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Nouvel article La preuve par l’europe ?

Par janine Guespin, le 15 avril 2003

Quelles sont les motivations qui poussent le gouvernement à prendre le risque de casser la recherche française aujourd’hui ? Et si ce n’était pas seulement une politique à courte vue pour faire des économies ?

La preuve par l’Europe ?

"La recherche publique française traverse actuellement une période très difficile. Le gouvernement ne comprend pas (ou refuse de le faire) que notre pays a le déclin pour avenir s’il choisit de ne pas permettre une recherche dynamique. Il le manifeste par de sombres coupes budgétaires que Claudie Haigneré, Ministre de la Recherche, cherche à escamoter au lieu de s’y opposer" ( citation de sauver la recherche aujourd’hui)

Quelles sont les motivations qui poussent le gouvernement à prendre le risque de casser la recherche française aujourd’hui ? Et si ce n’était pas seulement une politique à courte vue pour faire des économies ?

Si les motifs du gouvernement français restent peu explicites, il existe en revanche des textes très clairs, accessibles à tous sur le web et qui permettent peut être de mieux comprendre les enjeux actuels, et par conséquent de mieux défendre une autre conception de la recherche. Il s’agit des documents de la commission européenne concernant le 6éme PCRD. La Commission Européenne finance depuis longtemps un certain nombre de recherches, à travers ce que l’on appelle des « programmes cadre de recherche et développement » (PCRD) qui s’étendent sur 4 ans. Cette année s’ouvre le 6e PCRD, dont les ambitions sont très différentes de celles des précédents programmes, et s’inscrivent dans un projet de société fondé sur ce qui est appelé économie de la connaissance. Ce programme se présente sous la forme habituelle d’appel d’offres pour des recherches intégrées européennes et, ce qui est nouveau, pour des "réseaux d’excellence". (http://www.europa.eu.int/comm/resea...) En outre, il se veut explicitement l’outil privilégié pour permettre la création de l’Espace Européen de la Recherche (ERA). Celui-ci a pour vocation de coordonner l’ensemble des recherches Nationales et Régionales Européennes pour augmenter la compétitivité des entreprises. Ce sont les décisions du conseil de Lisbonne (2000) qui reçoivent ainsi un début de réalisation. On découvre que, bien que prétendant coordonner toutes les recherches nationales et régionales, le 6e PCRD présente des thèmes de recherche extrêmement restrictifs. Si, par exemple, les commissaires parviennent à leurs fins, la biologie serait réduite aux recherches basées sur la seule génomique et limitées à ce qui peut conduire rapidement (en tous cas dans l’esprit des rédacteurs des programmes) à la production de nouveaux médicaments ou tests de diagnostic (http://fp6.cordis.lu/fp6/call_detai...). Cela représenterait la mort ou l’abandon de pans entiers de la recherche actuelle au profit d’une technorecherche exclusivement basée sur l’objectif avoué de l’augmentation de la compétitivité des entreprises. Cet objectif serait réalisé en sélectionnant, par l’octroi du label "réseau d’excellence", les meilleurs laboratoires (ou peut être ceux qui se conformeront le mieux à ces directives), et en les finançant directement, mais aussi en incitant toutes les instances nationales et régionales à ne financer que les axes de recherche définis par le 6e PCRD. Ce qui commence déjà à se faire en France, et qui jette une lumière très crue sur les causes possibles des restrictions budgétaires du CNRS. Il ne s’agit donc pas d’une menace grave mais générale sur "la recherche" mais d’un projet de choix de recherches, de politique de la science, qui s’appuie sur un projet de société, pour remodeler le paysage scientifique. C’est la notion de "économie et société de la connaissance". Il ne s’agit pas ici de privatiser la recherche, mais de la diriger dans l’optique exclusive de faire faire plus de profits aux entreprises, (tout en continuant, le cas échéant, à bénéficier des fonds publics). Le but proclamé par le conseil de Lisbonne est de rendre, d’ici à 2010, les entreprises européennes "les plus compétitives du monde". Défendre "la recherche" dans ces conditions, ne nous oblige-t il pas à nous poser les questions quelle recherche ? mais aussi, à la suite de la commission européenne, pour quelle société ? Mais si les enjeux sont devenus si larges, Les chercheurs seuls sont ils à la fois, compétents, motivés et suffisamment forts pour réussir à défendre la recherche ? Ne nous faut il pas conjuguer nos efforts en tant que chercheurs avec nos efforts en tant que citoyens, et avec les efforts de tous les citoyens conscients que la recherche est devenue l’affaire de tous, un enjeu de société ? Défendre la recherche nécessiterait alors de discuter à fond publiquement de la recherche, de ses buts, de ses perspectives, et des raisons pour lesquelles le pays ne peut se contenter d’une recherche étriquée, rognée, étroitement finalisée, telle que la dessine Bruxelles, et que les restrictions budgétaires françaises vont rapidement réaliser si l’ensemble du pays ne l’empêche pas.

Janine Guespin Professeur émérite à l’université de Rouen Animatrice d’un groupe de travail "Espaces Marx/transform !", "le rôle de l’Europe dans la marchandisation de la recherche en biologie ", (dans la perspective de porter ces problèmes au 2e Forum social européen qui se tiendra à Parsi/st Denis en Novembre 2003).