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Lionel Collet, directeur de cabinet de Geneviève Fioraso

Par Didier Chatenay, le 19 mai 2012

Nous avons donc une nouvelle Ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche (Geneviève FIORASO) dont la nomination n’a été assortie d’aucune déclaration sur ses projets et sur la politique qu’elle entend mener en dehors de sa volonté de restaurer dialogue et confiance. Il n’a échappé à personne que sa trajectoire démontre tout l’intérêt qu’elle porte à l’innovation : espérons qu’elle ne la conçoit pas à la manière du défunt gouvernement, et qu’elle n’en fera pas l’unique objectif de l’enseignement supérieur et de la recherche. On peut donc d’ores et déjà s’attendre à ce que la communauté de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (ESR) soit extrêmement attentive à ses premières déclarations et décisions.

Dans un tel contexte on ne peut qu’exprimer une circonspection certaine lorsque nous apprenons que son Directeur de Cabinet sera Lionel COLLET ! Lionel Collet dites vous ? Le Collet de la CPU des années 2009-2010 ? Et oui c’est bien de lui qu’il s’agit et nul doute que nombreux seront celles et ceux qui ont gardé de ce personnage un souvenir disons pour le moins partagé ! Au passage rappelons qu’il a participé aux travaux de réflexion du groupe de Vincent Peillon sur l’Education. Déjà à ce sujet Anne Fraisse avait exprimé son étonnement dans sa lettre adressée à François Hollande : On peut s’étonner quand un candidat socialiste recrute ses conseillers parmi ceux qui ont aidé à mettre en place la LRU, ceux qui « dialoguent » aimablement avec Mme Pécresse sur l’avenir de la recherche en France et ont eu la naïveté de croire au marketing de « l’excellence » et de « l’autonomie ».

Que dire alors de cette nomination de Lionel Collet à la tête du cabinet de Geneviève FIORASO ?

Comme toujours dans une telle situation il est bon de se référer à quelques unes des interventions publiques de ce responsable engagé.

Ainsi le 29 mars 2010, interrogé au sujet du bilan de la loi LRU, il déclarait dans une interview au journal Libération  :

  • D’abord, cela ne peut concerner que les dix-huit premières universités devenues autonomes au 1er janvier 2009 pour lesquelles on a du recul. Il était indispensable que l’on devienne responsable en matière de budget et de ressources humaines. Nous pouvons ainsi élaborer et appliquer notre politique. Nous allons suivre les carrières des personnels, mettre en place une revalorisation. La LRU nous donne aussi de la souplesse dans le recrutement. On établit plus rapidement le profil des postes à pourvoir, les affichages sont plus brefs, sans nécessité de repasser par le ministère. Tout cela est extrêmement positif. Nos établissements sont responsabilisés. Plus il y a d’autonomie, plus on voit une dynamique s’enclencher, notamment vers l’international.

Et dans la même interview à la question “Sentez-vous encore beaucoup d’hostilité ?” il répondait :

  • Il y a toujours des personnes opposées à toute réforme, qui craignent un désengagement de l’Etat. Mais nous sommes aujourd’hui cinquante et une universités autonomes, y compris avec des présidents qui n’y étaient pas favorables au départ. La réforme du statut des enseignants-chercheurs avait suscité une large hostilité, la grande crainte étant que l’on allait alourdir la charge de travail. Or cela s’est révélé sans fondement.

Circulez il n’y a plus rien à voir ! Ce qui contraste avec une déclaration précédente effectuée lors de la consultation PS-PC-Verts sur l’ESR en 2009 :

  • Interrogé sur son sentiment concernant la loi LRU de l’été 2007, Lionel COLLET estime que le noyau dur de cette loi, fondée sur la déconcentration de la gestion des universités, doit être préservé. En revanche, il se dit ouvert à de profondes évolutions du modèle de gouvernance des établissements qui, selon lui, n’est pas satisfaisant. En tous les cas, il se déclare prêt à des évolutions de la loi LRU dans ce domaine particulier, proposant par exemple que chaque président d’université ne soit en charge que de l’administration de celle-ci.

Concernant le statut des enseignants-chercheurs, là-encore on le retrouve à la manœuvre à l’occasion d’une interview donnée à Educpros en mars 2009 lorsqu’à la question “La réforme du statut des enseignants-chercheurs peut-elle être encore « sauvée » ?” il répond :

  • Elle doit l’être. On ne peut pas ne pas modifier le décret de 1984. Nous en avons besoin pour mettre en place la modulation des services de façon satisfaisante. La modulation se faisait déjà mais pas toujours dans la légalité. Elle doit désormais être encadrée selon des modalités acceptées par la communauté universitaire. Il s’agit donc de nous mettre en conformité avec des pratiques existantes. L’évaluation en elle-même ne pose pas de problème aux enseignants-chercheurs. Ce sont les modalités de sa mise en place qui suscitent les inquiétudes et notamment l’articulation entre le rôle du CNU et l’intervention au niveau local. Il faut que le décret sur le CNU sorte vite.

Balayées en quelques lignes les questions concernant la modulation des services et les processus d’évaluation des enseignants-chercheurs ! Non sans se lamenter dans la même interview du rôle de boucs émissaires joués par les présidents d’universités !

Ceci étant dit quand il s’agit de modulation, Lionel Collet n’y est pas toujours favorable ; surtout quand cette modulation concerne le montant de la prime généreusement attribuée par Valérie Pécresse aux présidents d’universités ! Ainsi il déclare dans Libération du 25 juin 2010 :

  • Nous sommes hostiles à cette part modulable, explique Lionel Collet, président de la CPU (conférence des présidents d’université), nous ne sommes pas des recteurs nommés par le ministère. Nous sommes élus par le conseil d’administration de l’université. Nous demandons donc au ministère de trouver une autre solution, par exemple que cette part soit incluse dans la prime fixe.

Et concernant l’évaluation encore, comment ne pas se réjouir à la lecture d’un article, publié en mars 2010 sur le site de la CPU, intitulé ‘La culture qualité s’enracine’ :

  • En préalable au lancement de la campagne des évaluations de la vague B, l’AERES a animé une série de réunions visant à dresser un bilan de l’existant en termes d’implantation de la démarche qualité dans les établissements, dans un contexte où les engagements européens pris dans le cadre du Processus de Bologne notamment à travers les ESG (European Standards and Guidelines)1 et les responsabilités et compétences élargies conférées par la loi LRU aux universités, imposent la qualité comme un mode de management stratégique répondant aux exigences accrues de transparence et d’efficacité.

Associée à cette opération, la CPU a participé en tant qu’observateur aux rencontres qui se sont déroulées successivement à Clermont-Ferrand le 11 janvier, à Aix en Provence le 18 janvier, à Poitiers le 26 janvier et à Rennes le 10 février. Les travaux de la dernière réunion qui s’est tenue à Paris le 24 février dans les locaux de la CPU, ont été ouverts conjointement par Lionel Collet et Jean-François Dhainaut, symbole de la volonté commune des deux institutions de travailler dans le cadre d’un partenariat actif pour le plus grand bénéfice des établissements.

Mais bien sûr ce grand visionnaire n’a pas manqué d’apporter son commentaire au sujet du Grand Emprunt et des investissements d’avenir au sujet desquels il déclarait en mai 2010, à l’occasion d’une interview à La lettre de l’Education :

  • Les règles du jeu du grand emprunt se précisent en effet. Sur le fond, la CPU est extrêmement favorable à cet important effort financier sur l’enseignement supérieur et la recherche. Le 1er avril, la ministre nous a rassurés sur la gouvernance des universités. Non seulement, l’Etat n’exigera pas que tous les établissements ou regroupements d’établissements optent pour une gouvernance unique, mais le gouvernement a rappelé que tout projet présenté aux différents appels d’offres [laboratoire d’excellence, institut de recherche technologique, institut hospitalo-universitaire, etc.], doit s’inscrire dans une politique de site. L’enjeu est désormais d’internationaliser nos universités, et non un seul chercheur ou un seul laboratoire. Cela dit, il reste une interrogation concernant la définition des différents cahiers des charges pour les appels d’offre annoncés. Nous attendons toujours d’être associés à leur définition. Le ministère nous l’avait promis, mais pour l’instant nous ne voyons rien venir. Dans le cadre de l’initiative d’excellence allemande, notre homologue, la HRK, avait été associée, c’est également notre souhait.

Là on sent réellement le fin politique avisé capable d’anticiper la pensée pécressienne, mais au moins cela laisse quelque espoir pour une éventuelle révision de la politique de fusion menée au pas de charge dans les derniers mois de l’agonisant précédent gouvernement. Il sera peut-être utile de lui rappeler les termes de cette intervention !

Dans la perspective quelque peu prévisible de discussions avec le Ministère, une autre dimension du personnage doit dès maintenant nous intéresser, celle de fin analyste des mouvements sociaux et des relations avec les syndicats ! Ainsi lors d’une interview accordée à Libération le 6 avril 2009, il déclarait :

  • Il y a eu suffisamment d’avancées pour considérer qu’il est temps de reprendre les cours, après dix semaines de protestation contre les réformes de l’enseignement supérieur.

Et aussi :

  • La non-suppression d’emplois, la réécriture du décret sur les enseignants-chercheurs, le report d’un an de la réforme sur la formation des maîtres : tout n’a pas été obtenu, mais beaucoup.

Pour conclure par un tonitruant :

  • Il y a ceux (le gouvernement, NDLR) qui donnent et ne veulent pas dire qu’ils donnent, et ceux (les syndicats, NDLR) qui reçoivent, et ne veulent pas reconnaître qu’ils ont obtenu des choses.

On pourrait probablement multiplier à l’envie le passage en revue des diverses interventions de Monsieur le Nouveau Directeur de Cabinet, mais outre que le temps manque, il n’y aurait que peu de surprises à en attendre. Encore que … en cherchant bien on finit quand même par tomber sur une perle issue d’un compte rendu d’une conférence donnée à la Chambre de Commerce et d’Industrie de Lyon en mars 2010 :

  • Le président COLLET commence son intervention en expliquant son attachement à l a relation université-entreprise et en signalant toutes les coopérations existantes entre l’Université Lyon 1 et les entreprises, par exemple dans le cadre de licences professionnelles. Il mentionne une anecdote lors de son interview récente par le journal Le Monde, où le journaliste lui a posé la question taboue « Est-ce que l’Université est une entreprise ? » : Cette question ne se serait même pas posée si on avait développé plus tôt les relations entre ces deux mondes et si on n’avait pas laissé se développer des préjugés de part et d’autre : du côté de l’Université, il ne faudrait pas avoir de gouvernance managériale ni rechercher le profit. Du côté des entreprises, un cliché serait que l’Université est uniquement centrée sur la recherche fondamentale et qu’elle n’est pas prête à l’économie de marché.