaliser…. (noté d’après les paroles de R. Gori) Ce serait bien d’avoir une ligne à suivre. Tout le monde semble fasciné par l’appel du CNR. Si l’ on est d’accord avec cet appel, on devrait le reprendre et l’actualiser pour faire une plateforme qui fasse l’unanimité. « jouons les Nicolas Hulot pour 2012, faisons un appel à faire signer pour 2012 ! » . Et rêvons : un représentant du cracc comme candidat en 2012. (noté d’après les paroles de D. Chatenay) Pour nos actions, il faut fonctionner sur 2 jambes : une syndicale, une politique. Il faudrait faire quelque chose sur la notion d’évaluation. Alors que nous sommes face à un état qui vend des fenêtres publicitaires, il faut renouer avec les valeurs de générosité et de partage.

Les pétitions, l’Appel des Appels, c’est bien de les signer, mais ensuite ? On est face à une violence incroyable, mais penser, on ne nous l’enlèvera jamais ! Il faut dépasser les limites du politiquement correct. Intervention d’une élue du Val de Marne : Il ne faut pas séparer les milieux intellectuels et populaires. Les milieux populaires ont la capacité de s’approprier les grandes idées. Face à un rouleau compresseur, comme on ne l’a jamais connu, les français bougent , votent, et… on obtient des « petits quelque chose ». On l’a vu pour les élections régionales. Ce qui est extrêmement violent, c’est que ces résultats ne changent rien aux mesures politiques. Oui, il faut reprendre l’idée du CNR « les jours heureux » qui donnait l’idée d’un progrès partagé.Mais actuellement tout est tellement difficile au niveau territorial et régional. On se bat pour obtenir nos financements, d’autant plus depuis la suppression de la taxe professionnelle. Quelqu’un d’autre parle de « l’esthétique du sabotage ». L’idée est de mettre en panne le système. Si on reprend l’idée d’un manifeste du CNR, peut-être faudrait-il changer de nom. Par exemple CNR = Combat de la Nouvelle Résistance. La parcellisation de nos métiers : cela est fait exprès, cela nous divise ! Quelqu’un dit qu’il a 17 employeurs !! Une fois de plus, il est important de défendre la pensée, la parole. Certains mots disparaissent du dictionnaire, comme patron, salarié..

Bilan de cet atelier (J. Tisserand) :
-  Il y a une prise de conscience accrue depuis 2007 du système managérial et neo libéral qui nous est imposé.
-  l’intériorisation des pressions mènent au suicide
-  Une forme de désobéissance s’impose, le refus de l’évaluation par exemple.
-  Il faut défendre la liberté de penser et se ré approprier les mots.
-  Importante des solidarités, exprimées aujourd’hui par les divers domaines représentés La réunion plénière. Roland Gori introduit la séance en présentant l’Appel des Appels. Il souligne que nous sommes dans un société qui numérise l’humain, aspect qui rend tragique notre existence. Nous observons les symptômes d’une maladie de civilisation, provenant de l’obligation d’intérioriser le capitalisme et ses pratiques d’usurier, avec la casse de nos métiers, accompagnée d’une pratique d’évaluation généralisée. Le concept d’évaluation a été dénaturé dans les années 80. Quelques exemples : la tarification à l’hôpital, l’audimat, l’évaluation scolaire. On en arrive à une servitude volontaire par intériorisation. En commun, nous avons le chagrin et la colère.

J. Tisserand présente un bilan de l’atelier #1 (voir ci-dessus) Rémy Bovis présente un bilan de l’atelier #2. Trois points ont été abordés : a) Analyse politique sur la réforme des collectivités territoriales, avec Marie Blandin… .A l’horizon 2015 « ce qui était un droit deviendra une autorisation venue d’en haut . C’est une atteinte à la démocratie. » b) Mises en perspective et agenda : à la base, il faut un processus de co-élaboration de politique publique et culturelle, reposant sur 3 piliers. 1. La culture au sens large (charte de l’UNESCO). 2. La transversalité et la diversité culturelle. 3. La démocratie : ne pas laisser disparaître ce qu’on a construit en 40 ans. c) Avec Emmanuel Wallon, a été discuté le fait que la démocratie nécessite de poser les questions autrement, d’envisager des modalités d’action, par exemple d’avoir des projets de loi d’orientation. Mais est-ce bien le moment ?

Conclusions Aujourd’hui nous avons tenu une première « conférence permanente ». Il faut continuer à progresser dans nos réflexions communes sur ce qui se passe et que nous ressentons comme d’une violence inouïe. et prévoir d’autres rendez-vous. Il faut continuer les rencontres transversales. Plusieurs propositions émergent, reprenant celles évoquées plus haut. Plus particulièrement, il est proposé de faire une lettre aux élus de gauche comme de droite. Dans la rubrique « solidarité » soutenons la lutte des sans-papiers et la grève des chômeurs. Refusons les évaluations, car il faut revenir de l’individuel au collectif. Il est important de préserver les formes de la pensée. En référence au manifeste du CNR, il faut reprendre l’écriture du « manifeste » qui avait été entrepris en divers lieux le 10 Avril dernier ( http://craccidf.canalblog.com/archi... ).

J. Tisserand nous lit une citation de Hannah Arendt La culture, mot et concept est d’origine romaine. Le mot "culture" dérive de « colère » - cultiver, demeurer, prendre soin, entretenir préserver - et renvoie primitivement au commerce de l’homme avec la nature en vue de la rendre propre à l’habitation humaine. En tant que tel, il indique une attitude de tendre souci, et se tient en contraste marqué avec tous les efforts pour soumettre la nature à la domination de l’homme

Il y a, à nouveau, des interventions diverses, par exemple, pour résister aux normes européennes, normes de rentabilité. Ces normes sont insidieuses, qui traduisent par des chiffres des choses non quantifiables. La notion qu’on est un pays riche, qu’il faut y réintroduire la notion de partage est revenue plusieurs fois. Un enseignant intervient : « une forme de lutte montante, c’est la désobéissance. Moi, je suis un agent de l’Etat et j’ai désobéi publiquement… La logique : on nous dit de fabriquer la corde pour nous faire pendre . Alors, il faut dire non.. »

Rappel des autres dates de mobilisation prévues : le 17 et le 23 juin.

Jacques Pornon conclut la journée en soulignant qu’elle fut « passionnante à tous points de vue ». Il faut garder l’idée d’une loi d’orientation et programmation sur le rôle de l’Etat Républicain, garder des perspectives de luttes et de convergences.

En conclusion : on fera une nouvelle conférence en Septembre/Octobre avec l’idée d’écrire un manifeste commun entre l’Appel des Appels et le cracc. Elle pourrait se tenir le 25 Octobre à la maison des métallos.

ON CONTINUE A DISCUTER AUTOUR D’UN APÉRO Fait par Angélica Keller Juin 2010