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Défendre la recherche fondamentale pour ce qu’elle est.

Par Dezellus, le 17 février 2004

Dans une récente contribution, Alain Guénoche disait que "Nous entendons souvent des raisons utilitaires ou économiques pour justifier la nécessité de la recherche - la recherche c’est ce qui produit les médicaments de demain (la presse bien disposée), la recherche c’est ce qui donne le meilleur retour sur investissement (Stieglitz, ex-directeur de la banque mondiale)" et que selon lui "ce sont des arguments très XXI-ème siècle qui ne sont pas [...] ceux qui justifient, en premier lieu, les organismes et les dépenses de recherche".

A l’heure où chacun de nous se mobilise pour faire signer la pétition citoyenne et discute avec son entourage pour mieux faire comprendre le mouvement "Sauvons la Recherche" il n’est pas inutile de s’arrêter un instant sur les arguments que nous utilisons. Il est effectivement remarquable et primordial de constater que notre discours a une tendance naturelle à rentrer dans le jeu de l’utilitarisme. Avec la meilleure des intentions nous cherchons tous à démontrer l’importance de la recherche fondamentale en insistant sur ses applications potentielles et les exemples cités et repris dans la presse sont bien évidemment de façon majoritaire la biologie (applications santé) et les nouvelles technologies de l’information (applications téléphone, internet...). Il faut être prudent car ces arguments sont susceptibles d’être repris par ceux qui veulent "Sauver la recherche" en finançant prioritairement, voire même exclusivement, les domaines à retombées potentielles fortes ; ce qui permettrait, à budget constant de mieux répartir les financements... Je ne pense pas que ce soit là ce que veulent la majeure partie d’entre nous mais il n’est pas impossible qu’en temps voulu, ce type de mesures ne conduisent à un émiettement du mouvement, certains étant fortement tentés de répondre favorablement à des mesures assurant la survie de leur activité. Alors attention à ne pas travestir nos idées dans le simple objectif de les rendre compréhensibles par tous, cela pourrait un jour ou l’autre se retourner contre nous !

Si l’on veut défendre la recherche fondamentale alors il ne faut pas avoir honte de la défendre pour ce qu’elle est, c’est à dire l’acquisition désintéressée de la connaissance au service du plus grand nombre ! Elle recouvre inévitablement tous les champs de la connaissance, de la biologie à l’informatique mais sans oublier l’astrophysique, la sociologie, la chimie, l’archéologie, la physique, l’ethnologie et les mathématiques. Il ne faut pas craindre de dire que la quête du savoir est l’une des principales caractéristiques de l’homme et que ce qui nous distingue de l’animal c’est peut être aussi cette capacité à avoir une activité créatrice dénuée de tout implication directe dans le quotidien. Chercher à comprendre pour comprendre, n’est ce pas là une activité tout à fait noble à défendre ? En tout cas c’est le seul argument qui permette d’assurer un financement de base raisonnable pour tous sur le long terme.

Si l’on veut tout de même montrer en quoi la recherche fondamentale est utile alors il faut faire l’effort d’expliquer la différence entre science et technologie. Lorsque l’on parle d’application on bascule inévitablement de la science vers la technologie. Cette dernière est louable mais elle ne peut voir le jour que sur la base de la convergence de disciplines scientifiques différentes qui apportent chacune leur pierre à l’édifice. Pour qu’une technologie émerge il faut que toutes les pierres soient disponibles en même temps et qu’un ingénieur (ou chercheur) ait l’idée de les assembler. Une donnée scientifique de base peut servir à un nombre incalculable de technologies applicatives mais l’inverse n’est pas vrai. La multiplication et la diversification des données scientifiques est indispensable pour assurer l’émergence de technologies nouvelles : à la manière d’un jeu de lego, plus on a de briques de bases (inutiles et non porteuses de sens prises à l’unité) plus on est capable de construire des objets différents et complexes. Enfin, à l’heure où notre monde évolue de façon de plus en plus rapide et où les inégalités se creusent à tous les endroits du globe, il est indispensable que les sciences humaines et sociales, seules à même de nous aider à comprendre nos sociétés et leurs évolutions, soient soutenues et financées afin d’assurer l’indépendance qui est nécessaire à la réalisation d’un travail rigoureux.

Alors soyons vigilant, surveillons nos argumentaires et faisons l’effort de défendre la recherche fondamentale sous toutes ses facettes sans céder aux sirènes de l’utilitarisme, défendons une recherche libre et indépendante pour le bien être de tous.