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Le doctorat : une proposition de réforme

à débattre

Par Louis Granboulan, le 24 mars 2004

Sans vouloir réformer à tout prix, on propose ici une réorganisation de la préparation du doctorat. Les particularités de cette proposition sont la formalisation de la notion de jeune chercheur indépendant, et le recentrage des écoles doctorales sur la formation en laissant à d’autres instances (commission des thèses et financeurs des travaux de recherche) la sélection et l’évaluation des futurs docteurs.

Motivations

Le statut actuel des jeunes chercheurs doit être amélioré. Oscillant entre un statut d’étudiant et un statut de travailleur, il ne permet pas de clarifier les attentes des uns et des autres. Ce texte propose une réforme radicale de la notion même de travail de préparation du doctorat, qui deviendra analogue au travail de préparation à l’habilitation à diriger les recherches. Cette réforme a l’avantage de permettre de garder le meilleur de ce qui se fait actuellement, tout en donnant la possibilité d’améliorer les éléments les plus critiqués de la situation actuelle. Cette réforme se veut réaliste et réalisable. Elle ne demande que peu de changements réglementaires et structurels, et ne demande pas la collaboration d’éléments extérieurs au monde de la recherche. Toutefois, elle n’est pas anodine car elle remet en cause le regard que le monde de la recherche porte sur les jeunes chercheurs.

Propositions

On appellera jeune chercheur toute personne effectuant un travail de recherche sur un sujet original, sur une durée d’au moins un an, et qu’on ne peut appeler chercheur expérimenté. Ceci inclut donc les chercheurs préparant un doctorat et ceux dont l’obtention du doctorat est récente, mais n’inclut pas les personnes en stage de DEA ou rédigeant un mémoire de maîtrise.

On distinguera deux catégories de jeunes chercheurs : les jeunes chercheurs salariés et les jeunes chercheurs indépendants. Ces catégories sont exclusives l’une de l’autre, et sont explicites.

Le jeune chercheur salarié est recruté par un organisme ou une société avec un contrat de travail spécifiant le sujet et la durée de sa recherche. L’employeur est tenu de fournir au jeune chercheur les moyens nécessaires à ses recherches (bureau, moyens bibliographiques et informatiques, frais de déplacement...) sauf dispositions explicitement contraires dans le contrat de travail. Le contrat de travail doit aussi mentionner le nom d’un chercheur habilité à diriger des recherches, qui sera responsable de l’encadrement du jeune chercheur. Le résultat de sa recherche est propriété de l’employeur. Le contrat de travail peut spécifier que ce travail de recherche est sensé déboucher sur l’obtention du titre de docteur. En ce cas, pendant la dernière année de son contrat, le jeune chercheur devra s’inscrire à l’université pour faire évaluer son travail de recherche et éventuellement obtenir le titre de docteur. Ce titre de docteur mentionnera l’encadrant en tant que directeur. L’échec dans l’obtention de ce titre ne peut a priori être imputé de façon exclusive au jeune chercheur ou à son encadrant, et ne peut donc donner lieu à sanction automatique. Le contrat de travail peut aussi spécifier que ce travail de recherche sera associé à une formation doctorale. En ce cas, pendant toute la durée de son contrat, le jeune chercheur devra être membre d’une école doctorale et en suivre la formation. L’échec à cette formation ne peut qu’être imputé au jeune chercheur, mais n’est motif de rupture du contrat de travail que si c’est explicite.

Le jeune chercheur indépendant choisit le sujet de sa recherche et travaille de façon autonome. Il a la possibilité chaque année de s’inscrire comme chercheur indépendant auprès du rectorat, ce qui lui donne accès aux bibliothèques universitaires françaises. Le résultat de sa recherche est propriété du chercheur. Lorsqu’il estime que son travail de recherche est mûr, il a la possibilité de contacter un chercheur habilité à diriger des recherches et de s’inscrire à l’université à laquelle celui-ci est rattaché, afin d’éventuellement obtenir le titre de docteur. Ce titre de docteur mentionnera le chercheur expérimenté en tant que conseiller. Le jeune chercheur indépendant a aussi la possibilité d’être membre d’une école doctorale. Le jeune chercheur indépendant a évidemment la possibilité d’obtenir un financement pour son travail de recherche, s’il n’est pas associé à un contrat de travail (libéralités, honoraires, etc.)

L’inscription à l’université en vue d’obtenir un doctorat est donc découplée de l’inscription à une école doctorale. L’école doctorale fournit au jeune chercheur une formation complémentaire, habituellement non-diplômante. Pour les jeunes chercheurs travaillant sous l’encadrement d’un chercheur expérimenté (i.e. les jeunes chercheurs salariés) il est naturel, mais pas obligatoire, que leur école doctorale soit celle de leur encadrant. L’inscription à l’université en vue d’obtenir le titre de docteur a lieu l’année où les travaux seront soutenus devant un jury, et l’inscription mentionne la composition du jury. L’inscription est présentée par le parrain (directeur ou conseiller). L’acceptation de cette inscription est de la responsabilité de la commission des thèses de l’université. L’obtention du titre est de la responsabilité du jury.

Argumentation

Une grande partie des propositions ci-dessus se contente de formaliser les usages. En particulier la distinction entre les jeunes chercheurs salariés et les jeunes chercheurs indépendants existe dans les faits, et peut être évaluée sur deux critères : le financement du jeune chercheur, et son encadrement effectif. Distinguer explicitement les deux catégories permet d’éviter que des jeunes chercheurs soient financés pour leurs recherches sans être encadrés, et donc d’éviter une allocation irrationnelle des ressources de l’employeur.

La séparation des rôles de l’école doctorale et de la commission des thèses est l’une des nouveautés de cette proposition. Son avantage est de clarifier la différence entre la formation complémentaire apportée par l’une et l’évaluation du travail de recherche validée par l’autre. De plus, l’inclusion des DEA dans l’étape M de la réforme LMD permet aux écoles doctorales d’être indépendantes des DEA et de mieux se consacrer à l’une de leurs missions : le suivi des anciens élèves. Ne permettre l’inscription universitaire qu’au moment de la soutenance peut sembler révolutionnaire, mais ne fait qu’imiter ce qui se fait pour l’habilitation à diriger des recherches. Cela a deux avantages : la durée de préparation du doctorat pour un jeune chercheur salarié étant fixée par contrat au début des recherches, elle peut être adaptée au domaine de recherche. Car si la durée de 3 ans est pertinente pour de nombreux sujets de recherche, elle peut empêcher de proposer certains sujets ambitieux, et donc pénaliser la recherche française. L’autre avantage est que le chercheur indépendant garde ainsi une vraie indépendance pendant la durée de ses recherches, ce qui est moral puisqu’il ne bénéficie d’aucun soutien extérieur.

Si l’inscription universitaire n’a lieu que pour la soutenance, le jeune chercheur ne peut avoir un statut d’étudiant. Il perd donc les avantages sociaux qui sont associés à ce statut. Pour ceux qui sont salariés, ces avantages sont peu nombreux. Pour les chercheurs indépendants n’ayant pas de revenus, cette perte du statut étudiant peut être financièrement douloureuse. Néanmoins, ils ont la possibilité de s’inscrire à une formation universitaire de niveau L ou M, ce qui leur permettra probablement d’améliorer leur employabilité.

Arrière-pensées

Les propositions ci-dessus devraient permettre d’éviter les abus les plus graves, tout en gardant ce qui fonctionne bien dans le système actuel. En particulier, la différenciation entre les deux types de parrains (les directeurs et les conseillers) permet d’attribuer le mérite de l’encadrement d’une thèse brillante aux seuls qui y ont participé. Au passage, les modalités d’attribution des primes d’encadrement pourront être révisées...

La définition de jeune chercheur donnée au début de ce document inclut ceux dont l’obtention du doctorat est récente, mais le document se place a priori dans le cas où le jeune chercheur n’a pas le titre de docteur. C’est délibéré. Cette proposition de réforme suggère ainsi que les jeunes chercheurs habituellement catégorisés comme "post-docs" soient eux aussi explicitement dans l’une ou l’autre catégorie (salarié ou indépendant), le titre qu’ils préparent étant l’habilitation à diriger les recherches et non le doctorat. Donc un jeune chercheur docteur salarié doit avoir un contrat de travail spécifiant son sujet de recherche et son directeur. Si ce n’est pas le cas, alors il s’agit d’un chercheur expérimenté, car maître de son sujet. Le sujet de ce document n’étant pas les chercheurs expérimentés, on ne développe pas ce point.