Sauvons la recherche... tous ensemble
communiqué du syndicat "SUD Recherche EPST" (15/01/04)
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, le 15 janvier 2004La lettre-pétition lancée le 7 janvier sur Internet par un collectif de directeurs d’unité de recherche du CNRS et de l’INSERM a permis d’alerter à nouveau l’opinion publique sur la dégradation de la situation de l’emploi et des crédits budgétaires dans les organismes de recherche, après la manifestation appelée par les organisations syndicales le 14 Novembre 2003 devant l’Assemblée Nationale au moment du vote du Budget 2004 de la Recherche. Elle a contraint Madame la Ministre Haigneré à l’annonce d’un versement en 2004 et 2005 des crédits non versés aux organismes en 2002... Mais nous sommes loin du compte, et dans le même temps le 1er Ministre nie qu’il y ait diminution des moyens de la recherche publique !
Le texte de cette lettre-pétition demande un accroissement des embauches dans les corps de chercheurs. Fort bien, mais pour notre part, en tant que syndicat SUD Recherche EPST, résolument inter-catégoriel, nous ne comptons pas laisser dans l’ombre l’autre moitié des personnels de la recherche publique, les techniciens, les ingénieurs, les gestionnaires administratifs, les informaticiens, les documentalistes, les agents techniques ?même s’ils sont moins « médiatiques » (à moins qu’ils ne soient carrément transparents) ! Nous rappelons que sur les 550 emplois de titulaires Recherche supprimés au budget 2004 pour l’ensemble des EPST, 200 sont des emplois de chercheurs et 350 sont des emplois d’ingénieurs, techniciens et administratifs, ce qui se traduira par une dégradation des conditions de travail et une diminution importante des possibilités de promotions (déjà bien maigres au regard de la masse des sous-classements existants !).... Quant aux « jeunes chercheurs », ils doivent aussi avoir voix au chapitre dans l’élaboration de la liste des revendications. Il ne doit plus y avoir dans les laboratoires de thésards sans rémunération (ou payés par les ASSEDIC comme les intermittents du spectacle !) ou sans aucune couverture sociale, ni de post-docs à répétition ou CDD se substituant aux emplois statutaires, sans perspectives d’emploi stable, de salaire décent et de droit à une retraite convenable. Personne n’envisage l’avenir de l’hôpital sans les infirmières et les aides-soignants ! Nous ne concevons pas un avenir pour la recherche publique sans toutes celles et tous ceux qui la font avancer au quotidien ! Pour sauver la recherche nous ne sacrifierons pas la majorité de ses acteurs !
Nous partageons les critiques vigoureuses portées à l’encontre des dérives de la politique gouvernementale de recherche qui n’ont cessé de s’accentuer ces dernières années : le désengagement de l’Etat vis-à-vis des moyens budgétaires alloués aux EPST, la volonté du Ministère chargé de la recherche de piloter directement les activités de recherche via des fonds incitatifs (mis en place par Claude Allègre, rappelons-le, car lui-même semble l’avoir oublié !). Nous avons nous-mêmes largement dénoncé ces dérives (cf. notre site web http://sud.recherche.free.fr/). Mais nous refusons de nous draper dans une vision scientiste et élitiste de la recherche, d’invoquer la compétitivité et le rayonnement de la France (au plan scientifique et économique) comme les valeurs suprêmes qui devraient guider la Recherche Publique. C’est au nom de ces prétendues valeurs que de jeunes chercheurs travaillent comme des forçats pour des salaires médiocres - voire pas de salaire du tout - mais pour la plus grande gloire de leurs directeurs de laboratoire. Nous n’acceptons pas « l’excellence scientifique » comme seul critère de jugement de l’activité de la recherche publique car cela revient à dénier à tous les citoyens la capacité de porter un jugement sur ce que produit la Recherche Publique. Pour sauver la recherche, nous ne sacrifierons pas le nécessaire débat démocratique avec les citoyens ! Nous ne pensons pas que la légitimité du financement par l’Etat de la recherche publique (qu’elle soit fondamentale ou appliquée) repose sur les seules innovations technologiques et les retombées économiques qu’elles devraient mécaniquement entraîner. Sinon, quelle place pour tous les domaines de la recherche publique - et ils sont nombreux, de la santé à l’environnement en passant par les sciences humaines et sociales - qui n’ont pas pour vocation de déboucher sur de nouveaux produits à mettre sur le marché ? Leur avenir est-il dans les fondations et la charité publique ? Pour sauver la recherche, nous ne sacrifierons pas les recherches « non marchandes » !
Nous soutenons la proposition d’organiser des Assises Nationales de la Recherche et nous souhaitons que puissent s’y exprimer toutes les composantes de la recherche publique, dans leur diversité. Sans remonter au colloque de Caen dans les années 60, à une époque où seuls certains chercheurs des grands organismes de recherche bénéficiaient du statut de fonctionnaires, on peut s’inspirer des Assises de 1981-82 qui débouchèrent sur la loi d’orientation et de programmation de la recherche et du développement technologique du 15 juillet 82 et la titularisation de l’ensemble des personnels contractuels des EPST. En ces temps où le statut de titulaire est mis à mal par la politique de précarisation de l’emploi du gouvernement, il nous semble important de le rappeler !
Dans cette perspective, nous appelons les personnels à se regrouper pour débattre entre eux et avec les organisations syndicales qui défendent leurs intérêts, de manière à faire émerger collectivement leurs propres analyses et leurs propres revendications. SUD Recherche EPST, dont nous voulons faire un outil syndical rassemblant les personnels de tous les EPST et de toutes les catégories, contribuera à ce débat. Nous souhaitons évidemment, comme les auteurs de la pétition, que ces assises débouchent « sur la mise en place d’une politique pluri-annuelle offrant des perspectives d’embauche et de carrières attractives pour les jeunes chercheurs ». Mais nous voulons aussi que soient dénoncées les suppressions d’emplois de titulaires à tous les niveaux, la multiplication des CDD, l’exploitation des thésards sans rémunération, les distorsions entre niveau d’emploi et fonction exercée ? etc ? Nous invitons tous les personnels à se saisir de ces questions, indépendamment de leur hiérarchie, et à dire eux-mêmes ce qui leur paraît bon pour eux et l’avenir de la recherche publique.
le bureau national de SUD Recherche EPST