Pour ou contre les stages post-doctoraux
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, le 25 juin 2003Les stages post-doctoraux ont mauvaise presse actuellement auprès d’un certain nombre de chercheurs non-statutaires, doctorants ou post-doctorants. Ils sont perçus avant tout comme un moyen mis en oeuvre pour retarder leur recrutement dans un organisme de recherche, comme une façon de les maintenir dans un état de précarité prolongée parfois bien au-delà de 30 ans, à un âge où certains souhaiteraient pouvoir fonder une famille, faire des emprunts, projets rendus difficiles par cet état précaire prolongé. On aboutit ainsi à une diabolisation des stages post-doc.
A l’opposé -complémentaire- de cette position, il y a ceux qui rêvent d’un pays fonctionnant selon des principes ultra-libéraux, pour lesquels les mots magiques sont rentabilité (à court terme) et flexibilité. Les post-doctorants constituent une main d’oeuvre idéale, compétente, peu coûteuse donc rentable, et flexible. Selon cette vision hélas répandue, si les jeunes sont opposés au système des post-docs, c’est qu’ils souhaiteraient devenir au plus tôt des fonctionnaires de la recherche, en chaise-longue, payés à ne pas faire grand chose, inutiles pour la société et jamais contents. Pour ces ultra-libéraux, il faut absolument amplifier le système des post-docs. Il y a donc un système dominant, violent, destructeur, et une réaction à ce système qui en prend tout simplement le contre-pied, sans réflexion. Essayons de réfléchir sans nous laisser enfermer dans cette opposition.
Un stage post-doctoral a d’indéniables vertus formatrices. De même que la formation des compagnons artisans passait nécessairement par un Tour de France, les jeunes chercheurs de ce siècle ont besoin de travailler dans un autre environnement que celui dans lequel ils ont été formés. De préférence dans un autre pays (il n’y a pas qu’aux USA qu’il y a de bons labos, un post-doc européen peut être très intéressant), au minimum dans un autre labo. C’est indispensable pour élargir son horizon intellectuel, et pour nouer des liens avec des collègues éloignés, amorce très utile de réseaux qui devront s’amplifieront ensuite.
Une autre question est de savoir si ce stage post-doctoral, donc post-thèse, doit nécessairement avoir lieu avant un recrutement, ou peut avoir lieu après. Autant le fait qu’un post-doc soit absolument nécessaire pour la formation du chercheur me parait indiscutable, autant cette question peut être discutée. Peut-être la réponse ne sera-t-elle pas la même dans des disciplines (maths, physique) où le type d’exigences (rapidité intellectuelle, expérience) ne sont pas les mêmes que dans d’autres (biologie). Personnellement, j’ai vu des jeunes dont le travail de thèse était d’une qualité telle qu’on pouvait dire sans hésitation qu’il fallait les recruter, dès avant le post-doc. En général cela se confirmait vite en post-doc et ils étaient recrutés après post-doc et avant 30 ans. Pour d’autres, la réponse est moins évidente, et on sait qu’on fera une meilleure évaluation après un post-doc. Les thèses devront dorénavant se faire en 3 ans. Plus un post-doc de 2-3 ans, cela signifie que l’âge d’un recrutement normal, après un post-doc, devrait être aux alentours de 30 ans. Je serais donc plutôt pour un recrutement après post-doc (mais pas de façon absolue), et cette position n’implique absolument pas un recutement bien après 30 ans.
Pour que ces stages post-doctoraux, très utiles pour les jeunes et pour une bonne évaluation de leurs capacités de checheurs soient acceptables, il faut qu’ils s’inscrivent dans un contexte précis : un financement de post-doc garanti 3 ans s’il a lieu en Europe (on ne peut pas légiférer ici sur les conditions de post-doc aux USA), à un niveau correct, avec couverture sociale évidemment, dans un contexte d’embauche ultérieure raisonnable, que ce soit dans des organismes de recherche publics, ou dans d’autres organismes publics, ou dans le privé. Les deux dernières possibilités nécessiteront une valorisation précise de la thèse et du stage post-doctoral, afin qu’ils soient reconnus, dans le public et le privé, au même titre que des diplomes d’ingénieur. Ce serait loin d’être choquant, étant donné qu’à la fin d’un post-doc, on a une longue formation plus une réelle expérience professionnelle, ce qui n’est pas le cas à la sortie d’une école d’ingénieur. Le gouvernement pourrait prendre des mesures incitatives à l’embauche, par le public (hors recherche) ou le privé, de jeunes ayant fait une thèse + post-docs.
En conclusion, je suis favorable aux stages post-doctoraux dans un contexte très précis, celui d’un statut de post-doc correct et d’une bonne perspective d’embauche. Tout doit être lié dans cette discussion.