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Recherche : de Jospin à Raffarin ou la continuité d’une politique !

Par gilles.mercier, le 10 avril 2003

Les coupes budgétaires décidées par le gouvernement Raffarin provoquent la mobilisation massive des milieux scientifiques confrontés à la quasi asphyxie de leurs laboratoires. Ces décisions si elles n’étaient pas remises en cause provoqueraient un affaiblissement profond de la recherche nationale. Mais ces mesures drastiques s’inscrivent dans une logique bien antérieure à la venue du gouvernement Raffarin. L’axiome de Cl Allègre, ministre de la gauche plurielle " La recherche c’est fait pour gagner de l’argent ! " exprimait sans détour la conception de la recherche du pouvoir politique. D Postel Vinay qui ne cesse dans les colonnes du magazine " La Recherche " de salir les organismes de recherche et leurs personnels fustige régulièrement le pouvoir pour ne pas avoir le courage d’appliquer " les réformes " d’Allègre. L’échec de ce dernier de casser les organismes de recherche et le statut de leur personnel obligea le gouvernement à modifier sa stratégie. Le nouveau ministre RG Schwartzenberg s’appuya sur les organismes pour mieux assujettir la recherche à la stratégie des entreprises. C’est lui qui introduisit au Cnrs la contractualisation suivant laquelle, chaque laboratoire, chaque chercheur devait établir avec la direction du département un contrat d’objectifs scientifiques, dont la mise en ?uvre devait être suivie par le département. Mais, tout ceci restera dans les cartons, l’effectif administratif du Cnrs étant insuffisant pour mettre en ?uvre une telle technocratie. Le Contrat d’objectif entraînait la quasi disparition de la recherche fondamentale libre, tout devant être subordonné à la valorisation. Afin de faire passer ses priorités la direction a mis en avant la tarte à la crème de l’interdisciplinarité pour constituer des jurys à géométrie variable composés "d’experts " puisés par elle dans les sections du Comité national. Depuis 2001, les directions d’organismes ont procédé à des modifications comptables de la gestion des contrats externes qui ont servi de prétexte au gouvernement Raffarin pour réduire le budget 2003 de la recherche. Tous les contrats externes quelque soit leur origine sont maintenant fusionnés sur une ligne budgétaire unique. Ce qui signifie que les organismes utilisent comme bon leur semble l’argent des contrats dont ils ne sont que les gestionnaires. Dans une période d’insuffisance budgétaire cette manipulation comptable à l’avantage de gonfler les finances. Mais il faut rendre l’argent, un argent que l’Etat ne donne pas, comment faire sinon en obligeant les laboratoires à rechercher de nouveaux contrats, c’est la machine infernale ! ! C’est l’implosion programmée du Cnrs et de l’Inserm. L’essentiel n’est plus de développer des connaissances mais de trouver du pognon. Merci le gouvernement Jospin ! La conséquence est une grande instabilité de gestion. C’est pour en atténuer les effets que l’Inserm a placé de l’argent en bons du trésor ! Actuellement l’équivalent de 25% des crédits de paiement est gelé en bons du trésor ! L’Inserm établissement de placements ou de recherche ? En janvier 2002 le Ministère de la recherche a fait le forcing pour faire adopter par les conseils d’administration de tous les organismes de recherche des modifications des procédures comptables effectives en 2005.En janvier 2005, les crédits de paiement seront fusionnés avec les salaires des précaires et les budgets seront répartis par programmes, c’est à dire suivant les priorités définies par les directions et le ministère. Si ce n’est pas du pilotage, cela y ressemble beaucoup ! C’est la gauche plurielle qui a créé en biologie à Cochin et Purpan les instituts-unités et les laboratoires spaciaux régionaux. Ces structures présentent l’avantage d’être pilotées directement par le ministère via son comité de pilotage et d’être modulables à souhait. Concernant le statut des personnels l’action du précédent gouvernement visait au développement du travail précaire et à reculer l’age du recrutement. L’interprétation restrictive de la limite d’âge au recrutement CR2 au Cnrs introduite en cours de concours n’avait d’autre but que d’amorçer la création un " corps " de post doc et d’en finir à terme avec le grade de CR2. Cette initiative est à mettre en parallèle avec l’inversion de la proportion CR2/CR1 au recrutement à l’Inserm. Dans cet organisme, les contrats d’interfaces comme les post doc Avenir ont vu le jour bien avant le changement de gouvernement. Quant au plan décennal de l’emploi de Schwarzenberg, c’est une aimable plaisanterie. Présenté en 2002 il intègre les emplois créés en 2001 et les postes crées devaient être progressivement rendus à partir de 2005 ! On ne peut pas parler sérieusement d’effort de recherche. Quant à ceux qui bénéficient des libéralités des associations d’utilité publique, on ne peut pas dire que le gouvernement précédent, présenté comme social, se soit préoccupé de l’application du droit du travail ! Les directeurs généraux du Cnrs et l’Inserm nommés par le gouvernement de gauche ne brillent pas par leurs pratiques démocratiques. Autoritarisme, technocratie, mise à l’écart des instances caractérisent leur gestion. Le bilan de la gauche ne serait pas complet sans évoquer la privatisation du synchrotron Soleil que la communauté scientifique avait réussi préserver, et la loi sur l’Innovation, qui a permis au privé d’utiliser les installations, les finances et le personnels de l’Etat. Le bilan de cette loi est catastrophique, que sont devenues les start-up ?Nous ne parlerons pas de la déconfiture de Genset coulé par une stratégie effarante impulsée par le Ministère suivant laquelle le séquençage du génome humain allait générer de nouveaux médicaments. La conséquence de cette politique de sous financement des laboratoires, de finalisation à outrance, de mise à l’écart de la communauté scientifique dans la définition des orientations de recherche a pour conséquence le recul de la recherche française dans le concert international. Ce recul de l’effort de recherche contribue à la baisse de l’activité des entreprises et à la diminution de la production de richesses. En voulant encore diminuer les dépenses de l’Etat le gouvernement actuel veut changer la nature des services publics afin de les gérer comme une entreprise privée. Concernant la recherche, le gouvernement Raffarin a décidé des amputations et des gels budgétaires drastiques afin d’obliger les organismes à assumer leur recherche quasi uniquement à partir de leurs fonds propres. Si les financements externes ne sont suffisants pour faire tourner l’ensemble, c’est que des recherches sont inadaptées et doivent disparaître. Il convient de réduire la structure des organismes afin de les adapter à leur volume de financements. Les recherches qui doivent être maintenues sont celles qui sont capables de s’autofinancer. Le gouvernement veut revoir l’organisation de la recherche. C’est ce à quoi travaille Cl Griscelli, de sinistre mémoire, chargé par les ministres de la Recherche et de la Santé de réfléchir " à une adaptation de la recherche biomédicale aux nouveaux défis de notre temps". Ces conceptions correspondent à celles que C Bréchot a détaillées dans le numéro d’octobre 2002 de " La Recherche " et dont il a commencé la mise en ?uvre. La réunion avec les Directeurs d’unités en juin au collège de France devra en préciser les modalités ; fusion d’unités et homogéneïsation thématique sur les sites. La continuité est grande dans les orientations de la politique recherche des gouvernements successifs. La différence réside essentiellement dans la vitesse de mise en oeuvre. Personnellement je refuse de choisir entre la version soft et la version hard, je ne tiens pas à me faire instrumentaliser pour aider à remettre au pouvoir une nouvelle majorité politique. Arrêtons la casse ! Il faut une autre politique de recherche ! Il appartient aux travailleurs de la recherche scientifique de dire massivement au gouvernement, arrêtez cette politique de paupérisation de la recherche qui mène au déclin. Nous ne pouvons accepter que les étudiants se détournent de la recherche du fait des salaires indignes et des carrières peu attractives que le nombre de postes de chercheurs et d’ITA continuent de diminuer alors que le nombre de précaires sans perspective d’emplois stables ne cessent de croître. Il faut une autre orientation pour la recherche ! Il faut investir pour l’avenir. Il faut en finir avec le sous financement endémique de la recherche publique, il faut créer des postes de chercheurs, des postes d’ingénieurs, de techniciens et d’administratifs, recruter jeune, il faut revaloriser les salaires et les carrières.