Les points sur les i (à propos du texte "Un milliard pour la recherche...")
le 5 juillet 2004
Par Patrick Allard, Henri Audier, Yesekiel Ben-Ari, Bertrand Monthubert, Thierry Rabilloud et Alain Trautmann
Le texte du CIP du 29 juin a provoqué de nombreuses inquiétudes et incompréhensions. Une grande partie d’entre elles a pour origine des imprécisions ou ambiguïtés dans le texte, qui n’auraient sans doute pas été si ce texte, qui devait être rendu pour la fin juin, avait commencé à être discuté plus tôt. Maintenant qu’il a été remis à François Fillon, s’il n’est plus temps de l’amender, il reste possible de lever les ambiguïtés, afin que tout le monde le comprenne de la même façon. C’est l’objet de ce texte-ci, cosigné par des membres de SLR ressentant la nécessité de ces clarifications, parmi lesquels Alain Trautmann, qui a contibué activement à la rédaction du texte du 29 juin, y a introduit nombre de remarques venant des CloEgs, et assume totalement le texte du CIP et les précisions qui suivent.
Statut du texte du 29 juin Le texte intitulé " Un milliard de plus pour la recherche publique civile en 2005" a pour objet, comme l’indique son titre, de rappeler au gouvernement à la veille de la discussion, cet été, de la loi de finances 2005, pourquoi la recherche publique en France doit disposer de moyens supplémentaires importants dès 2005.
Il était donc indispensable pour cet objectif dont nul ne peut sérieusement contester la nécessité, de donner des éléments sur l’utilisation de ce milliard d’euros, qui a été promis au printemps par le Premier Ministre. Les destinataires de ce texte sont clairement les ministres concernés (recherche, finances, premier ministre). C’est eux qu’il s’agit d’essayer de convaincre.
C’est à eux que nous disons : il faudra des moyens, une réelle volonté politique, et c’est dans ces conditions qu’une réforme dont nous vous indiquons quelques grandes lignes pourra être mise en place. Le texte " Un milliard de plus pour la recherche publique civile en 2005" n’a jamais eu vocation à constituer le cadre qui enfermerait ou verrouillerait les conclusions des Etats Généraux. . Il est le résultat d’un exercice difficile et nécessairement insatisfaisant, celui de proposer des orientations budgétaires alors que les débats sur les réformes à conduire sont en cours. Les conclusions finales des EG seront le fruit de ces débats, et pourront naturellement différer des propositions faites aujourd’hui dans le cadre du seul budget 2005.
Précisions L’introduction du texte adressé aux ministres, qui n’avait évidemment pas de prétention à l’exhaustivité, insiste sur le lien entre la recherche et l’économie. Sans anticiper sur les conclusions des EG, on peut prévoir que le texte d’octobre -notamment dans la partie Recherche et Société-, insistera fortement sur l’importance de la recherche pour un développement des connaissances totalement dégagé de préoccupations d’applications, notamment économiques. L’absence de cette mention dans le texte du 29 juin ne doit pas être considéré comme un changement de cap, comme certains l’ont suggéré !
D’autres se sont inquiétés : "pourquoi parler d’un Conseil Supérieur de la Recherche ?" ou bien : "Pourquoi ne rien dire sur sa composition, qui sera pourtant déterminante ?". Ce conseil a été mentionné comme une illustration de la nécessité d’une forte volonté politique en soutien à une relance de la recherche en France. Ce sera aux EG de confirmer (ou non) que cette volonté doit se traduire de cette façon-là et si oui, de préciser le mode de constitution de ce conseil.
Sur les crédits incitatifs et leur distribution. On ne peut ignorer la volonté affirmée par C. Haigneré puis par N. Sarkozy de "financer des projets et non pas des structures". Il devenait dès lors indispensable d’’entrer dès maintenant dans la discussion, certes délicate, des crédits de base, des crédits incitatifs, sur projets thématisés ou non, de critiquer le fonctionnement du FNS et la multiplicité des sources possibles d’appels d’offre existant actuellement. Répondre à cette nécessité indiscutable, en ne se contentant pas de généralités sans grand intérêt, mais sans non plus préempter les conclusions des EG, est un exercice nécessairement délicat. Le texte du 29 juin a indiqué clairement notre volonté qu’il y ait des modifications dans les modes d’attribution des crédits, notre souci de l’importance de l’évaluation (mais sans anticiper trop sur son mode d’organisation), notre refus d’accepter l’idée que des crédits de base ne seraient pas évalués (et équivaudraient à "arroser le sable"). Nous avons encore quelques mois pour faire des propositions complètes, approfondies et, nous l’espérons, aussi consensuelles que possible.
Création de postes dans les Universités et les organismes. Lorsque l’on parle de création de postes, on entend bien entendu création de nouveaux postes, en plus des remplacements des départs à la retraite. Lorsque le texte dit que les créations de postes auront lieu essentiellement à l’Université, cela signifie que pour les chercheurs des EPST et des EPIC, les départs à la retraite seront simplement mais intégralement remplacés, ce qui signifie, vu la démographie, une augmentation du nombre des recutements par rapport aux années précédentes. Pour les ITA et les IATOS, il est demandé explicitement qu’il y ait des créations de postes.
La demande d’un nombre important de postes d’enseignants-chercheurs est motivée par le souci d’allègement des charges d’enseignement de ces derniers, en particulier en début de carrière. Il ne s’agit pas que ces décharges d’enseignement soient données dans n’importe quelles conditions. Le texte du 29 juin précise bien : "Cette ambition n’a de sens que si elle est accompagnée d’une véritable évaluation des enseignants-chercheurs dans la pluralité de leurs tâches. (...) [Cette politique nécessite] des créations de postes d’enseignants-chercheurs plus nombreuses sur des critères de recherche." Il est vrai que le texte du 29 juin ne conditionne pas ces recrutements nouveaux à une amélioration sensible du système de recrutement universitaire, afin de se débarasser d’un localisme hélas beaucoup trop fréquent (avec d’heureuses exceptions). Dans l’idée d’un des rédacteurs (AT), c’était implicite. Mais ce n’est effectivement pas explicité. Voilà encore un point où la responsabilité de bien préciser les choses reviendra au texte final des EG.
Ce document vise-t-il à affaiblir les EPST ? Si cela a pu être lu ainsi, c’est que le texte est mal rédigé, car tel n’est certainement pas l’intention de personnes impliquées dans cette réflexion et sa mise en forme, comme Henri Audier (voir son texte du 21 mai sur le site SLR), Edouard Brézin ou Alain Trautmann, qui sont tous favorables à un système d’enseignement-recherche qui marche sur ses deux jambes, organismes de recherche et universités, comme le souhaitent, si nous ne nous trompons pas, une majorité de nos collègues.
Les rédacteurs du texte "Un milliard..." sont également favorables, comme beaucoup de leurs collègues, au fait que des enseignants-chercheurs puissent avoir des périodes de détachement ou d’accueil dans des organismes de recherche (afin de leur permettre pouvoir plus se consacrer à la recherche pendant quelques années), que des chercheurs aient la possibilité de faire plus d’enseignement qu’ils n’en font aujourd’hui et que cette activité soit prise en compte dans leur évaluation, bref, qu’il y ait une plus grande fluidité entre les différentes missions, notamment l’enseignement et la recherche. Si, dans un EPST, le nombre de chercheurs statutaires (hors postes d’accueil) demeure constant ou augmente légèrement et que le nombre de poste d’accueil augmente plus vite, si en outre une partie des chercheurs passent une fraction de temps significative à faire de l’enseignement, cela signifie doublement qu’il y aura une diminution dans la "PROPORTION de chercheurs à temps plein à vie". Ceci est parfaitement compatible avec une augmentation du nombre de postes de chercheurs dans cet EPST (sans parler de l’augmentation du nombre d’ITA, mentionné dans le paragraphe précédent du texte du 29 juin).