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À débattre : Les nouvelles donnes concernant le rôle des Régions en recherche et enseignement, par Y. Ben Ari

le 5 avril 2004

Les nouvelles donnes concernant le rôle des Régions en recherche et enseignement

Introduction générale

A l’évidence, les collectivités territoriales auront un rôle de plus en plus important à jouer dans le domaine du développement de la recherche fondamentale et appliquée. La décentralisation implique que la recherche et le développement et leurs conséquences en termes d’emploi seront de plus en plus au centre des préoccupations des conseils régionaux. Plus généralement, de la qualité des recherches et des compétences d’une région dépend aussi bien le développement de pôles universitaires -riches en conséquences sur l’attractivité de la région et son rayonnement- que la qualité de ses services y compris sur le plan hospitalier et en santé publique qu ’en termes de culture. Ainsi, il est bien établi que la qualité des soins et ses conséquences cliniques est étroitement liée à la qualité de la recherche qui s’y déroule. Les acteurs locaux de recherche et développement-chambre de commerce et d’industrie etc. ;- l’ont bien compris eux qui ont soutenus ici et là certaines des revendications des chercheurs puisque « là où la recherche fondamentale est en jachère, il n y a pas de biotech ».

Le résultat des élections régionales -en faveur de partis qui ont soutenu SLR - a été obtenu aussi en relation avec le mouvement des chercheurs. Il va rendre les responsables politiques régionaux plus enclins à tenir compte des demandes faites par les chercheurs du moins en ce qui concerne les domaines de leurs compétences. Cela est d’autant plus prévisible qu’un des résultats les plus spectaculaire du conflit et des actions de SLR est la constatation que la recherche est une activité appréciée et défendue par la population. Avec 80% de compréhension de la part de la population (sondage La Croix) on voit bien que malgré les tendances de certains politiques de mettre sur le dos de la recherche des problèmes qui relèvent entièrement du politique (pollutions diverses, technologies dangereuses etc), la population comprend bien que la connaissance est un critère direct de la richesse d’un pays et source de progrès.

Les nouvelles lois de décentralisation -votées en ce moment -vont dans ce cadre encore renforcer les possibilités d’action. L’opposition entre le pouvoir central et le pouvoir régional dans sa quasi-totalité décuple les possibilités d’intervention de notre part et entraîne une responsabilité particulièrement importante aux propositions que nous pouvons faire sur l’organisation de la recherche en région. Il est clair dans ces conditions que la définition d’une nouvelle politique régionale en recherche et formation s’impose avec plus d’acuité. A nous d’en faire usage avec parcimonie et doigté et faire preuve de responsabilité : une situation comme celle ci risque de ne pas se reproduire avant bien longtemps et nous n’avons simplement pas le droit d’échouer. Il faudra bien la saisir et ne pas penser un instant que nous pouvons laisser les choses comme elles sont, sans rien changer et espérer que recrutements et fonctionnariat sont acquis pour toujours et que nous n’avons pas de comptes à rendre et d’efforts à faire. Il faudra s’adapter à certaines des exigences e en particulier comprendre qu’une recherche cognitive désintéressée est indispensable mais aussi elle se mérite.

Des problèmes et des solutions :

  1. La recherche ne peut être basée que sur la qualité -seul critère pouvant justifier les investissements nationaux et à fortiori régionaux. Or dans toutes ces régions -sans exception- cette évaluation ne peut être faite localement. Les experts ne sont pas tout simplement pas là. En d’autres termes, il y a conflit objectif entre la volonté d’autonomie des régions et l’évaluation nécessairement nationale voire internationale. Les élus régionaux doivent admettre que la répartition des fonds affectés à la recherche doit se faire à partir d’évaluations nationales effectuées par des experts dont c’est le métier. En France, les commissions de spécialistes des EPSTs et les conseils scientifiques ainsi que les directions de ces organismes sont les seuls disposant de l’infrastructure adéquate dans ce but. Par conséquent, c’est uniquement à partir de ces évaluations que peuvent se prendre les décisions pratiques de soutien et de développement. Une fois ce constat accepté, les décisions que prennent les politiques -à partir de conseil scientifique régionaux- peuvent inclure des préférences de type politique -développer tel ou tel site, mutualiser des moyens et aménager des campus etc. sachant que l’évaluation nationale garantit que quelque soit la décision prise, les finances ne seront pas gaspillées car les équipes choisies sont bonnes La conséquence pratique de ce constat est que seules les équipes /laboratoires très bien évalués sur le plan national doivent bénéficier de l’aide financière de la région.
  2. La recherche va se faire de plus en plus avec le développement des collaborations européennes à partir d’une politique de site et de campus à l’Anglo-saxonne. En d’autres termes, il est illusoire de vouloir développer tout et partout. Il y aura des spécialisations de campus dans certains domaines et les étudiants choisiront leurs universités à partir du campus dans lequel ils veulent faire leurs études car l’environnement y est propice pour les disciplines qu’ils veulent étudier. C’est sur la construction de sites-campus spécialisés que mes politiques doivent concentrer leurs efforts. Une intégration EPSs /université se doit de partir de là et les réflexions sur les moyens de développement de la région doivent impérativement entrer dans ce cadre général pour être efficace. Une fois les campus/sites bien définis, les forces en présences bien identifiées, il convient à partir des évaluations nationales de concentrer les efforts sur des laboratoires et IFRs aptes à faire fructifier en quelque sorte ces investissements. Il convient aussi de développer un maximum les capacités d’accueil et de formation de chercheurs de pays étrangers afin de faire plus connaître les sites de recherche en région.
  3. Il faut éviter toute décision basée sur une volonté d’acquérir tel ou tel équipement onéreux pour des raisons de prestige. L’expérience de plus de 30 ans de politique de financement de la recherche permet de constater que les équipements de prestige -MEG, super ordinateurs etc.- s’avèrent décevant à terme car un tissu local ne digère pas facilement ce type d’investissement s’il n’est pas prêt avec en particulier les équipes compétentes pour le faire. Il y a trop souvent tendance à penser que l’acquisition d’un tel équipement est une fin en soi alors qu’elle est au mieux un début. Si l’on se tourne vers les institutions nationales et internationales, on s’aperçoit que pour obtenir les fonds nécessaires à une acquisition importante, il est exigé des résultats préliminaires -obtenus par exemple en allant faire un stage dans un centre disposant de cet équipement, voire une équipe spécialisée dans cette technologie qui déménage en région apportant une garantie que les fonds ne seront pas gaspillés etc.
  4. Les aides financières de la région sont gaspillées si elles ont pour but d’aider à l’aménagement du territoire. Le développement des 3 campus que compte une ville comme Marseille doit impliquer une politique de recentrage sur les forces en présence sans oublier les moyens de transport et la convivialité du campus. Il est tout aussi vain de vouloir saupoudrer les moyens afin de satisfaire tout le monde. Cela ne marche simplement pas et il y a des cimetières d’équipements non utilisés à partir de ce type de politique. Il faut d’ailleurs souligner que quelque soit la conséquence des évènements récents, il est clair qu’il faudra à terme avoir des universités spécialisées et fortes dans certains domaines et que certaines villes moyennes ne pourront pas prétendre avoir centres universitaires et de recherche de qualité. Il est important que les régions se préparent en conséquence et commencent à faire une politique de qualité sur des thèmes forts et des équipes reconnues. L’absence de politique d’aménagement local des énergies et l’aménagement des campus universitaires en fonction de ce planning est une source de gaspillage fort en région.
  5. L’administration des ressources est un problème majeur des sociétés modernes et le développement des moyens de communications a été une source inépuisable de gaspillage d’énergie à cause de la volonté des politiques de tout contrôler. Les politiques voient l’outil informatique et de gestion comme un moyen de centraliser le pouvoir et les commandes -pas de le décentraliser. La conséquence paradoxale est que l’accroissement des capacités de communications s’est traduit par une baisse de productivité, d’efficacité (cf. les délais de commandes maladies chroniques de notre recherche et source inépuisable de handicap par rapport à nos collègues américains), un surcoût en termes de postes d’administrateurs et donc baisse du rapport investissement/ investissements directs en recherche et créativité. La Région pourrait énormément aider la recherche en simplifiant justement les aspects administratifs. Des fonds même restreints qui permettent l’acquisition d’un équipement ou de petits matériels auront une valeur accrue si l’on se souvient qu’à l’INSERM par exemple, plus de 30% des fonds ne peut pas être dépensée chaque année à cause des conditions administratives de plus en plus invraisemblables. Il est essentiel qu’une étude approfondie soit faite sur ce problème et comment simplifier en région l’utilisation des ressources.

En conclusion, nous pouvons en partie compenser les aberrations de la politique nationale sur la recherche et donner l’exemple de comment investir de façon appropriée- avec un rapport investissement/conséquences positives. Il est de notre devoir de contribuer à rendre cela possible en y mettant toute notre énergie et notre savoir-faire. A partir de là, il n’y aura pas de problèmes -juste des solutions. De toute façon, dans quelques années, les étudiants et chercheurs Européens iront dans des sites bien identifiés et qui regroupent des régions pas forcément nationales. La question est dès lors : est-ce que dans la carte du sud de la France, Marseille et la région PACA auront une existence reconnue ou est ce que cela sera le cas de Montpellier et de Barcelone et rien d’autre jusqu’à Toulouse ? Une organisation conservatrice des universités et une politique de distribution à la tête du client et sans plan est une garantie que la région sera absente des débats du futur.

Yézékiel Ben-Ari
Directeur de l’INMED