Appel pour une plénière ouverte du Comité National d’ici la mi-juin
le 3 avril 2014
Nous avons reçu de Alain Trautmann la lettre suivante :
A la mi-mars 2014, en rendant publics deux documents sur la situation actuelle de la recherche en France et son évolution prévisible, documents accessibles sur le site du CNRS (ici et là ), le CS du CNRS a "lancé la bataille pour l’emploi".
On peut craindre que ce qui attend la recherche en France soit encore pire que ce qu’indiquent les chiffres donnés dans ces documents. En effet, d’ici 2017, le gouvernement prévoit 50 milliards d’économies budgétaires qui s’ajoutent aux 15 milliards déjà décidés pour 2014.
L’enseignement supérieur et la recherche seront durement touchés. Pour le CNRS, la masse salariale est constante depuis 4 ans. Or le financement des emplois au CNRS est soumis comme partout ailleurs au GVT (Glissement, Vieillesse, Technicité), autrement dit, à l’augmentation du coût des salaires liée au vieillissement et aux promotions des agents en poste. Les recrutements des dernières années masquent en fait d’importantes suppressions de postes : 740 postes en CDD sur subvention d’Etat, et 102 postes de fonctionnaires dues au fait que seuls les départs en retraites sont remplacés tandis que les autres sorties de l’organisme (départs vers d’autres corps ou fonctions, invalidités, décès…) ne le sont pas. Le CNRS n’a plus les moyens de jouer sur la réduction des CDD. De plus, comme l’indique le document du CS, la baisse des départs en retraite est rapide : 760 départs à la retraite en 2012 et 416 en 2017. Les recrutements au CNRS, qui ne dépendent aujourd’hui que des départs à la retraite, devraient donc s’effondrer. L’obligation de garder constante la masse salariale pourrait même empêcher que ces maigres départs à la retraite soient tous remplacés. Si le CNRS n’a plus d’autre solution que de réduire drastiquement tout type de recrutements, cela entrainera aussi mécaniquement la chute des promotions pour les ITA puisque celles ci sont indexées sur les recrutements.
Ce qui est vrai pour le CNRS l’est tout autant pour les autres structures de l’ESR (Enseignement supérieur et Recherche). Au CEA, la prévision est de réduire les effectifs de 10% d’ici 2017. A l’IRD, en 2014, il n’y aura aucun recrutement d’ITA (seulement 8 de chercheurs). Et zéro recrutement à l’IRSTEA. Dans les universités, on prévoit 30% de baisse des départs à la retraite entre 2012 et 2017 (voir le document du CS). Un nombre croissant d’universités est en déficit, ce qui interdit de créer les 1000 postes par an que le gouvernement a annoncés, qu’elles seraient autorisées à ouvrir si elles en avaient les moyens. La France est en train de prendre la voie de la Grèce, de l’Espagne et de l’Italie, 3 pays qui ont déjà opéré des coupes claires dans leurs budgets de l’ESR. Le CNR italien, homologue du CNRS, vient d’avoir une 2e "année blanche", avec zéro recrutement, provoquant un exode important des jeunes scientifiques italiens. Il est plus rapide de détruire que de construire. La recherche italienne risque de ne pas s’en relever avant longtemps. Est-ce la même politique que nous voulons dans notre pays ?
Le choix entre cette austérité destructrice et un plan pluriannuel pour l’ESR sera fait dans les semaines qui viennent.
Dans très peu de temps, le gouvernement va annoncer comment il compte répartir les 50 milliards annoncés d’économies sur les dépenses publiques. La date d’envoi des lettres de cadrage budgétaire fait que les choix budgétaires 2015 seront arbitrés avant juillet 2014. En outre, l’existence d’un "budget triennal glissant" signifie que les décisions prises alors le seront pour les trois années futures.
Il faut agir maintenant : créer un événement qui soit l’occasion d’ouvrir publiquement un débat sur l’emploi scientifique. La convocation d’une réunion plénière extraordinaire, à la demande du Comité national de la recherche scientifique, est un événement qui n’a eu lieu que 3 fois depuis la Libération. A cette réunion doivent pouvoir s’exprimer des représentants des autres organismes de recherche et des universitaires. Le Comité National, qui comprend des membres de toutes les catégories de personnel de la recherche, et notamment de nombreux universitaires, agirait ainsi non pas dans l’intérêt exclusif du CNRS, mais comme rassembleur de ceux qui veulent défendre et promouvoir l’ESR. Cet événement pourrait être l’occasion de discussions aussi bien avant qu’après la réunion du Comité National, qui permettront d’élaborer collectivement des contre-propositions aux choix budgétaires de l’austérité.
Etant donné la gravité de la situation, et les échéances auxquelles des décisions d’une très grande importance vont être prises, la seule façon de peser sur les évènements au lieu de les subir, est de faire en sorte que la réunion extraordinaire du Comité National soit convoquée avant la mi-juin. Tout retard supplémentaire, quel qu’en soit le prétexte, aboutirait à empêcher que la communauté scientifique et universitaire puisse peser sur des choix qui la concernent pour les années à venir.
Que celles et ceux qui seront amenés à donner leur avis sur cette question en débattent très rapidement et se prononcent en leur âme et conscience.
Document disponible en pièce jointe ici