Projet « d’évolution » pour l’INSERM de C Bréchot
C Bréchot prépare la liquidation de l’Inserm !
Section Nationale INSERM du SNTRS CGT
Par
, le 23 juin 2004En réduisant fortement les budgets versés à ses formations en début d’année 2004, en effondrant le nombre de postes de chercheurs ouverts au concours. La Direction Générale de l’Inserm avait fortement contribué à l’explosion du mécontentement dans la recherche. Dans la continuité de la politique qu’il a menée jusqu’à présent, le Directeur Général (DG) de l’Institut a présenté le 24 mai 2004 un plan intitulé « propositions d’évolution pour l’Inserm » qui programme à terme la disparition de notre Institut au profit d’une agence des moyens.
Vers la disparition de l’Inserm
L’Inserm a été créé il y a quarante ans devant l’incapacité de l’université médicale à affronter des enjeux de recherche. Cette situation n’a pas fondamentalement changé. Depuis la loi de 1972, les universités sont autonomes. Comment structurer une recherche, dont les enjeux sont internationaux, avec des universités organisées par sites ? Avec cette proposition, l’Inserm renonce à toute politique scientifique nationale. C’est en toute logique que le document propose que l’Institut se transforme en simple agence de soutien des politiques locales des universités et des hôpitaux, en évoluant en une agence chargée de financer les projets qui lui seront soumis. L’Inserm, ou plus exactement l’agence qui portera ce nom, ne versera plus de financements récurrents, mais uniquement des financements contractualisés. Ce projet aboutit in fine à la disparition de l’INSERM au profit d’une Agence Nationale de programmes et de moyens dont la priorité sera le financement d’une recherche finalisée orientée vers la recherche clinique, l’innovation et la valorisation économique. Les parents pauvres de cette réforme seront la recherche fondamentale non finalisée et les recherches en santé n’intéressant pas les marchés financiers. Toutes les démarches qui cherchent à demander aux organismes publics de délaisser le fondamental pour se consacrer aux seules applications, où à les pousser à se transformer en agences de moyens sous-traitant l’activité de recherche proprement dite, sont inefficaces, voire vouées à l’échec.
La restructuration des sites
Ce qui restera du potentiel de l’Institut se regroupera dans des équipes de taille réduite, en concurrence permanente pour l’attribution des contrats, au sein de « Centres de Recherche » dans lesquels la majorité des ITA seront mutualisés. Ces centres de recherche seront intégrés dans des « campus » regroupant université, hôpital, industrie, ... qui constitueront des pôles régionaux. Avec le programme « ESPRI », la direction de l’Inserm incite les régions à jouer un rôle croissant dans le financement et la politique des formations de recherche de l’Inserm. Chaque région, chaque université voudra développer les mêmes priorités, celles qui sont en vogue à un moment donné, au mépris de toute cohérence nationale. Beaucoup de forces veulent voir les EPST se fondre dans les universités. Mais, il n’existe aucune structure universitaire d’évaluation des recherches menées par les laboratoires universitaires et par les enseignants chercheurs. Les recrutements des enseignants chercheurs sont locaux. Les présidents d’université conçoivent essentiellement la recherche comme un moyen d’autofinancement. Force est de constater que, par leur organisation et leur gestion des personnels, les universités ne sont pas en mesure actuellement de structurer et de gérer la recherche. Quant à l’hôpital, sa conception de la recherche est naturellement appliquée.
La fin des instances scientifiques représentatives de la communauté scientifique
L’évaluation nationale comparative des structures et des chercheurs, telle quelle est pratiquée à l’INSERM, est très largement reconnue par sa qualité, elle assure la pertinence des recherches menées par notre institut. Elle s’oppose aux conceptions de la Direction qui veut imposer une gestion autoritaire du personnel et des structures. D’où les modifications proposées concernant les instances d’évaluation : disparition des élus des CSS, instauration de jurys à géométrie variable pour les recrutements, introduction massive d’experts qui n’ont de compte à rendre qu’à la Direction. L’évaluation par ces experts se réduira à donner un avis suivant une grille établie par la Direction, qui prendra ensuite la décision qui lui conviendra. Tout le monde a pu mesurer les conséquences du découplage entre évaluation et gestion avec les dotations « différentielles » des unités en début 2004, système que le DG veut pérenniser. Pour le DG, la capacité à décrocher des contrats est l’élément déterminant de la démarche scientifique. A cette fin, il propose que les universités bénéficient de subventions complémentaires proportionnelles aux contrats des chercheurs qu’elles auront recrutés. La valorisation et l’adéquation aux appels d’offre deviennent les critères majeurs de l’évaluation au détriment de la composante scientifique.
Le statut mis en cause : pour les personnels, précarité et flexibilité et suppression des corps de chercheurs.
Ce document propose que les chercheurs, qui, pour la direction, se réduisent aux Directeurs de Recherche (DR), soient à l’avenir recrutés par les universités et l’hôpital. Les DR, devenus « chercheurs-enseignants », seront confinés dans des tâches de management, déconnectées de la vie concrète des laboratoires. Cette proposition rejoint celle de la Conférence des Présidents d’Université (CPU) qui vise la disparition des EPST. Les chercheurs sont les instruments d’une politique scientifique. Quel rôle peut avoir l’Inserm si ses chercheurs constituent un corps en extinction ? Les seuls personnels statutaires que l’Institut envisage de continuer à gérer sont les ingénieurs et les techniciens. Ils seront en nombre limité et serviront de main d’œuvre dans les plateaux techniques. Pour les Chargés de Recherche (CR), leur devenir n’est pas clairement défini. Ils devront vraisemblablement passer maîtres de conférence ou devenir ce que le DG appelle les « chercheurs-ingénieurs ». Concernant les rémunérations, le DG propose la généralisation de la modulation des salaires et des primes. Pour la mise en œuvre des projets, le recours systématique aux CDD de chercheurs et d’ingénieurs et techniciens est encouragé. La délégation de moyens aux campus et pôles régionaux proposée par le document présente l’opportunité d’étendre la précarité. Ce système proposé est un système ultra élitiste totalement dérégulé, dans lequel la précarité, par une mise en compétition permanente des structures et des individus, est le principe organisationnel. L’expérience quotidienne, en France comme ailleurs, montre que la précarité ne constitue en aucun cas pas un facteur de motivation.. C’est pourtant un des fils conducteurs des politiques publiques et des réformes en cours du CNRS et de l’INSERM. Pour que la recherche irrigue l’économie, pour rendre les chercheurs mobiles, il faudrait les situer d’emblée en situation de précarité. De telles théories managériales sont socialement inacceptables autant qu’économiquement inefficaces. La précarité, c’est la démotivation et le gaspillage des savoirs produits.
Le CNRS est concerné
Ces propositions ne concernent pas seulement le biomédical mais aussi toutes les sciences du vivant, puisque le DG envisage de fusionner la future agence Inserm avec le secteur Sciences de la Vie (SdV) du CNRS. Cette proposition est d’autant plus inquiétante que la recherche fondamentale est le parent pauvre du projet du DG. Que deviendront le végétal et la bactériologie non animale ? Le CNRS a développé des programmes entre le secteur SdV et les secteurs chimie, SPI et STIC, que deviendront ils ? Ou est l’intérêt scientifique ?
Un déni de démocratie
Le projet de Christian Bréchot s’inscrit en opposition complète avec la mobilisation exceptionnelle des personnels de la recherche de début 2004 contre la suppression des postes statutaires au profit des CDD de longue durée. Un des acquis du mouvement de la recherche a été d’imposer la tenue des « Etats Généraux » indépendants pour débattre de l’avenir de la recherche en France. Nous constatons que le Directeur Général de l’INSERM a déjà mis en place une partie importante des mesures contenues dans son projet : recrutement tardif des chercheurs (réduction du recrutement CR2), les sur-salaires liés aux contrats (contrats d’interface), le recrutement sur CDD, la création des « Centres de Recherche », la mise en cause de l’évaluation démocratique, la mise ne place des programmes nationaux (préfiguration des instituts thématiques indépendants). Le contenu de ce projet ne peut pas être considéré comme représentant l’avis de la communauté INSERM : Le Directeur Général n’a jamais demandé l’avis des Instances scientifiques, ni engagé des négociations avec les représentants des personnels. Les propositions du DG sont avant tout celles de la fraction la plus rétrograde du monde hospitalo-universitaire qui veut s’approprier l’outil constitué par l’Inserm et ses personnels, non pour répondre à des besoins d’extension de la connaissance et de développement de la société, mais uniquement pour étendre son pouvoir, en lien avec les exigences des groupes pharmaceutiques multinationaux qui mettent en place une stratégie d’externalisation de leurs activités de recherche et développement et qui souhaitent mettre l’outil de recherche publique au service de leurs intérêts économiques. Le Directeur général doit défendre et faire vivre l’Institut de recherche qu’est l’Inserm. Ce n’est pas sa fonction que de contribuer à sa disparition, il n’a pas été mandaté par ses tutelles pour cela.
Le SNTRS-CGT s’adresse à vous, Chercheurs, Ingénieurs, Techniciens, Administratifs, il nous appartient de défendre l’outil de production scientifique qu’est l’Inserm ainsi que ses personnels.
Non le plan Bréchot ne passera pas !