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Pourquoi des labos en SHS ?

Par Macdonald, le 19 avril 2004

Les Etats Généraux devraient donner une chance exceptionnelle à la recherche (et à la recherche en sciences humaines et sociales) pour trouver des solutions et sortir de la situation désastreuse où elle est dans notre pays. Cette chance ne s’offrira à nous qu’à la condition cependant où nous aurons réfléchi de façon vraiment sérieuse et approfondie sur nos structures et nos méthodes et que nous serons en mesure de proposer des changements efficaces. C’est la raison pour laquelle je m’interroge depuis un certain temps sur les façons de travailler du CNRS, du moins celles que je connais. Je me suis posé la question du rôle et de la fonction du comité national et j’ai conclu qu’il faisait mal son travail et que cela était tout de même assez grave. J’ai proposé un renforcement et surtout une meilleure définition des tâches du CN.

Dans ce texte, je vais m’interroger sur un autre aspect de notre fonctionnement, un aspect beaucoup plus difficile à traiter. Il s’agit pourtant d’une réalité extrêmement présente, essentielle dans tout le dispositif actuel, et vécue de façon intense par tous les chercheurs , je veux parler des labos (ou unités de recherche sous toutes leurs formes : UMR, UPR, GDR, etc. mais surtout UMR). Un texte récent signé par de jeunes historiens souligne le problème et avance qu’une faible partie des labos dans les universités répond à une logique scientifique. Pour ce qui est du CNRS et des labos mixtes (UMR) je vais plus loin et je prétends qu’on se fait à leur endroit une colossale illusion, née en partie d’un glissement sémantique : de « laboratoire » au sens REEL de site où se trouvent des équipement de mesure pour faire de l’expérimentation scientifique dans des sciences expérimentales, on est passé sans aucun recul critique à la notion ADMINISTRATIVE d’équipe dans des sciences qui -pour la plupart — NE SONT PAS EXPERIMENTALES. J’entends et je lis que les labos sont absolument nécessaires à la recherche en SHS, que « la vie de labo » est, à la recherche en SHS ce que le milieu aquatique est à la naissance de la vie sur terre. Je vais essayer de démontrer que cette proposition est, dans son principe, radicalement fausse. Je vais essayer de montrer que l’idéologie du labo est, pour la plupart des SHS, cela, une idéologie, c’est-à-dire 1°) une théorie fausse, 2°) une théorie qui sert de mauvais intérêts.

Commençons par nous pencher sur la littérature spécialisée. Dans un numéro spécial de la lettre des SHS (une publication maison du CNRS) de mars 2003 (n° 66), cette question est traitée dans une série de contributions, à commencer par l’éditorial signé du directeur du département, J-M Hombert. Ce dernier veut nous convaincre (il en est lui-même convaincu c’est clair) que la vie de laboratoire est utile voire même indispensable en sciences humaines. Les raisons invoquées sont que : 1°) la recherche en sciences humaines n’est pas essentiellement différente de la recherche dans les autres disciplines et que toutes les autres disciplines reconnaissent la nécessité du labo, 2°) la recherche est collective, et que le labo est le moyen de rendre la recherche collective, 3°) que c’est grâce aux labos qu’on a des moyens (équipements, etc.). Je soutiendrai que 1°) la recherche dans certaines sciences humaines (comme l’anthropologie sociale) est essentiellement différente de la recherche dans d’autres (pas nécessairement toutes) sciences, 2°) que le labo n’est nullement le moyen nécessaire ou principal du travail collectif, en fait qu’il n’est pas utile à la recherche collective3°) qu’il n’y a pas besoin de labos pour avoir des moyens. A vrai dire, je me concentrerai sur la proposition n° 2, qui s’exprime par l’équation : recherche=interdisciplinarité=travail collectif=labo.

Regardons maintenant les contributions des chercheurs qui ont, dans ce numéro spécial, apporté un ardent témoignage à l’appui de la profession de foi de notre directeur. La première est celle d’un professeur de Nantes qui répète ces propositions (recherche=travail collectif=labo) en s’appuyant sur l’exemple fourni par son unité (géographie). Seule cette structure, d’après lui, permet de faire communiquer des chercheurs de disciplines différentes sur les questions complexes dont ils traitent. Ils sont tous unis par « le souci de la spatialisation des objets étudiés » mais séparés par leurs spécialités respectives (hydrologues, morphologues, climatologues, ruralistes, spécialistes de la télédétection, etc. etc.). Il s’agit, notons-le d’un « gros » labo (relativement dans le secteur SHS : 66 chercheurs, 75 doctorants). Ensuite il s’agit d’un labo qui comprend une majorité de spécialités qui ne sont pas du tout des sciences humaines (par exemple la climatologie). Mais la question à 1000 Euros est la suivante : comment font tous ces chercheurs pour travailler ensemble ? La réponse est très forte : ils se parlent. Ils communiquent. Comment ? L’auteur ne le dit pas très précisément mais on imagine que c’est dans le cadre de séminaires, en causant dans leur petits bureaux, dans les couloirs, peut-être même dans le hall. Ils se lisent entre eux leurs articles. Se les commentent. Ils peuvent faire tout cela grâce à une structure administrative qui s’appelle UMR. On est émerveillé. Je m’interroge malgré tout car il m’est arrivé effectivement de communiquer ailleurs que dans mon labo, j’ai suivi des séminaires autres que ceux de mon labo. Et j’ai fait cela de façon continue et profitable, et très interdisciplinaire. Mais peut-être suis-je une exception.

Dans un deuxième article, écrit par un directeur de labo qui s’occupe de drogues et de santé mentale, le labo résulte du désir, celui « d’être entouré de collègues compétents ». Mais pour que l’objet de ce désir se concrétise vraiment il faut une vie de labo et celle-ci reconnaît l’auteur n’existe pas toujours. Voilà une affirmation grave et inédite. Il y a des labos sans vie de labo. Comment alors obtenir une « vraie vie de labo » ? par une présence quotidienne des chercheurs sur leurs lieux de travail (là l’auteur reconnaît que les lieux de travail en sciences humaines c’est peut-être autre chose que le labo, genre bibliothèque ou atoll micronésien), ensuite par une institution qui s’appelle le séminaire. L’auteur cite aussi un avantage pratique : on peut installer dans les labos des ordinateurs branchés sur des bases de données ou des revues en ligne. Enfin il est fortement question de l’interdisciplinarité (donc recherche collective) et celle-ci est appelée à la rescousse de la théorie du labo, mais on ne voit pas très bien comment. La dernière partie de l’article est consacrée à des propos de nature épistémologique qui n’ont rien à voir avec l’existence ou l’utilité des labos. Je dois vraiment être exceptionnel car encore une fois je n’ai pas besoin d’un labo pour assister à un séminaire et même de mon petit ordinateur installé dans la campagne je consulte des catalogues de bibliothèque et des revues en ligne. Et puis surtout je me suis trouvé, dans des lieux tout autre que mon labo, miraculeusement « entouré de collègues compétents ».

Je terminerai cette petite revue de presse par un troisième article, encore plus convaincant. Il est écrit par un collègue qui s’occupe de sciences cognitives, à la croisée de l’anthropologie, de la psychologie cognitive et de la linguistique. L’exemple qu’il donne, le sien, est celui du montage d’une équipe pluridisciplinaire dans le cadre de son labo (une UMR de linguistique). Cette équipe comprend quatre chercheurs. C’est l’existence de cette petite équipe qui, selon lui, justifie le labo : « ce type de programme nécessite une structure de laboratoire ». Pourquoi ? Parce qu’il s’agit d’une collaboration étroite entre chercheurs dans un « partage de tâches », avec « division du travail scientifique ». Donc, encore et toujours, travail collectif= travail interdisciplinaire= collaboration= labo. Mais en quoi une UMR de linguistique (par opposition à n’importe quel ensemble de chercheurs dans lequel on va puiser des collaborateurs) est-elle indispensable à mettre ensemble un linguiste et deux psychologues ? Mystère. J’aimerais qu’on m’explique.

On le voit, la seule raison sérieuse qui est invoquée pour justifier scientifiquement cette structure administrative c’est la nécessité de la collaboration interdisciplinaire. Les autres raisons sont la formation des doctorants et l’obtention de moyens. Or je prétends que la structure administrative (UMR ou UPR, ou autre) ne sert en rien la recherche collective et/ou interdisciplinaire. La preuve c’est que pour en faire une il faut aller chercher des collaborateurs dans son labo ou à l’extérieur de son labo et former une petite équipe très soudée, distincte du labo. Que pour faire de la recherche collective il faut évidemment communiquer, dans des séminaires ou autrement. En quoi un séminaire a-t-il jamais eu besoin d’un labo pour exister ? A l’EHESS les séminaires sont ceux des directeurs d’étude, pas de labos, et ils marchent très bien, mieux peut-être que ceux de pas mal de labos.

Supposons maintenant que l’on mette dans une structure appelée Maison des Sciences de l’Homme des centaines de chercheurs tous répertoriés, travaillant dans une vingtaine de disciplines et sous-disciplines différentes. Mettons aussi que je suis dans cette maison et que je veuille monter une équipe avec un psychologue et un linguiste. Pourquoi aurais-je besoin d’un labo ? Je vais simplement faire un appel et trouver des collaborateurs qui en plus « habitent » la même maison, à quelques dizaines de mètres de mon bureau, ou à un autre étage. Pourquoi aurais-je besoin d’un labo pour consulter des ouvrages en bibliothèque ? Si je veux un ordinateur ou des sous pour aller en mission, pourquoi aurais-je besoin d’une « vie de labo » pour cela ? Il faut que j’aille voir le trésorier de la Maison ou le sous-directeur de mon département ou tout autre responsable individuel ou collectif. Ou que je réponde à un appel d’offre. Pourquoi aurais-je besoin que le directeur de mon labo appose sa signature à ma demande ? Je ne suis pas assez grand pour le faire tout seul ? Si je suis chercheur au CNRS cela veut dire, en principe, que j’ai été reconnu comme scientifiquement compétent (on a du se tromper dans mon cas !). Et puis pourquoi aurait-on besoin de labos pour avoir des bibliothèques ? Les grandes bibliothèques dépendent de grands instituts, et on a assez souligné la nocivité des petits fonds dispersés. Pour ce qui est de la communication, je peux donner un exemple. Les deux chercheurs avec lesquels je communique le plus actuellement se trouvent l’un à Washington DC, l’autre à Kyoto. Je communique peu avec les chercheurs de mon labo ou de mon ex-labo. Ils ont sans doute des choses plus importantes à faire, notamment participer à « la vie de labo ».

Le labo remplit toutefois une fonction que les auteurs précités oublient de mentionner. Il sert à faire croire qu’il est une structure d’encadrement pour les chercheurs. Il l’est dans une certaine mesure, mais cette fonction il la remplit mal, voire pas du tout. Le labo, faut-il le rappeler, a un directeur. Or le pouvoir, ou si on veut, l’autorité de celui-ci est quasi nul. J’ai été directeur de labo pendant vingt ans. De temps en temps je voyais un chercheur entrer dans mon bureau et m’annoncer (je précise : m’annoncer, pas me demander l’autorisation) qu’il allait partir 6 mois sur le terrain. Comment moi, simple directeur de labo (d’ailleurs la fonction ne s’accompagne pas nécessairement du grade) pourrais-je contraindre un chercheur, cette noble créature qui n’a de conseil et encore moins d’ordre à ne recevoir de personne, à rester s’il veut partir ? Refuser de signer son ordre de mission (car là est mon seul vrai pouvoir) ? Autant ne pas y songer. Le chercheur a droit à tant de soutien financier par an, on ne peut pas le lui refuser, il fait comme il l’entend. Idem en ce qui concerne le changement d’affectation. Là c’est encore plus drôle. Quand un chercheur a décidé (en général pour des raisons de convenance personnelle et non scientifiques) de lâcher le labo pour aller dans de plus verts pâturages -au détriment de programmes ou d’enseignements mis en place avec lui-et si on a l’inconscience de s’y opposer (ce fut mon cas) on a toute la commission qui vous tombe dessus et les syndicats vous accusent forcément d’être un tyran, un despote local, un oppresseur qui attente gravement à la liberté individuelle du chercheur de base, cette noble créature qui, etc. On parle dans un document officiel, du rôle du directeur qui consiste à garantir la bonne marche du laboratoire et le bon accomplissement des programmes. C’est quoi exactement cette sinistre plaisanterie ? Comment voulez-vous garantir quoi que ce soit quand on n’a pas un milligramme d’autorité pour faire respecter des consignes, pour obliger les chercheurs à assister au séminaire, à accomplir leur part du programme collectif auquel ils ont par ailleurs librement consenti de collaborer ? Quand on est systématiquement désavoué par sa commission et attaqué par les petits camarades syndicalistes dès qu’un chercheur vous lâche parce que ça l’arrange ? Je ne peux résister au désir de partager cette autre expérience. Un chercheur nouvellement recruté avait été affecté à mon unité. Sur la demande d’un autre ministère, ce chercheur avait été invité à rejoindre un poste à l’étranger pour y occuper une fonction administrative et de représentation. J’avais fait valoir que ce n’était pas une bonne idée. D’abord si on recrute un chercheur c’est pour qu’il continue ses recherches, au moins les premières années, pas qu’il aille faire l’attaché culturel. Ensuite parce que la recherche ça s’entretient et ça se développe, comme la forme physique. Si on arrête on a du mal à reprendre. Qu’est-il arrivé ? Bien entendu la direction l’a laissé partir. Mon avis (de garant de la bonne marche du labo et ces sortes de choses) la direction du département n’en avait cure, inutile de le dire. Résultat ? Je vous laisse libre de l’imaginer.

Que se passe-t-il en réalité ? Il faut peut-être se rappeler que —en tout cas dans nos disciplines— la NECESSITE ABSOLUE du labo a été inventée assez tardivement. Quand je suis rentré au CNRS il existait des chercheurs indépendants. Mais voilà, il en va des chercheurs indépendants, ces électrons libres, comme des Tziganes. L’Etat central ne tolère pas les nomades. Il faut les fixer. La nécessité du labo est en fait une réalité historique et contingente qui découle d’une structure administrative et pas -comme cela peut être le cas dans d’autres sciences qui ont besoin de gros équipements autour desquels tournent toutes les expérimentations, c’est-à-dire toute la recherche— d’une nécessité scientifique. Ce qui est arrivé est effectivement assez curieux et si nous appliquions une seconde des compétences d’ethnographes à ces réalités on ferait des découvertes intéressantes. Le labo est devenu pour une majorité de chercheurs un groupe d’identification professionnelle, sans être principalement un lieu où se fait la recherche. Autrement dit s’est développé un nationalisme d’équipe (de labo) incroyable et paradoxal. Alors même que l’on se déteste dans le labo, à l’extérieur on va le défendre becs et ongles parce que le labo c’est comme la famille. Je déteste mes parents mais les autres n’ont pas le droit d’en dire du mal. Alors même que, dans certains labos que je connais, les chercheurs parlent peu de leurs recherches, on prétend que c’est le lieu par excellence du travail collectif. En plus je dirais ceci : le nationalisme de labo est nocif, il secrète sa bureaucratie (on ne partage pas ses ITA), il gaspille l’argent public, il encourage le sectarisme, il bloque l’interdisciplinarité et la recherche collective.

D’accord, il existe peut-être des labos pour qui cette peinture négative et caricaturale ne se justifie pas. Des labos d’ethno ou de socio ou d’histoire où on parle d’ethno, de socio ou d’histoire, d’africanisme où on parle d’africanisme, où quand on écrit un article les autres vous relisent et font des commentaires constructifs, où les séminaires sont remplis, où les programmes collectifs sont collectivement accomplis jusqu’au bout, où les doctorants sont suivis et aidés, les moyens équitablement partagés, etc. Si ces labos existent, ils doivent continuer à exister. Mais il y en a combien ? Pour tel gros labo généraliste, vaste ruche où chaque petite abeille fait son miel dans son alvéole, les AG sont désertées ; et pour tel autre labo, petite unité définie par l’aire culturelle, on trouve à peu près 7 programmes collectifs pour 9 chercheurs (avec aucun résultat à la clef) ; pourra-t-on sérieusement soutenir qu’on a affaire à une structure qui permette et facilite la recherche collective ? On aura beau forcer les chercheurs à participer aux AG ou à réduire le nombre de programmes, ce n’est pas cela qui fera du labo le moyen ni le lieu principal de la recherche. Comme je suis poli et malgré tout prudent je ne vous dirai pas en détail ni trop crûment ce que je connais être la réalité de certaines équipes et l’abîme de futilité, d’indiscipline, d’individualisme forcené et de vide scientifique qu’est la « vie de labo ».

Alors ? On pourra peut-être dire que le labo c’est comme la démocratie ou le mariage, la pire des solutions, mais il n’y en a pas d’autre. Je n’en crois rien. Une structure comme une MSH comprenant de nombreux chercheurs qui composent à quelques-uns de petites équipes très soudées (comme le décrit notre camarade cognitiviste), sur des problématiques fortes, pour des durées déterminées, me paraît une solution infiniment meilleure.

Je mentionnerai encore ceci : il est obligatoire d’être « affecté » à une unité mais la participation au séminaire ne l’est pas (administrativement). Quand on comprendra au CNRS que c’est le séminaire qui doit être obligatoire et pas le labo, on aura fait un très grand pas en avant. On posera alors l’équation juste. Approximativement, dans la discipline qui est la mienne, je l’écrirais comme suit :

Recherche = recherche individuelle + recherche interdisciplinaire/collective= petites équipes très soudées dans un large milieu avec des moyens + séminaires obligatoires NON EGAL A laboratoire (facultatif ou à supprimer)

L’organisation des sciences humaines au CNRS, pourrait être vaguement esquissée de cette façon : on garde une direction de département et le comité national. Celui-ci est renforcé et sa tâche précisée. Il fait l’évaluation scientifique des chercheurs (au moins deux rapporteurs par chercheur et examen sur pièces). Les chercheurs sont logés dans des structures appelées Maisons des Sciences de l’Homme (comprenant évidemment des enseignants-chercheurs, des chercheurs non CNRS et d’autres personnels) qui gèrent les locaux et les équipements. Les chercheurs ont un budget individuel de fonctionnement qu’ils peuvent gérer en fonction de leurs priorités (terrain, achat d’un ordinateur personnel, etc.) et obtiennent des crédits spéciaux de la direction, sur avis du comité national, pour faire fonctionner des équipes définies sur des programmes extrêmement précis et pour une durée déterminée avec production d’un résultat final sous une forme quelconque. Un ensemble de crédits spéciaux peut être prévu et ces crédits accordés automatiquement pour des activités de type participation à un colloque international avec communication, etc. Tous les grands équipements (bibliothèques, revues, audio-visuel) sont gérés par l’administration de la MSH, les tâches secrétariales et administratives confiées à des pools d’administrateurs, techniciens, secrétaires de la MSH. On se débarrasse complètement de cette bureaucratie intermédiaire, dysfonctionnelle, qu’est le labo. Cette armature pernicieuse et stupide est mise au rebut. Les chercheurs sont considérés comme des gens responsables et doivent répondre de leurs activités. Ils sont suivis, évalués, conseillés, encouragés par le comité national. Ils sont encadrés. On leur fait confiance pour lancer des programmes et on leur en donne les moyens. S’ils ne remplissent pas leur contrat on ne leur donne plus rien. Le travail scientifique et de recherche se fait individuellement, collectivement entre chercheurs qui collaborent sur des projets précis et dans des séminaires. Ceux-ci sont dirigés par un ou plusieurs chercheurs et enseignants qui organisent les séances, publient les actes, etc. Le problème de l’autorité du directeur de labo ne se pose plus parce qu’il n’y a plus de directeur de labo, mais une direction générale qui répartit les fonds aux chercheurs individuellement sur avis d’un comité scientifique national qui fait vraiment son travail.

Nous avons trouvé en France la formule MSH qui est bonne. Développons-la. Multiplions les MSH. Pour des raisons qui me paraissent résulter d’une pure dérive bureaucratique on a imposé le labo aux sciences humaines, une armature pernicieuse et de toute façon, je le répète, dysfonctionnelle. Rendons-le au moins facultatif. Surtout ne développons pas les MSH en super-labos, sur le modèle du labo, avec des « grands programmes transversaux » et des « logiques », des « spécificités », des « cohérences » et toute cette phraséologie creuse avec son accompagnement bureaucratique de directeurs scientifiques et de comités. Les logiques et les spécificités scientifiques elles existent au niveau du travail individuel ou dans de petites équipes fortement unies autour d’une problématique précise, ou peut-être même autour de l’œuvre d’un chercheur, ou dans un séminaire, ou un groupe de travail, même informel. Rendons les chercheurs vraiment responsables et coopératifs et non pas à la fois irresponsables et férocement individualistes comme les y incite la structure de labo. L’encadrement doctoral me direz-vous ? Eh bien justement il se fera comme il doit se faire, et comme il s’est toujours fait, avec un directeur de recherche et la participation à un séminaire. Le labo est pour cela d’une inutilité totale. Le doctorant aura toutes les opportunités de rencontrer dans ce milieu libre et ouvert les chercheurs qui pourront le conseiller. Et les post-docs ? Dans un pays comme le nôtre (riche matériellement et scientifiquement) on va se dépêcher de leur donner un statut honorable (on peut les appeler des stagiaires et les salarier) et ce sont des chercheurs comme les autres. Ils fonctionnent comme les autres chercheurs, individuellement, en équipes et en séminaires, peut-être pas comme chefs d’équipe tout de suite, mais comme les autres. Bon, assez rêver. On passe à l’action ?