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Budget : dans sa réponse à Terra Nova, la ministre aggrave son cas

Par Henri Audier, le 30 novembre 2010

Sarkozy a mis au centre de son bilan sa « préparation de l’avenir » au travers de la « priorité donnée à l’enseignement supérieur et la recherche » (ES-R) : 9 milliards de plus en 5 ans, autonomie des universités, « réformes », Crédit d’impôt recherche (CIR) pour développer la recherche privée, etc.

Après les doutes croissants sur l’efficacité du CIR (Rapports de la Cour des comptes, rapports de commissions de l’Assemblée et du Sénat, etc.), on comprend la hargne de Valérie Pécresse (1) dans sa réponse au rapport de Terra Nova, rapport qui démontre maintenant que les présentations budgétaires sont de pure propagande (2), ce que nous disions quant à nous depuis des années.

Au-delà de sa réponse incendiaire sur des erreurs (éventuelles ?) de détail, la ministre continue à mentir sur l’essentiel et, surtout, ne répond pas aux critiques (3-5) que nous avions formulées. Nous maintenons que les moyens attribués à l’enseignement supérieur et la recherche n’ont malheureusement pas augmenté d’un iota entre 2007 et 2011. Si Valérie Pécresse est si sûre d’elle, hé bien qu’elle accepte un débat public devant les journalistes et une commission d’enquête parlementaire sur la réalité des crédits annoncés dans chaque budget.

Pour le lecteur non convaincu de nos dires et/ou estimant « ne rien comprendre au budget », nous avons tenté, dans les annexes ci-dessous, d’illustrer de façon plus pédagogiques les tours d’illusionnistes de la ministre, et de mesurer les escroqueries intellectuelles sous-jacentes à 4 années d’annonces budgétaires sensationnelles :
- Les changements de périmètre des crédits budgétaires de la MIRES : gonflage de 1,4 milliards.
- L’intégration d’une partie du paiement de la retraite dans la MIRES : gonflage de 1,1 milliards.
- les Partenariats public-privé : gonflage de 750 millions.
- Le Plan campus : gonflage de 500 millions.
- Les suppressions de crédits budgétaires : gonflage de plus de 860 millions.

Dans un prochain article, l’auteur vous calculera ce qu’a réellement reçu depuis 2007 l’ES-R, et ce qu’il aurait dû recevoir si l’engagement d’augmenter ces secteurs de 1,8 milliard par an avait été tenu.

Annexe 1 : Les changements de périmètres pour les crédits budgétaires

Supposez que dans le prochain budget 2012, le gouvernement décide de transférer une partie du coût des classes préparatoires (disons par exemple 2 milliards) vers l’enseignement supérieur, à savoir sur le budget de la MIRES (Mission interministérielle à l’enseignement supérieur et à la recherche, qui regroupe tous les crédits budgétaires). Pourquoi pas ? Cette opération, « blanche », ne créerait aucun crédit supplémentaire ! mais elle « gonflerait » pourtant artificiellement la MIRES de 8 %.

C’est ce qu’on appelle précisément les « changements de périmètre ». C’est ce qui a été fait en 2008 en intégrant près d’un milliard de l’ANR (payée alors sur une fraction d’un impôt sur les sociétés) à la MIRES. Ces changements de périmètres, nous en avons détecté « seulement » pour 1,4 milliards entre 2007 et 2011, ce qui diminue d’autant la prétendue croissance annoncée par la ministre (4). « Seulement » disons-nous, parce que, pour contester Terra Nova qui pointe une augmentation de 22 % pour l’enseignement privé, la ministre avoue sans le vouloir : « Sur l’enseignement privé : la hausse réelle des crédits de l’enseignement supérieur privé pour 2011 est de 4 % et non de 22 %. En effet, l’essentiel de la progression est dû au transfert au ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche de crédits précédemment versés par le ministère de l’éducation nationale ».

Mais alors, mais alors, mais alors, mais alors … Voilà encore un transfert de Crédits de paiement du ministère de l’éducation nationale vers la Mission pour la recherche de l’enseignement supérieur (MIRES), qui gonfle encore artificiellement la MIRES, sans que cela ait été signalé dans la présentation budgétaire de Valérie Pécresse. Transfert que nous n’avions d’ailleurs pas repéré et pas décompté. Donc la baisse de la MIRES, pour 2010-2011 comme pour 2007-2011 (4) est plus forte que ce que nous avions calculé car nous n’avons pas pu débusquer tous ces petits « ajustements ».

Annexe 2 : Le transfert progressif du paiement des retraites vers les opérateurs de la MIRES

Dans sa réponse à Terra Nova (1), notre illusionniste annonce « 280 M€ pour un chantier de revalorisation des carrières ». Mais à l’évidence Valérie n’a pas lu Pécresse qui, dans son PowerPoint pour la presse, annonce pour 2011, 311 M€ de plus pour cette ligne budgétaire (laissons de côté la petite différence AE/CP) dont 177 millions pour payer les retraites. Non que les retraites aient été augmentées, mais parce que leur paiement est progressivement transféré du service ad’hoc de l’Etat vers la MIRES. Pourquoi pas ? Mais il s’agit là encore d’une opération « blanche » qui représente 1,1 M€ entre 2007 et 2011 (4). Cela abaisse d’autant la croissance réelle de la MIRES

Annexe 3 : La tromperie énorme sur les Partenariats public-privé (PPP)

Supposez que vous empruntiez cette année 200 000 euros, remboursables en 30 ans, pour acheter un logement, vous n’auriez pas idée, pour votre déclaration d’impôts, d’additionner votre revenu et votre emprunt. C’est pourtant ce qu’il se passe pour les PPP : l’Etat confie à Bouygues la construction d’un bâtiment, son financement, et l’Etat le rembourse pendant 20 à 30 ans suivant les PPP signés. Donc il n’y a à décompter éventuellement que le début du remboursement des dettes, à savoir pour 2011 exactement 14,33 millions d’euros d’après le jaune du budget 2011.

Bien entendu, comme le dit Pécresse, « lorsque l’Etat passe un contrat avec un partenaire privé, il s’oblige juridiquement et s’engage budgétairement. Les opérations immobilières, même lorsqu’elles sont de long terme, ont donc un impact budgétaire immédiat ». Nous allons décrypter cette phrase, où tous les mots ont été pesés pour qu’elle soit factuellement juste, mais trompeuse pour le lecteur.

Pour que l’Etat s’endette (« s’engage budgétairement »), il faut une « autorisation d’engagement » (AE) valable des années, mais il ne s’agit pas d’une dépense, d’autant que les AE non utilisées peuvent être facilement supprimées. Ainsi, en AE, la ministre à décompté pour les PPP qui sont, répétons-le des emprunts : 110 millions en 2009, 420 millions en 2010 et 230 millions en 2011 (voir le site du MESR). 760 M€ sont au total ainsi affichés comme augmentation des moyens, alors qu’ils sont évidemment factices : ils ne correspondent à « un impact budgétaire immédiat », on l’a vu, que de 14,33 millions. De plus, seule une partie infime de ces 760 M€ d’AE a été réellement concrétisée en PPP signés. C’est une falsification avec préméditation, qui vise à tromper délibérément les scientifiques, les journalistes, les parlementaires. Souvent avec succès !

Annexe 4 : l’esquive complémentaire du Plan Campus.

Si votre vieil oncle, un peu fantasque, assez autoritaire, vous dit « je t’ai ouvert, sous mon nom, un livret d’épargne, mais pour l’instant je garde l’argent et te le donnerai peut-être un jour, au moins en partie », vous pouvez difficilement le compter dans vos ressources annuelles actuelles.

C’est le principe du Plan Campus qui se base sur les intérêts des 3,7 milliards de la vente d’actions EDF + ceux de 1,3 milliards venant du Grand emprunt. Dans chaque présentation du budget à la presse, la ministre décompte des millions pour atteindre les 1,8 milliard de plus par an : 157 M€ en 2009, 164 en 2010 et 270 en 2011 (voir le site du MESR). Soit un total de 591 millions €.

Si ces sommes avaient été réellement dépensées, elles devraient apparaître comme ressources. Mais, comme l’avoue la ministre elle-même dans sa réponse sur le Plan campus, « 58 chantiers vont en effet être lancés d’ici la fin de l’année 2011 pour accélérer le début des travaux ». En termes clairs, si des constructions universitaires ont eu lieu en France jusqu’à ce jour, ce n’est éventuellement que très marginalement grâce aux intérêts du Plan Campus. Depuis 2008, des centaines d’articles de presse ont emboîté le pas aux déclaration mirifiques de la ministre sur ce fameux Plan Campus pour apprendre aujourd’hui que, d’ici la fin 2011, on va « accélérer le début de travaux ». Bilan : au moins 500 millions fictifs, pourtant annoncés dans les présentations annuelles du budget.

Annexe 4 : les suppressions de crédits prévues dès l’annonce du budget

Pourtant prolixe en communiqués de victoire, la ministre ne parle jamais des suppressions de crédits. Ce n’est pourtant pas rien : un total de 860 millions depuis 2007, en attendant les lois rectificatives de 2010 et 2011. Mais le pire est le manque de sincérité : dès le vote du budget, le gouvernement met « des crédits en réserve » qui sont à 90 % supprimés en fin d’année. A propos des toutes dernières coupes de 92 millions sur la recherche, l’AEF (le 25 novembre) indique, « le gouvernement précise que les annulations de crédits proposées portent principalement sur des crédits devenus sans objet. Il s’agit principalement des crédits mis en réserve en début de gestion ». Donc, nouvel artifice : on gonfle de quelque pourcents le budget, qu’on supprime ensuite en toute discrétion.

Annexe 5 : « L’efficacité reconnue du crédit d’impôt »

« Un crédit impôt recherche exclu par principe [par Terra Nova] alors même que son efficacité est reconnue ». Efficacité reconnue, à l’exception de la Cour des comptes, du rapport de la commission de l’Assemblée nationale, de celui du Sénat, de la commission des finances de l’Assemblée unanime, de tous les syndicats de la recherche, du syndicat unifié des impôts, qui proposent tous des réformes en profondeur du CIR. Pour le reste de la réponse de Pécresse à Terra Nova, il faut prendre le temps de la comparer au texte de Terra Nova pour mesurer l’ampleur de la malhonnêteté intellectuelle de cette réponse.

Annexe 6 : Le Grand emprunt : un effet destructeur, des crédits à la Saint-Glinglin

Nous ne reviendrons pas ici sur l’effet dévastateur du Grand emprunt sur les structures de la recherche et de l’enseignement. Concernant le financement, nous avons aussi montré que les 3,6 milliards annoncés par la ministre pour 2011 relèvent d’un triste bluff, car tout au plus, c’est 1,5 qui est « mis à la disposition » de l’ES-R par le Grand emprunt (3). Mais le risque est fort qu’il en aille comme du Plan Campus : vu le calendrier récemment annoncé, il est peu probable qu’une partie significative de ce milliard et demi soit utilisé en 2011.

(1) http://sciences.blogs.liberation.fr...

(2) http://sciences.blogs.liberation.fr...

(3) http://www.sncs.fr/article.php3?id_...

(4) L’illusion par excellence : entre 2007 et 2011, la croissance budgétaire réelle a été négative

(5) Après le rapport de « Terra Nova », personne n’aura le droit d’affirmer que le financement de l’ES-R a augmenté d’un seul kopek depuis 2007