Synthèse des réflexions du comité local « Sauvons La Recherche »
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, le 16 juillet 2004Les réflexions qui ont été menées dans le cadre du comité local Besançon - Franche-Comté, l’ont été à partir de trois commissions : organisation de la recherche, recherche et société, enseignement et recherche. Cependant, du travail de synthèse de ces trois commissions s’est naturellement dégagé un plan légèrement différent et qui a été choisi pour structurer ce document : (1) Organisation de la recherche, (2) Statuts des personnels, (3) Enseignement et recherche.
En conclusion, nous résumerons les dispositifs actuels auxquels nous sommes attachés, ceux qui nous semblent constituer des dysfonctionnements, ceux auxquels nous sommes hostiles et enfin, les mesures que nous préconisons.
I. ORGANISATION DE LA RECHERCHE
L’insuffisance des moyens alloués à la recherche a été reconnue à l’unanimité, tant du point de vue des moyens humains (chercheurs/enseignants-chercheurs et ITA/IATOS) que financiers.
I.1. Rôle des universités
Pour l’ensemble des participants aux groupes de réflexion, le rôle des universités apparaît central puisqu’elle organise l’enrichissement mutuel de ses deux missions principales, la recherche et l’enseignement. Par conséquent, si l’offre de formation est pluridisciplinaire, elle doit s’appuyer sur une recherche également pluridisciplinaire, ce qui exclut la notion de campus monothématique.
Le projet d’autonomie des universités, proposé entre autres par la CPU, a aussi été examiné. Certaines craintes ont été émises au sujet d’un possible désengagement de l’état. Mais c’est surtout une hostilité forte au « budget global », incluant les salaires des personnels qui s’est exprimée. En effet, cette mesure risque fort d’accentuer les différences entre les universités : une université riche, qui pourra recruter plus de chercheurs, éventuellement même avec un meilleur salaire, sera beaucoup plus attractive pour les étudiants comme pour les chercheurs, augmentant encore le déséquilibre avec des universités moins bien dotées. Les recrutement et les grilles de salaire nationaux (même les recrutements d’enseignants-chercheurs comportent un étage national : la qualification) aplanissent les différences entre universités et permettent à de petites universités d’attirer des chercheurs brillants.
Plusieurs projets de réforme de la recherche s’intéressent à la « gouvernance » dans les universités. De notre côté, il nous semble plus pertinent de revitaliser le fonctionnement collégial des instances universitaires.
Le maillage des universités françaises, mis en cause par certains rapports, nous paraît correct et ne nous semble pas responsable du manque de visibilité dont on les accuse.
Enfin, concernant le lien avec les EPST, un certain scepticisme sur la régionalisation du CNRS (projet Mégie-Larouturou) s’est exprimé. Par contre, l’ensemble des participants s’est déclaré attaché au rôle d’« agence de label » que jouent les EPST, en particulier le CNRS.
I.2. Taille des unités
Le lien existant entre la taille des unités et leur excellence ne nous semble absolument pas démontré. De petites équipes peuvent très bien exister et pratiquer une recherche au meilleur niveau international pour peu qu’elles se fédèrent avec d’autres. Il nous semble que c’était justement le rôle des facultés que d’associer de petits laboratoires et nous déplorons la diminution actuelle du poids des UFR : nombres de laboratoires et de filières d’enseignement sont maintenant dispersés sur plusieurs UFR. Il nous apparaît pertinent de redonner leur rôle aux facultés, rôle qui n’a cessé de diminuer depuis 1984, afin qu’elles permettent de mutualiser les moyens, humains et financiers, de favoriser les échanges entre chercheurs de laboratoires différents, et peut-être d’augmenter la visibilité des unités qui les composent.
I.3. Financement
Le financement doit être attribué aux laboratoires, sur la base de leur évaluation scientifique, mais géré par les UFR. Les financements récurrents doivent constituer la plus grande part des dotations des laboratoires et doit être réévalué tous les 4 ou 5 ans (le rythme quadriennal actuel est satisfaisant). Le financement projet doit concerner des projets aux contours bien délimités mais néanmoins ambitieux : s’étalant sur plusieurs années et incluant des allocations de thèse. Un des principaux reproches formulés à l’encontre des projets actuels est leur caractère trop morcelé. Il faut souvent monter des dossiers très lourds pour des sommes parfois dérisoires.
Ceci pose d’ailleurs un problème plus général dans les finances publiques : tout demandeur est systématiquement considéré avec suspicion et un grand nombre de contrôles a priori sont mis en place, contrôles dont l’efficacité n’est pas toujours démontrée, mais qui contribuent a alourdir considérablement le montage des dossiers. Par conséquent, il est clair que le simple fait de faire confiance a priori aux chercheurs et de n’exiger un contrôle qu’a posteriori diminuerait de façon très significative les charges administratives qui amputent sévèrement leur potentiel recherche.
I.4. Évaluation des laboratoires
Tous les laboratoires doivent être évalués par un dispositif unique, national, indépendant (des laboratoires mais aussi des pouvoirs, notamment politiques), avec des critères clairs définis et diffusés à l’avance. À cet égard, ce sont surtout les évaluations opérées par le ministère, qui manquent parfois singulièrement de transparence, qui étaient en cause.
II. STATUTS DES PERSONNELS
La grande majorité des participants aux discussions s’est déclarée très attachée au statut de fonctionnaire dans la recherche publique, qu’il s’agisse des chercheurs/enseignants-chercheurs ou des ITA/IATOS. En effet, c’est ce type d’emploi qui garantit la tranquillité d’esprit nécessaire pour pouvoir entreprendre des projets de longue haleine et avoir une grande réactivité par rapport aux avancées récentes de la science. À l’opposé, un chercheur contractuel qui doit le renouvellement de son contrat à son taux de publication, ne peut pas prendre le risque de ne pas publier pendant plusieurs mois en réorientant ses recherches sur un thème plus porteur à long terme.
Les emplois contractuels doivent donc être réservés à la recherche privée (CDI) afin d’amener l’industrie française à prendre une part plus importante dans la recherche. Enfin, les contrats à durée déterminée ne devraient servir qu’à accueillir des chercheurs étrangers (postdocs ou seniors), qui par nature ont vocation à venir travailler ici pour une durée limitée, afin de participer au rayonnement de la recherche française.
II.1. Statuts
Concernant l’éventualité d’un statut unique entre les chercheurs et les enseignants-chercheurs, une nette majorité s’est dessinée pour garder les deux statuts actuels. Cependant, il a été unanimement souhaité que de véritables passerelles soient ouvertes entre chercheurs et enseignants-chercheurs. Deux mesures semblent nécessaires pour les enseignants chercheurs : passer à un recrutement national, d’une part, diminuer notablement les services d’enseignement, d’autre part.
II.2. Évaluation
De même que le recrutement, l’évaluation doit être réalisée au niveau national. Toutes les activités doivent être prises en compte : la recherche, bien sûr, mais aussi l’enseignement (notamment les responsabilités de filières, les créations de nouveaux travaux pratiques, etc.), les activités administratives, et toutes les autres tâches qui constituent notre métier, comme, par exemple, la diffusion de la culture scientifique et technique.
Le but de ces évaluations est double : tout d’abord donner de véritables promotions, mais aussi permettre des allégements de service significatifs. Cependant, il faut rester vigilant afin que le nombre de promotions ne deviennent pas une « variable d’ajustement » en cas de crise. Il faut indexer le nombre de promotions possibles par an sur la masse salariale.
II.3. ITA/IATOS
Des inquiétudes ont été formulées concernant la régionalisation des personnels avec des risques de mutation et reconversion arbitraire. Cela conduirait inévitablement à une perte de savoir faire et donc, une déstabilisation des équipes. De plus, on peut voir s’installer une logique de concurrence entre les personnels de la recherche. Il a été noté également un recours de plus en plus fréquent à l’externalisation et à la sous-traitance.
Il a donc été réaffirmé que la garantie de l’emploi, et le caractère national des statuts, est parfaitement compatible avec l’exercice des métiers de la recherche. Il a aussi été suggéré :
de rendre plus aisée et attractive la mobilité interne et externe aux organismes, que ce soit les universités ou les EPST,
de rétablir les cohérences entre l’évaluation des personnes, l’évaluation des équipes et l’élaboration de la politique scientifique au niveau de la discipline et des interfaces,
de mettre en place une véritable évaluation des ITA/IATOS et de leurs métiers afin de juger mais aussi de corriger, faire évoluer et prendre en compte les besoins (en particulier résorber les sous-classements).
II.4. Post-doctorants
L’accueil doit être plus conséquent et plus ouvert pour les étrangers dans les universités françaises, qui doivent pouvoir accueillir des chercheurs sur des positions telles que par exemple des assistants, des professeurs associés ou des chercheurs seniors, comme cela existe dans les universités d’autres pays.
Mais il faut également se soucier sérieusement de NOS chercheurs, partis à l’étranger dans des conditions similaires. Actuellement, nombre d’entre eux sont dans une situation déplorable, rejetés à la fois par le monde industriel qui ne reconnaît pas leur expérience et par le monde académique qui les juge parfois trop vieux. Il faut les inciter à revenir en leur réservant un contingent de postes en nombre cohérent avec le flux de postdocs et en leur proposant un vrai statut.
III. ENSEIGNEMENT ET RECHERCHE
Il a été redit que l’enseignement universitaire doit s’appuyer sur la recherche : il ne faut pas mettre en place de collège universitaire !
III.1. Augmenter l’attractivité des thèses
Les allocations doivent être nettement revalorisées pour prendre en compte le nombre d’années d’étude en début de thèse (bac + 5 minimum). Par ailleurs, une participation à l’enseignement systématique mais modérée, dans l’esprit du monitorat, devrait être la règle.
III.2. Reconnaissance de la thèse
Une des clés de la mauvaise image de la recherche dans l’industrie, largement préjudiciable aux docteurs cherchant un emploi, mais aussi, plus généralement, à l’intérêt des entreprises pour le monde de la recherche, peut être identifiée à la formation des cadres de l’industrie française. Pour la plupart, ils ont été formés dans les écoles d’ingénieurs et les grandes écoles et n’ont jamais été confrontés directement à la recherche en laboratoire. Pour changer cet état de fait sans pour autant remettre en cause le système des grandes écoles qui a fait ses preuves, il nous semble qu’il serait judicieux d’introduire dans le cursus des ingénieurs, et de préférence à la fin, un stage de formation PAR la recherche de 6 mois ou 1 an, dans un laboratoire. De plus, cette étape de formation PAR la recherche pourrait être étendue en formation POUR la recherche pour les plus motivés et se prolonger en thèse à part entière. De manière générale, toutes les thèses pourraient commencer par cette période probatoire qui permettraient aux étudiants qui réalisent « sur le terrain » qu’ils ne désirent pas devenir chercheurs, de sortir avec un diplôme intermédiaire entre le master et le doctorat.
D’autre part, la reconnaissance de la thèse passe aussi par la reconnaissance du doctorat comme un diplôme professionnel, reconnu nationalement, y compris à l’ANPE.
III.3. LMD
Un désaccord a été unanimement exprimé sur la méthode par laquelle le ministère a conduit cette réforme. Plutôt que de définir un cadre clair, il a demandé à chaque université de décliner son interprétation du LMD, conduisant à un travail colossal qui a mobilisé des centaines de personnes, enseignants et administratifs, dans chaque établissement, pour faire converger par le biais des navettes les propositions initiales vers des solutions qui vont parfois à l’encontre des objectifs de la réforme.
De plus, plusieurs collègues ont exprimé leur désaccord avec l’abandon du caractère national des diplômes. En effet, il ne peut plus y avoir de programme officiel dans la mesure où chaque université a exprimé différemment sa vision du LMD. Par conséquent, un diplôme ici, n’aura pas la même valeur que le même diplôme dans la même discipline ailleurs. Il y a donc un risque pour les étudiants de voir apparaître des diplômes de secondes zones et donc un enseignant universitaire à deux vitesses : les étudiants qui en auront les moyens pourront intégrer des universités prestigieuses alors que les autres devront se contenter de leur université « de proximité ».
Localement, il a aussi été déploré le basculement complet à la rentrée qui pose de graves problèmes. Un basculement progressif eut été plus prudent, moins générateur d’angoisse chez les étudiants et surtout beaucoup moins lourd !
CONCLUSIONS
Il a été rappelé notre attachement au rôle central que jouent les universités, d’une part, et au « label qualité » donné par le CNRS, d’autre part.
Les principaux dysfonctionnements actuels concernent la surcharge d’enseignement qui frappe les enseignants-chercheurs et la sous-dotation en moyens, humains et financiers, qui paralyse les laboratoires.
Une grande majorité des participants aux réflexions ont manifesté leur hostilité au budget globalisé des universités, incluant les salaires, et au statut unique chercheur/enseignant-chercheur.
Les mesures proposées sont les suivantes :
renforcer le rôle des UFR afin de permettre la mutualisation des petits laboratoires,
favoriser la motivation de l’industrie à l’égard de la recherche en introduisant une formation par la recherche pour les ingénieurs,
permettre aux post-doctorants partis à l’étranger de revenir en France en leur réservant un contingent d’emplois en rapport avec leur nombre,
favoriser l’avancement des personnels méritants en créant plusieurs grades permettant de véritables promotions,
diminuer les charges administratives en faisant confiance aux acteurs de la recherche !