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Recherche publique : les chercheurs tentent de mobiliser l’opinion sur la baisse des crédits

le 9 avril 2003

Une dépêche L’AEF reproduite avec son aimable autorisation. L’AEF est une agence de presse indépendante qui compte 20 journalistes spécialisés permanents et à laquelle sont abonnés de nombreux établissements d’enseignement supérieur, ministères, organismes, entreprises, médias ? www.L-aef.com

"Cesser d’arroser une plante la transforme en moignon et se remettre à l’arroser plus tard ne la fera pas repousser pour autant". C’est par une métaphore végétale que le président de la section 7 (sciences et technologies de l’information) du CoNRS (Comité national de la recherche scientifique), Michel Weinfeld, veut dénoncer les "coups d’accordéon" que donne le gouvernement dans les dépenses de recherche, au cours d’une conférence de presse "exceptionnelle" conduite par Jean Paihlous, président du comité national, aujourd’hui mardi 8 avril 2003. Jean Paihlous déplore, lui, un "coup d’arrêt sans précédent" à l’effort de recherche et affirme, comme président d’une instance d’évaluation ayant compétence sur l’ensemble des champs disciplinaires couverts par le CNRS (Centre national de la recherche scientifique), avoir pu "mesurer concrètement les conséquences des mesures prises par le gouvernement sur la vie de l’ensemble des laboratoires [du CNRS]". Ces conséquences qui se traduisent par une baisse des crédits de recherche (hors salaires) de plusieurs dizaines de points de pourcentage "sont peu visibles pour le public mais [elles constituent] une bombe à retardement".

L’effort de mobilisation du comité national dont les 47 sections se réuniront le 30 juin prochain en session plénière (L’AEF du 27/03/03, 32870) coïncide avec d’autres initiatives. Alain Trautmann, directeur de recherches au CNRS, fait actuellement circuler un texte adopté en assemblée générale par le personnel des laboratoires de recherche de l’Institut Cochin, vendredi 4 avril dernier, et qui proclame "la mort annoncée de la recherche publique de notre pays". Les récentes restrictions budgétaires appliquées à la recherche viennent s’ajouter à la "réduction systématique, inexorable, du nombre d’ITA (ingénieurs, techniciens, administratifs) compromettant très sérieusement le fonctionnement des équipes et des instituts", estiment les personnels de recherche de l’Institut. Ils comptent enterrer "symboliquement" la recherche devant le Panthéon à 16 heures le 10 avril prochain.

Le même jour, une intersyndicale de chercheurs (CFTC, SGEN-CFDT, SNIRS-CGC, SNCS-FSU, SNTRS-CGT) appelle à un rassemblement à 14 heures devant le siège de l’INSERM (Institut national de la santé et de la recherche médicale) à Paris au moment où le conseil d’administration de l’organisme doit se réunir. Les manifestants doivent remettre à cette occasion aux membres du conseil une pétition qui s’alarme d’une "amputation des crédits de l’INSERM sans précédent" représentant, selon eux, une baisse de 30% de ses crédits. Des rassemblements sont également prévus à 10 heures devant les administrations déléguées régionales de cet organisme. Le président du Comité national, Jean Pailhous, indique d’ailleurs qu’il espère pouvoir "associer les autres instances d’évaluation des organismes de recherche" à la séance du 30 juin afin de lancer "un message" à tout le pays.

RECHERCHE ET PRODUCTIVITÉ

"Je crois que pour la première fois depuis la première guerre mondiale, le nombre de recrutements de chercheurs diminue dans notre pays", note-t-il. Or "les problèmes de productivité dans la recherche ne se posent pas dans les mêmes termes que dans d’autres secteurs : on ne peut pas faire mieux avec moins de monde, contrairement à d’autres domaines. C’est matériellement impossible", estime Michel Weinfeld, soulignant que les progrès de la recherche s’accompagnent inévitablement de recrutements supplémentaires : "Nous ne voulons pas donner à la recherche la place qu’elle mérite mais seulement celle qu’il lui est nécessaire pour se maintenir." "Quel que soit le système (Japon, États-Unis, Allemagne...) vous pouvez connaître la place d’un pays dans la recherche à l’effort financier qu’il lui consacre", observe pour sa part Jean Pailhous.

Dans d’autres pays européens, la recherche a également traversé des crises de financement, comme le Royaume-Uni à la fin des années 1980. Jean-Luc Sauvageot, président de la section 1 (mathématiques et outils de modélisation) du CoNRS, estime que dans son domaine, ce pays en paie encore les conséquences en envoyant ses chercheurs mathématiciens aux États-Unis ou en France. En biologie végétale, les effets ont été similaires, estime également Francis-André Wolmann, président de la section 27 (biologie végétale), même s’il reconnaît que le Royaume-Uni tient aujourd’hui la vedette dans plusieurs grands domaines scientifiques. Selon lui, le système français de recherche avec des personnels fonctionnaires donne aux chercheurs une "liberté intellectuelle et des possibilités de prises de risque" que les voisins européens chercheraient maintenant à retrouver.

TOUS LES DOMAINES SONT AFFECTÉS

Les chercheurs soulignent surtout les effets des baisses de crédits : elles affectent directement le contenu des travaux pour les sciences humaines où les budgets sont plus petits et où l’on ne finance pas d’équipements lourds ; elles minent les programmes futurs ou en cours pour les sciences dites "dures" où les crédits d’infrastructures, permettant de payer et d’entretenir les équipements scientifiques et les locaux, sont fixes et croissent régulièrement. Ces frais fixes ne peuvent donc pas servir de variable d’ajustement. Francis-André Wolmann explique : "Confronté à une baisse de 34% du laboratoire que je dirige, je soutiens les travaux de mes posts-docs qui n’ont aucune sécurité mais je suis contraint de dire à mes collègues titulaires que l’on n’a plus les moyens d’entretenir des travaux innovants. De fait, nous sommes condamnés à ’bétonner’ ce que nous savons déjà." Dans un domaine jugé prioritaire, le nouveau département des STIC (sciences et technologies de l’information et de la communication) ne recrute que 8 chercheurs cette année contre une cinquantaine en 2001, ajoute Michel Weinfeld.

Jean Pailhous affirme de plus que les baisses de crédits dans la recherche publique ne seront pas compensées par une hausse des dépenses dans le privé. Il met en avant des pesanteurs d’ordre "culturel" ainsi que des pressions économiques dans un contexte morose. Dans le domaine public, la politique consistant à privilégier certains "créneaux de recherche" est également dangereuse car elle contribue à affaiblir la recherche fondamentale au dépens de domaines "programmés par les décideurs", sur des critères contestables : "Nous n’avons pas inventé l’électricité en perfectionnant la bougie" remarque Patrick Monfort, secrétaire coordinateur du Comité national. Quant à la volonté d’économiser les dépenses de fonctionnement sur d’éventuels "doublons", l’idée est jugée "séduisante" par Michel Weinfeld mais non recevable puisqu’en recherche, "les doublons s’éliminent d’eux-mêmes" et "les chercheurs communiquent en permanence sur leurs travaux". C’est le même souci d’éviter les doublons qui avait conduit l’ancien ministre Claude Allègre à créer des groupements de recherche qui aujourd’hui ne reçoivent plus aucun crédit, remarque Francis-André Wolmann. Autrement dit, selon Jean Pailhous, il n’est pas nécessaire de chercher à économiser sur la recherche "comme on pourrait le faire sur certains doublons à Bercy.(...) Le mouton de la recherche a, lui, déjà été tondu".

Contact : CoNRS (Conférence des présidents de section), Nathalie Fenouil, 04 91 17 22 55,
fenouil@laps.univ-mrs.fr

 

 

Pour tout renseignement : Marc Guiraud, directeur général, marc.guiraud@L-aef.com ou 01 53 10 39 31 Pour envoyer vos informations sur la recherche : Arnaud Lavorel, journaliste, arnaud.lavorel@L-aef.com L-aef@L-aef.com ou 01 53 10 39 45