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Les cerveaux n’ont pas fui...

Par Agnes Bonnot, le 19 mars 2004

Les auteurs et signataires de cette lettre sont des chercheurs postdoctoraux travaillant, pour la majorité d’entre eux, à Washington DC.

Ils sont de ces « cerveaux » qui ont été formés en France et affinés dans les laboratoires américains. A ce titre, ils veulent avoir la possibilité de revenir exercer leurs talents en France et de contribuer ainsi à la recherche française de demain.

Ils invitent tous les chercheurs postdoctoraux expatriés qui se retrouvent dans cette lettre à en être co-signataires.

A l’attention de Monsieur Jean-Pierre Raffarin, Premier Ministre et de Madame Claudie Haigneré, Ministre déléguée à la Recherche et aux Nouvelles Technologies

Monsieur le Premier Ministre, Madame la Ministre déléguée,

En tant que chercheurs post-doctoraux expatriés aux Etats-Unis, nous nous affirmons solidaires du mouvement : « Sauvons la Recherche ». Nous souhaitons, par cette lettre, apporter notre témoignage de jeunes chercheurs expatriés.

Nous tenons tout d’abord à clarifier la réalité de notre situation, quitte à aller contre certaines idées véhiculées en ce moment même.

Pour notre génération, le stage post-doctoral à l’étranger était présenté comme la voie obligée après une thèse, condition sine qua non pour l’obtention d’un poste académique en France. Nous nous sommes donc engagés sur cette voie, encouragés par la promesse d’un accès facilité aux carrières académiques. Cette expérience est souvent extrêmement enrichissante. Cependant, après quelques années, nous ne restons plus à l’étranger par choix, mais parce qu’aucune opportunité raisonnable ne nous est offerte en France.

En tant que chercheurs post-doctoraux, nous ne sommes pas les premiers bénéficiaires du bon financement de la recherche aux Etats-Unis. Même si notre situation financière est meilleure que celle de nos collègues qui sont restés en France, nous n’en sommes pas moins au bas de l’échelle des salaires. De plus, notre statut d’étranger ne nous autorise qu’un accès limité aux avantages sociaux, tandis qu’en France, nous ne figurons plus qu’au registre des naissances. La situation est encore plus inconfortable pour ceux qui sont en charge d’une famille, d’autant que le conjoint se trouve confronté à la difficulté de trouver un emploi à l’étranger.

Par ailleurs, nos possibilités d’avenir sur ce continent sont limitées. Il nous est certainement aisé de trouver d’autres offres de stages post-doctoraux, mais le challenge est tout autre si nous décidons de concourir sur des postes académiques américains. En effet, le nombre de postes académiques est actuellement en nette diminution tandis que les stages post-doctoraux sont eux en nombre croissant (voir l’article de Science du 4 oct. 2002). Quant à trouver un emploi dans le secteur privé, ici comme en France, un grand nombre de domaines de la recherche fondamentale ont une ouverture très minime sur la recherche appliquée pratiquée dans le contexte d’une entreprise.

Nous tenons à apporter ces précisions pour que personne ne puisse penser que « les cerveaux ont fui ». On les a plutôt fortement incités à partir à l’étranger et on les y oublie. Nous avons choisi le domaine de la recherche par passion, mais nous n’avons jamais choisi de quitter définitivement notre pays d’origine.

Pour beaucoup d’entre nous, nous avons fait nos preuves, nous sommes des scientifiques confirmés et il n’est pas raisonnable de nous proposer de revenir sur des contrats à durée limitée. Quand la France va-t-elle se décider à récupérer les chercheurs qu’elle a formés pour qu’ils puissent enfin travailler dans leur domaine d’excellence ? Combien d’années encore sommes-nous censés vivre dans la précarité ? Jusqu’à quel âge devons-nous mettre en suspens vie personnelle et projets familiaux ?

Nous demandons que le gouvernement mette dans ses priorités immédiates, l’ouverture d’un nombre suffisant de postes de Maîtres de Conférence et de Chargés de Recherche pour prendre en compte la masse de jeunes chercheurs en situation précaire. Une recherche et un enseignement de qualité en dépendent.

Ensuite seulement, pourra-t-il mettre au rang de ses priorités la réhabilitation de la recherche auprès des jeunes. Tant que les perspectives d’avenir restent celles que nous connaissons aujourd’hui, il n’est pas honnête d’attirer de nouvelles générations vers cette impasse. Madame la Ministre, Monsieur le Premier Ministre, notre enthousiasme pour la recherche nous a amené à accepter d’énormes sacrifices. Nous nous battons pour qu’ils ne soient pas vains et que la France fasse enfin le pas d’ouvrir la porte à ses propres chercheurs.

Washington, le 19 mars 2004

Les Signataires*, chercheurs post-doctoraux aux Etats-Unis *Le nom de chaque signataire est accompagné de son domaine de recherche et du nombre d’années passées à l’étranger.

Séverine Bellayer Chimie macromoléculaire 1 an (thèse
Gaëlle Blandin Génomique 2 ans
Agnès Bonnot Neurosciences 6 ans
Bruno Boulbry Optique 1 an
Jérome Bretault Simulation industrielle 2 ans (ingénieur)
Elizabeth Bugnard Biologie cellulaire 5 ans
Cyril Buhler Génétique moléculaire 1 an ½
Boris Calmels Hématologie 2 ans
Frédéric Catez Biologie cellulaire 3 ans
Stéphane Caucheteux Immunologie 2 mois
Pierre Chanial Astrophysique 1 an
Julie Dam Biochimie 3 ans
Nathalie Dautin Microbiologie 3 mois
Cédric Dewas Biologie moléculaire 2 ans
Jean-Claude Dreher Neurosciences 5 ans
Sigrid Dubois Immunologie 4 ans
Jean-Philippe Herbeuval Immunologie 2 ans
Brigitte Gaume Biochimie 8 ans (thèse,postdoc)
Jean-Pierre Guin Science des matériaux 2 ans
Katy Janvier Biologie cellulaire 1 an
Virginie Libante Biologie moléculaire 1 an
Christophe Marchand Pharmacologie moléculaire 7 ans
Jean-Christophe Meunier Virologie 4 ans
Mireille Montcouquiol Neurobiologie 7 ans
Michelina Nascimbeni Immunologie 6 ans
Michelle Olive Biologie 7 ans
Jean-Marie Peloponese Virologie moléculaire
Olivier Peyronnet Biophysique/Agrochimie 9 ans
Nicolas Pratz Informatique 1 an (ingénieur)
Krzysztof Ptak Neurosciences 4 ans
Sabrina Ravel Neurosciences 3 ans
Christophe Redon Pharmacologie moléculaire
Daphné Robinson Neurosciences 7 ans (thèse, postdoc)
Nathalie Sans Neurosciences 7 ans
Tassadite Selmane Biophysique 2 ans ½
Rachid Sougrat Biologie cellulaire 6 mois
Joël Tabak Neurosciences 7 ans
Hélène Tonoli Cancérologie 3 ans ½
Cécile Viboud Biostatistiques 1 an
Anne Welcker Génétique 3 ans
François Windels Neuroscience 3 ans